J’ai longtemps cru que ce qu’on me demandait dans les travaux scolaires, c’était d’être originale sans jamais être personnelle. Il y avait malentendu; ce qu’on attendait de moi était pire : être personnelle sans jamais être originale.
L’empire arabe fut l’empire de la civilisation et de la beauté […] les princes de leurs royaumes ne le cédaient en rien aux barons du Nord pour la justice et la courtoisie. Tel était le royaume des forts, tel était le royaume des guerriers. En ce temps-là, les usuriers n’étaient pas les maîtres et les légistes baisaient la babouche des émirs. Chaque chose était à sa place. Et la
loi du Coran régnait qui veut qu’on écoute les sages, qu’on respecte la justice et qu’on honore ceux qui se conduisent comme des hommes pour la défense du Croissant.
Figaro : Feindre d’ignorer ce qu’on sait, de savoir tout ce qu’on ignore, d’entendre ce qu’on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu’on entend; surtout de pouvoir au-delà de ses forces; avoir souvent pour grand secret de cacher qu’il n’y en a point; s’enfermer pour tailler des plumes et paraître profond, quand on n’est, comme on dit, que vide et creux; jouer bien ou mal un
personnage; répandre des espions et pensionner des traîtres; amollir des cachets; intercepter des lettres; et tâcher d’ennoblir la pauvreté des moyens par l’importance des objets : voilà toute la politique ou je meure!
Il faut espérer que les cercles d’économie locale permettent d’affaiblir la mondialisation dont on ne veut plus, c’est-à-dire celle des transports à travers la planète de matériaux ou d’aliments qu’on peut produire localement, ou l’exportation de conditions de travail effroyables pour fabriquer ailleurs les biens de consommation que l’on achète ici.
De même que l’on ne trouve à redire que des mauvais livres (où l’on se fait une joie de prendre en note les incorrections, celles qui suscitent notre mauvaise ironie) tandis que les excellents sont si dépourvus de faille qu’on ne peut y introduire aucun pied-de-biche pour découvrir leurs rouages, de même l’amour commence pour moi à décliner lorsqu’on est capable de dire
exactement ce qui nous plaît chez l’autre. Dès lors, l’autre est seulement une liste avec des cases cochées.
Ceux qui affirment que rien n’est plus démocratique que l’audimat se moquent du monde, bien entendu. L’audimat ne permet pas de mesurer ce que les gens veulent, mais de savoir jusqu’à quel point ils ont intériorisé ce qu’on les a habitués à vouloir — ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Les gens aiment ce qu’on leur fait aimer. Dans ce domaine comme ailleurs, c’est
l’offre qui détermine la demande, et non l’inverse.
Les utopies apparaissent comme bien plus réalisables qu’on ne le croyait autrefois. Et nous nous trouvons actuellement devant une question bien autrement angoissante : comment éviter leur réalisation définitive?… Les utopies sont réalisables. La vie marche vers les utopies. Et peut-être un siècle nouveau commence-t-il, un siècle où les intellectuels et la classe cultivée rêveront
aux moyens d’éviter les utopies et de retourner à une société non utopique moins « parfaite » et plus libre.
Sans doute une chute est toujours une chute, mais autre chose est de se laisser choir dans un puits parce qu’on regardait n’importe où ailleurs, autre chose y tomber parce qu’on visait une étoile. C’est bien une étoile que Don Quichotte contemplait.
Laquelle des deux puissances peut élever l’homme aux plus sublimes hauteurs, l’amour ou la musique?… C’est un grand problème. Pourtant il me semble qu’on devrait dire ceci : L’amour ne peut pas donner une idée de la musique, la musique peut en donner une de l’amour… Pourquoi séparer l’un de l’autre? Ce sont les deux ailes de l’âme.
L’indécision ne pouvait se prolonger : l’observation en de telles matières est, quoi qu’on fasse, la seule règle supérieure et infaillible; elle parle plus haut encore que les raisonnements les plus subtils. La théorie newtonienne, conférée aux astres eux-mêmes avec un succès toujours croissant, devait ébranler peu à peu et condamner enfin à un éternel oubli ce pompeux édifice
sans solidité comme sans fondement, qui n'a pas même laissé de ruines.