Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais

Figaro : Voyant à Madrid que la République des Lettres était celle des loups, toujours armés les uns contre les autres, et que, livrés au mépris où ce risible acharnement les conduit, tous les Insectes, les Moustiques, les Cousins, les Critiques, les Maringouins, les Envieux, les Feuillistes, les Libraires, les Censeurs, et tout ce qui s'attache à la peau des malheureux Gens de Lettres,

achevait de déchiqueter et sucer le peu de substance qui leur restait; fatigué d'écrire, ennuyé de moi, dégoûté des autres, abîmé de dettes et léger d'argent; à la fin, convaincu que l'utile revenu du rasoir est préférable aux vains honneurs de la plume, j'ai quitté Madrid, et, mon bagage en sautoir, parcourant philosophiquement les deux Castilles, la Manche, l'Estramadure, la

Sierra-Morena, l'Andalousie; accueilli dans une ville, emprisonné dans l'autre, et partout supérieur aux événements; loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là; aidant au bon temps, supportant le mauvais; me moquant des sots, bravant les méchants; riant de ma misère et faisant la barbe à tout le monde; vous me voyez enfin établi dans Séville et prêt à servir de nouveau Votre Excellence en

tout ce qu'il lui plaira de m'ordonner.
Le Comte : Qui t'a donné une philosophie aussi gaie?
Figaro : L'habitude du malheur. Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer.

George Gordon Byron
George Gordon Byron

Je ne suis pas fatigué de l'Italie, mais ici un homme doit être un sigisbée, et un chanteur de duos, et un connaisseur d'opéras — ou rien. J'ai fait quelques progrès dans tous ces arts, mais je ne puis dire que je ne sente pas la dégradation. Plutôt être un planteur maladroit, un colon sans expérience, — plutôt être un chasseur, ou n'importe quoi, que le porteur d'éventail d'une

femme… J'aime les femmes — Dieu le sait — mais plus le système qu'elles ont établi ici s'empare de moi, plus il me semble mauvais, surtout après la Turquie; ici la polygamie est tout à l'avantage des femmes. J'ai été un coureur d'intrigues, un mari, un miroir à putains, et maintenant je suis un cavalier servant — par tous les saints! c'est une étrange sensation… Non, je veux un

pays, et un home, et — si possible — un pays libre. Je n'ai pas encore trente-deux ans. Je puis encore être un citoyen convenable, fonder une maison, une famille, aussi bonne — ou meilleure — que la première… Mais il n'y a pas de liberté en Europe — cela est certain; c'est une partie usée de notre globe.

Thomas Chalmers
Thomas Chalmers

To be benevolent in speculation, is often to be selfish in action and in reality. The vanity and the indolence of man delude him into a thousand inconsistencies. He professes to love the name and the semblance of virtue, but the labour of exertion and of self-denial terrifies him from attempting it. The emotions of kindness are delightful to his bosom, but then they are little better than a

selfish indulgence—they terminate in his own enjoyment—they are a mere refinement of luxury. His eye melts over the picture of fictitious distress, while not a tear is left for the actual starvation and misery with which he is surrounded. It is easy to indulge the imaginations of a visionary heart in going over a scene of fancied affliction, because here there is no sloth to overcome—no

avaricious propensity to control—no offensive or disgusting circumstance to allay the unmingled impression of sympathy which a soft and elegant picture is calculated to awaken. It is not so easy to be benevolent in action and in reality, because here there is fatigue to undergo—there is time and money to give — there is the mortifying spectacle of vice, and folly, and ingratitude, to

encounter.

Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort
Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort

Quand on a été bien tourmenté, bien fatigué par sa propre sensibilité, on s’aperçoit qu’il faut vivre au jour le jour, oublier beaucoup, enfin éponger la vie à mesure qu’elle s’écoule.

Avram Davidson
Avram Davidson

Suppose Sisyphus to have been acquitted his need of forever toiling up his hill in Hell, would he have made the last journey in joy? Or would mere fatigue have extinguished all other emotion, as a torch extinguished in a sconce?

Héraclite d'Éphèse
Héraclite d'Éphèse

C'est la maladie qui rend agréable et bonne la santé, la faim la satiété, la fatigue le repos.

Hector Berlioz
Hector Berlioz

M. de Larochefoucault accorda sans difficulté la demande que je lui avais adressée à ce sujet. Cherubini, au contraire, au simple énoncé de mon projet, entra en fureur.

— Vous voulez donner un concert ? me dit-il, avec sa grâce ordinaire.

— Oui, monsieur.

— Il faut la permission du surintendant des Beaux-Arts pour cela.

— Je l’ai

obtenue.

— M. de Larossefoucault y consent ?

— Oui, monsieur.

— Mais, mais, mais zé n’y consens pas, moi ; é é-é-zé m’oppose à ce qu’on vous prête la salle.

— Vous n’avez pourtant, monsieur, aucun motif pour me la faire refuser, puisque le Conservatoire n’en dispose pas en ce moment, et que pendant quinze jours elle va être

entièrement libre.

— Mais qué zé vous dis que zé né veux pas que vous donniez ce concert. Tout le monde est à la campagne, et vous né ferez pas de recette.

— Je ne compte pas y gagner. Ce concert n’a pour but que de me faire connaître.

— Il n’y a pas de nécessité qu’on vous connaisse ? D’ailleurs pour les frais il faut de l’arzent !

Vous en avez donc ?...

— Oui, monsieur.

— A... a... ah !... Et que, qué, qué voulez-vous faire entendre dans ce concert ?

— Deux ouvertures, des fragments d’un opéra, ma cantate de la Mort d’Orphée...

— Cette cantate du concours qué zé né veux pas ! elle est mauvaise, elle... elle... elle né peut pas s’exécuter.

Vous l’avez jugée telle, monsieur, mais je suis bien aise de la juger à mon tour... Si un mauvais pianiste n’a pas pu l’accompagner, cela ne prouve point qu’elle soit inexécutable pour un bon orchestre.

— C’est une insulte alors, qué... qué... qué vous voulez faire à l’Académie ?

— C’est une simple expérience, monsieur. Si, comme il est probable,

l’Académie a eu raison de déclarer ma partition inexécutable, il est clair qu’on ne l’exécutera pas. Si, au contraire, elle s’est trompée, on dira que j’ai profité de ses avis et que depuis le concours j’ai corrigé l’ouvrage.

— Vous né pouvez donner votre concert qu’un dimansse.

— Je le donnerai un dimanche.

— Mais les employés de

la salle, les contrôleurs, les ouvreuses qui sont tous attassés au Conservatoire, n’ont qué cé zour-là pour sé réposer, vous voulez donc les faire mourir dé fatigue, ces pauvre zens, les... les... les faire mourir ?...

— Vous plaisantez sans doute, monsieur : ces pauvres gens qui vous inspirent tant de pitié, sont enchantés, au contraire, de trouver une occasion de gagner

de l’argent, et vous leur feriez tort en la leur enlevant.

— Zé né veux pas, zé né veux pas ! et zé vais écrire au surintendant pour qu’il vous retire son autorisation.

— Vous êtes bien bon, monsieur ; mais M. de Larochefoucault ne manquera pas à sa parole. Je vais, d’ailleurs, lui écrire aussi de mon côté, en lui envoyant la reproduction exacte de la

conversation que j’ai l’honneur d’avoir en ce moment avec vous. Il pourra ainsi apprécier vos raisons et les miennes.

Je l’envoyai en effet telle qu’on vient de la lire. J’ai su, plusieurs années après, par un des secrétaires du bureau des Beaux-Arts, que ma lettre dialoguée avait fait rire aux larmes le surintendant. La tendresse de Cherubini pour ces pauvres

employés du Conservatoire que je voulais faire mourir de fatigue par mon concert, lui avait paru surtout on ne peut plus touchante. Aussi me répondit-il immédiatement comme tout homme de bon sens devait le faire, et, en me donnant de nouveau son autorisation, ajouta-t-il ces mots dont je lui saurai toujours un gré infini : «Je vous engage à montrer cette lettre à M. Cherubini qui a reçu à

votre égard les ordres nécessaires.» Sans perdre une minute, après la réception de la pièce officielle, je cours au Conservatoire, et, la présentant au directeur : «Monsieur, veuillez lire ceci.» Cherubini prend le papier, le lit attentivement, le relit, de pâle qu’il était, devient verdâtre, et me le rend sans dire un seul mot. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie 

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Alexis de Tocqueville
Alexis de Tocqueville

Il ne faut pas se dissimuler que les institutions démocratiques développent à un très haut degré le sentiment de l'envie dans le coeur humain. Ce n'est point tant parce qu'elles offrent à chacun des moyens de s'égaler aux autres, mais parce que ces moyens défaillent sans cesse à ceux qui les emploient. Les institutions démocratiques réveillent et flattent la passion de l'égalité sans

pouvoir jamais la satisfaire entièrement. Cette égalité complète s'échappe tous les jours des mains du peuple au moment où il croit pouvoir la saisir, et fuit, comme dit Pascal, d'une fuite éternelle ; le peuple s'échauffe à la recherche de ce bien d'autant précieux qu'il est assez près pour être connu, assez loin pour n'être pas goûté. La chance de réussir l'émeut, l'incertitude

du succès l'irrite ; il s'agite, il se lasse, il s'aigrit. Tout ce qui le dépasse par quelque endroit lui paraît alors un obstacle à ses désirs, et il n'y a pas de supériorité si légitime dont la vue ne fatigue ses yeux.

Alexis de Tocqueville
Alexis de Tocqueville

Une constitution qui serait républicaine par la tête, et ultra-monarchique dans toutes les autres parties, m'a toujours semblé un monstre éphémère. Les vices des gouvernants et l'imbécillité des gouvernés ne tarderaient pas à en amener la ruine; et le peuple, fatigué de ses représentants et de lui-même, créerait des institutions plus libres, ou retournerait bientôt s'étendre aux

pieds d'un seul maître.

Jean Cocteau
Jean Cocteau

J'aime fréquenter la jeunesse. Elle m'apprend beaucoup plus que l'âge. Son insolence et sa sévérité nous administrent des douches froides. C'est notre hygiène. En outre notre obligation de lui servir d'exemple nous force à marcher droit. Je comprends que nombre de nos contemporains évitent son contact, que je recherche. Elle fatigue parce qu'elle est toujours sur la brèche, et semble ne

pas savoir ce qu'elle veut. L'enfance sait ce qu'elle veut. elle veut sortir de l'enfance. Le malaise débute lorsqu'elle en sort. Car la jeunesse sait ce qu'elle ne veut pas avant de savoir ce qu'elle veut. Or ce qu'elle ne veut pas, c'est ce que nous voulons. Elle nous fréquente pour jouir du contraste.