Nul n'est hardi que le sot, qui ne sait pas ce qui lui fait défaut : le spirituel, au contraire, est honteux dans la jeunesse avant mérite, croyant que tout le monde sent et pense comme lui, et mieux que lui; que tout le monde fait ce qu'il faut faire; il ne devient hardi que dans la maturité, quand il a vu, par expérience, combien les autres hommes sont au-dessous de lui.
Dans ma jeunesse on riait du « quart d'heure vaudois », mais on s'y tenait : il eût été malséant de commencer une séance à l'instant prévu. C'était une tradition de paysans respectueux des rythmes naturels, maîtres sur leurs domaines et méprisants pour les hâtes citadines, servitudes imposées par un patron de fabrique, d'atelier, de magasin ou de bureau. Prendre son temps,
pensait-on, c'est la première des libertés.
Lorsqu’on traite du vice et de caractères vicieux, je soutiens qu’il vaut mieux les peindre comme ils sont vraiment plutôt que comme ils voudraient l’être. Représenter le mal sous le jour le moins blessant, voilà sans doute la route la plus commode pour l’auteur de fiction, mais est-ce la plus honnête, ou la plus sûre? Vaut-il mieux révéler les pièges et les chausse-trapes de la
vie au voyageur jeune et irréfléchi, ou les couvrir de branches et de fleurs? Ô lecteur! Si l’on s’interdisait davantage ces délicates dissimulations des réalités, ces « Paix! Paix! » chuchotés là où il n’y a pas de paix, péchés et souffrances ne toucheraient pas tant la jeunesse des deux sexes, réduite à extraire l’amère vérité de l’expérience.
Un quart d'heures plus tard, elle pénétrait dans la chambre après avoir gravi un escalier de service très raide, suivi d'un couloir obscur sur lequel donnait beaucoup de portes numérotées, toutes semblables derrières lesquelles devait vivre tant bien que mal une jeunesse venue d'un peu partout pur tenter la grande aventure de la capitale et qui devait être fière d'avoir enfin réussi -
après d'innombrables difficultés -à trouver un gite, même celui-ci était misérable…
Jamais on ne me fera cracher sur les gars qui posent des bombes. Ils ont le droit de ne pas être contents, ces gens-là. Le système capitaliste est fondé sur la violence et il engendre nécessairement la violence. À l’heure actuelle, le gouvernement crée plus de violence contre les chômeurs, contre les assistés sociaux, contre les gens qui vivent dans des taudis, contre la jeunesse, que
tous les gars qui posent des bombes peuvent en faire contre la propriété de la bourgeoisie. Voler une élection au moyen de l’argent et du terrorisme économique, c’est bien plus hypocrite et antidémocratique que la dynamite. J’admets qu’il y ait des gars écœurés qui sont prêts à prendre des moyens autres que "démocratiques", parce que la démocratie parlementaire n’existe plus
au Québec.
Mettez un lieu commun en place, nettoyez-le, frottez-le, éclairez-le de telle sorte qu'il frappe avec sa jeunesse et avec la même fraîcheur, le même jet qu'il avait à sa source, vous ferez œuvre de poète. Tout le reste est littérature.
Adieu maintenant Filottrano; et adieu à toi aussi, cœur de notre jeunesse. Le temps passant, qui sait combien d'évènements ont dû se succéder là-bas, et, bien sûr, au long des années de débat politique, le jugement porté sur notre action aura plus d'une fois changé (les rengaines habituelles pour ou contre l'armée…) Par la suite, et c'est bien naturel, les gens nous auront
complètement oubliés. Seul le cœur de nos morts, là-bas, s'est arrêté à l'heure de leur jeunesse.
Les meilleurs ménages, à son sens, étaient ceux qui « à l’origine sont formés par la conformité des goûts et par l’opposition des caractères »; et elle n’admet pas que les caractères ne puissent arriver à se fondre. « Les Zurichois, racontait-elle agréablement, enferment dans une tour, sur leur lac, pendant quinze jours, absolument tête à tête, le mari et la femme qui
demandent le divorce pour incompatibilité d’humeur. Ils n’ont qu’une seule chambre, qu’un seul lit de repos, qu’une seule chaise, qu’un seul couteau, etc., en sorte que, pour s’asseoir, pour se reposer, pour se coucher, pour manger, ils dépendent absolument de leur complaisance réciproque; il est rare qu’ils ne soient pas réconciliés avant les quinze jours. » Ce qu’elle
préconise sous le couvert de cette espèce de légende, c’est le mutuel sacrifice qui forme, par l’habitude, le plus solide des attachements et engendre la réciprocité d’une affection inséparable; elle compare le premier attrait de la jeunesse au lien qui soutient deux plantes nouvellement rapprochées; bientôt, ayant pris racine l’une à côté de l’autre, les deux plantes ne
vivent plus que de la même substance, et c’est de cette communauté de vie qu’elles tirent leur force et leur éclat.
Fort recherchée pour son esprit et sa beauté, elle avait institué à Lausanne, que sa famille était venue habiter pour elle, une Académie des Eaux où la jeunesse des deux sexes se livrait à des exercices littéraires que ne distinguait pas toujours la simplicité. Sous les auspices de Thémire — c’est le nom qu’elle s’était donné, — les cimes alpestres qui couronnent le lac de
Genève et les riantes campagnes du pays de Vaud avaient vu renaître les fictions de l’ Astrée jadis enfantées dans la fièvre des grandes villes. Cette éducation à la fois simple et hardie, grave et aimable, fondée sur une large base d’études et ouverte à toutes les inspirations, même à celles de la fantaisie, avait été également celle de Germaine. Toute jeune, Germaine avait sa
place aux vendredis de sa mère, sur un petit tabouret de bois où il lui fallait se tenir droite sans défaillance; elle entendait discourir sur la vertu, les sciences, la philosophie, Marmontel, Morellet, D’Alembert, Grimm, Diderot, Naigeon, Thomas, Buffon, se prêtait aux questions qu’on prenait plaisir à lui adresser, — non sans chercher parfois à l’embarrasser, — et se faisait
rarement prendre en défaut. Mme Necker lui apprenait les langues, la laissait lire à son gré, la conduisait à la comédie. À onze ans elle composait des éloges, rédigeait des analyses, jugeait l’ Esprit des lois; l’abbé Raynal voulait lui faire écrire, pour son Histoire philosophique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, un morceau sur la révocation
de l’Édit de Nantes; elle adressait à son père, à l’occasion du Compte rendu de 1781, un mémoire où son style la trahissait. La poésie n’avait pas pour elle moins d’attraits. Envoyée à la campagne pour rétablir sa santé loin des livres et des entretiens, elle parcourait les bosquets avec son amie, Mlle Huber, vêtue en nymphe, déclamait des vers, composait des drames
champêtres et des élégies.