Il faut avancer… parce que le christianisme et la liberté sont incompatibles
L'image littéraire promulgue des sonorités qu'il faut appeler, sur un mode à peine métaphorique, des sonorités écrites. Une sorte d'oreille abstraite, apte à saisir des voix tacites, s'éveille en écrivant; elle impose des canons qui précisent les genres littéraires. Par un langage amoureusement écrit, une sorte d'audition projetante, sans nulle passivité, se prépare. La Natura
audiens prend le pas sur la Natura audita.
Plus qu'aucun autre élément peut-être, l'eau est une réalité poétique complète. Une poétique de l'eau, malgré la variété de ses spectacles, est assurée d'une unité. L'eau doit suggérer au poète une obligation nouvelle : l'unité d'élément. Faute de cette unité d'élément, l'imagination matérielle n'est pas satisfaite et l'imagination formelle n'est pas suffisante pour lier les
traits disparates. L'œuvre manque de vie parce qu'elle manque de substance.
Comme elle est injuste, la critique qui ne voit dans le langage qu'une sclérose de l'expérience intime! Au contraire, le langage est toujours un peu en avant de notre pensée, un peu plus bouillonant que notre amour. Il est la belle fonction de l'imprudence humaine, la vantardise dynamogénique de la volonté, ce qui exagère la puissance. A plusieurs reprises, au cours de cet essai, nous avons
souligné le caractère dynamique de l'exagération imaginaire. Sans cette exagération, la vie ne peut pas se développer. En toutes circonstances, la vie prend trop pour avoir assez. Il faut que l'imagination prenne trop pour que la pensée ait assez. Il faut que la volonté imagine trop pour réaliser assez.
Le complexe de Novalis est caractérisé par une conscience de la chaleur intime primant toujours une science toute visuelle de la lumière. Il est fondé sur une satisfaction du sens thermique et sur la conscience profonde du bonheur calorifique. La chaleur est un bien, une possession. Il faut la garder jalousement et n'en faire don qu'à un être élu qui mérite une communion, une fusion
réciproque. La lumière joue et rit à la surface des choses, mais, seule, la chaleur pénètre.
C'est près de l'eau que j'ai le mieux compris que la rêverie est un univers en émanation, un souffle odorant qui sort des choses par l'intermédiaire d'un rêveur. Si je veux étudier la vie des images de l'eau, il me faut donc rendre leur rôle dominant à la rivière et aux sources de mon pays. Je suis né dans un pays de ruisseaux et de rivières, dans un coin de Champagne vallonnée, dans
le Vallage, ainsi nommé à cause du grand nombre de ses vallons. La plus belle des demeures serait pour moi au creux d'un vallon, au bord d'une eau vive, dans l'ombre courte des saules et des osières.
Pour que nous ayons quelque garantie d'être du même avis, sur une idée particulière, il faut, pour le moins, que nous n'ayons pas été du même avis. Deux hommes, s'ils veulent s'entendre vraiment, ont dû d'abord se contredire. La vérité est fille de la discussion, non pas fille de la sympathie.
N'imagine pas qui veut! Il ne s'agit pas d'imaginer n'importe quoi. La révolution euphorique se trouve au contraire devant cette tâche difficile qu'est l'unité d'imagination. Pour gagner cette unité d'imagination, pour avoir le schème dynamique directeur du bonheur, il faut donc revenir à l'un des grands principes de l'imagination matérielle. Ce n'est pas là une condition suffisante du
bonheur, mais c'est une condition nécessaire. L'on ne peut être heureux avec une imagination divisée. La sublimation — tâche positive de l'imagination — ne peut être occasionnelle, hétéroclite, scintillante. Un principe de calme doit venir auréoler toutes les passions, même les passions de la force.