Jenny Rogneby
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Des années durant, j’avais combattu ce sentiment, refoulé mon « moi » véritable. Je me réveillais en sueur la nuit, avec l’impression qu’un piège se refermait sur moi. Prisonnière du monde que je m’étais moi-même créé. Je ne pouvais plus ignorer ma propre nature. Quand j’avais commencé à remettre en question mon désir d’être comme les autres, tout était devenu plus

clair. Je n’avais pas d’autre choix.Je devais me libérer.

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Excuser un imbécile en prétendant qu’il était nerveux, il y avait de quoi se cogner la tête contre les murs. Il me faudrait trouver de meilleurs arguments pour expliquer pourquoi je voulais engager ce bon à rien.

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Les journaux déformaient et dénaturaient chaque phrase, de sorte que la moindre citation mettait en péril la crédibilité de la police tout entière. Et la crédibilité, c’était sacré. Ou du moins, ce qu’il en restait. Non pas que j’y accordais une importance particulière. Je tenais simplement à éviter toute fuite d’infos sur l’affaire.

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Attendre les gens était l’une des choses les plus frustrantes au monde, selon moi. J’aurais préféré passer ce temps au bureau, à lire des mémos et des procès-verbaux d’interrogatoires. Des documents arrivaient constamment, mais rien d’assez important pour que je doive les éplucher à tout prix, pour l’instant.

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L’inventivité et les théories des journalistes m’étonneraient toujours, mais je n’avais pas le temps de discuter. Claes ne tarderait pas à m’interroger sur mes progrès. Il fallait désormais prouver à tous que je travaillais d’arrache-pied pour résoudre cette affaire.

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La gamine devait paraître ensanglantée, c’était primordial. C’était parce que les gens la pensaient blessée qu’ils avaient peur d’intervenir ; sans cela, le braquage échoueraient. Si les témoins croyaient que quelqu’un avait fait du mal à la petite, ils comprendraient vite que cette même personne pourrait recommencer, s’ils ne se pliaient pas aux instructions dictées par le

magnétophone. C’était pour cette raison que personne n’avait osé l’approcher lors du premier vol. Tout reposait là-dessus. Pas de sang, pas de hold-up, c’était aussi simple que ça.

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Ces derniers temps, mes victoires m’avaient rendue sûre de moi et me poussaient à tenter des coups plus audacieux. Je jouais toujours au Texas Hold’em, et toujours en no limit. Ce qui signifiait que je pouvais miser tout ce que j’avais en une seule fois, faire tapis. Bien entendu, je prenais ainsi le risque de tout perdre, mais cela augmentait mes chances de remporter de grosses sommes.

J’avais horreur des contraintes, de ne pouvoir parier qu’un certain montant.C’était tout ou rien.Une sensation vertigineuse.

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Si je me fiais à l’image qu’en donnaient la plupart des gens, avoir des sentiments semblait pour le moins… ennuyeux.Le sexe ne m’intéressait pas. Je trouvais ça confus et peu agréable. Je n’avais jamais compris l’obsession du genre humain pour cet acte.

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Comme tous les chefs au sein de la police, il semblait croire que chaque bonne chose au monde se produisait grâce à lui, et chaque malheur à cause des autres.

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Certains sortaient tout juste de l’école de journalisme et n’avaient pas la moindre idée des ficelles du métier ; ils gaspillaient un temps précieux en posant des questions stupides et ne savaient jamais quand s’arrêter. D’autres lorgnaient les notes de leurs semblables ou payaient pour obtenir des informations, qu’ils déformaient ensuite pour mieux les adapter à leur vision des

choses.

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L’amour. Un concept abstrait qui n’avait jamais eu le moindre sens pour moi était devenu réalité quand j’avais donné la vie.

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Il était toujours difficile de faire comprendre aux témoins la différence entre ce qui avait pu se produire et ce qu’ils avaient vraiment vu. Le cerveau avait souvent tendance à établir inconsciemment des liens entre des images connues et une suite d’événements, pour créer un contexte logique. Ainsi, un témoin pouvait croire qu’il avait assisté à une scène précise, alors qu’en

réalité son cerveau avait rassemblé différents souvenirs pour former un ensemble cohérent et convaincant. La dame avait vu du sang et en avait conclu que la gamine était blessée, sans avoir vu de plaie de ses propres yeux.

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Je n’ose plus porter mon alliance, de peur qu’on ne me la vole. Je me souviens du jour où mon époux m’a demandée en mariage comme si c’était hier. Il était si romantique. Il s’est mis à genoux, et tout. J’étais sur un petit nuage. Quel heureux mariage nous avons eu. Il était toujours tendre envers moi, jamais il ne buvait ni n’était violent.On n’était pas bien difficile,

à l’époque. Du moment que les mecs ne picolaient pas ou ne battaient pas leur femme…

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Mes collègues se plaignaient qu’ils n’avaient pas le temps de s’habituer à leur nouvel environnement et que ces changements de locaux intempestifs nuisaient à leur efficacité au travail. Personnellement, je ne m’en offusquais pas plus que ça. Comment pouvaient-ils attacher autant d’importance à une pièce ou une autre ? Tous les bureaux se ressemblaient. Tous avaient les mêmes

murs typiques des administrations, blancs, lisses et stériles, ainsi que les mêmes meubles. À vrai dire, on n’était pas loin du look « cellule de prison ».

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Dans la plupart des affaires antérieures où des personnalités éminentes avaient trempé dans le commerce sexuel, les prostituées avaient refusé de s’exprimer. Et celles qui avaient parlé s’étaient vues discréditer, aussi bien dans les médias que devant les tribunaux, dans les rares cas où cela avait abouti à une mise en accusation. Mais cette femme-là était spéciale. Christer

avait entendu dire qu’elle cherchait à quitter le trottoir et qu’elle estimait de son devoir civique de montrer au grand public ce qui se tramait dans les coulisses de la politique.

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En tant que procureure, elle avait vu plus d’un mari violent s’en tirer sans être inquiété : elle avait alors choisi de ne pas le dénoncer et m’avait demandé de l’aider « en coulisses ». Bien entendu, je ne m’étais pas débinée. Accompagnée de deux ou trois collègues, je m’étais arrangée pour lui flanquer une peur bleue, et Nina avait pu demander le divorce sans qu’il

lui cause plus d’ennuis. Depuis cet épisode, elle avait souvent dit qu’elle me considérait comme l’une de ses plus proches amies.

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Spectaculaire. Un coup pareil demande un gros travail de préparation. Pas évident de faire accomplir de tels actes à un enfant. Je ne crois pas à la piste du trafic que Lars suggérait. L’auteur du crime connaît très bien la gamine. Il sait comment elle réagit et ce dont elle est capable ou non. Sans doute quelqu’un de son entourage proche. Un membre de sa famille, peut-être. Nina

avait beau être futée, n’importe qui aurait pu arriver à cette déduction. Je m’attendais à mieux, venant de sa part. Après avoir jeté un bref coup d’œil à l’horloge, elle s’est levée pour enfiler son manteau.

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La vie était tellement plus simple avant d’avoir des enfants. Nous avions nos problèmes, certes, mais c’était bien moins compliqué. Il était tellement plus facile de ne rien ressentir. Avec la naissance de Beatrice, j’avais pris conscience, pour la toute première fois, que j’étais capable d’éprouver des sentiments profonds.

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Si on arrivait, dans certains endroits du monde, à transformer des mômes en soldats et à les faire assassiner leurs propres familles, il ne devait pas être bien compliqué de les amener à braquer une banque, avec un peu de manipulation.

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Vous connaissez la consigne : aucune déclaration aux journaux, vous leur dites que vous êtes tenus au secret ou vous les renvoyez vers notre attaché de presse.