L'amour n'est qu'un feu à transmettre. Le feu n'est qu'un amour à surprendre.
Le chasteté — celle que chacun vit selon son état : célibataire, marié, veuf, prêtre — est une affirmation triomphante de l'amour.
Il ne s'agit pas d'un sentiment d'autocomplaisance, de suffisance, mais d'une connaissance de soi. Lorsqu'on a découvert et rendu consciente en soi la partie de sexe opposé dans sa propre âme, on tient mieux en main ses émotions, ses affects. Cela équivaut en premier lieu à une réelle indépendance, bien qu'en même temps à la solitude, cette solitude de l'homme libre intérieurement,
qu'aucune relation d'amour et d'amitié, qu'aucune association ne peut plus enchaîner, pour qui l'autre sexe n'a plus rien d'inquiétant ni de mystérieux, parce qu'il en a reconnu les traits essentiels dans les tréfonds de sa propre âme. Un tel individu ne pourra plus guère tomber amoureux; il ne peut plus être éperdu, se perdre en un autre; en revanche, il sera capable d'un « amour »
d'autant plus profond, dans le sens d'un don conscient au toi.
[…] il y a une analogie étroite (une analogie d'attitude) entre les diverses manifestations d'une même fonction. Ainsi avons-nous été accoutumés par la clinique freudienne à voir le tabou d'un amour « incestueux » étendre son ombre, peu à peu, sur tout amour et sur la vie entière du sentiment, ou encore l'interdiction frappant de culpabilité les curiosités sexuelles s'étendre
bientôt à d'autres curiosités pour bloquer enfin toute l'activité de l'intelligence.
La sélection impitoyable du pléistocène avait façonné tout ce qui fonderait l'humanité. Même l'amour était un sous-produit de l'évolution. L'amour et le chagrin.