Franck Courtès
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Ces comédiens qu’on ne connaît qu’en scène, pleins de vies et de drames, et à qui on prête maintes personnalités fallacieuses, il était toujours un peu déconcertant de les découvrir « dans la vraie vie », sans le relief attendu, comme si quelqu’un les avait éteints. Souvent, j’avais l’impression d’avoir en face de moi non pas l’actrice ou l’acteur, mais quelqu’un de

tout juste ressemblant.

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İl faut laisser les enfants grimper aux arbres ; pour un qui se cassera la figure, neuf verront l’horizon.

Franck Courtès
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L’industrie agro-alimentaire bouleversait le rapport des paysans à leur terre. Ils exigeaient de celle-ci des rendements que seul l’emploi de produits chimiques pouvait assurer. On lisait moins le ciel et les nuages que les étiquettes des bidons de produits dopants. Le vent, la pluie et le soleil moins craints que le banquier. On ne voulait pas mieux, on voulait plus.

Franck Courtès
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Construire, chercher quelque chose au-delà d’un revenu était un but. Un chien creusant le sol ne prend-il pas autant de plaisir à gratter la terre qu’à y trouver un os ? Cette forme de bonheur qu’on rencontre dans le travail en lui-même se moque du salaire, elle ne réside pas dans la réussite ou non d’un projet mais dans la satisfaction que procure la quête.

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....quelqu’un demande à un homme s’il croit en Dieu. Le type lui répond : ça dépend de ce que vous entendez par Dieu.

Franck Courtès
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Je découvrirais au fil des années qu’il est impossible d’obtenir d’une femme ou d’un homme politique quelque chose de vrai, car leur vie entière est consacrée au rôle que leur charge leur impose. Une forme de comédie dicte leur conduite officielle. À leur image intime toujours se substitue leur image publique et, au-delà d’elle, celle d’incarnation d’idées politiques. Je

devinais sur ces visages à l’expression contrôlée l’effroyable abnégation, la folle renonciation à leur véritable personnalité, et ce n’était pas sans une certaine pitié que je mettais fin à leur supplice face à mon objectif. Je sentais que mon travail participait de cette dommageable mascarade. Je savais, moi si soucieux de liberté, que je contribuais à les éloigner de la

leur.

Franck Courtès
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....tout lieu pouvait faire image pour peu que l’on cherchât bien, car chaque espace contient en lui une photogénie à découvrir.

Franck Courtès
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Je passais parfois pour un libre penseur, mais cette liberté s’apparentait à un emplacement de parking disponible plutôt qu’à une véritable indépendance d’esprit.

Franck Courtès
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Je photographiais la politique, la littérature, la peinture, la musique, le sport, les métiers rares, l'entreprise, les puissants, les anxieux, les méchants. (...)
Pièce après pièce, à la manière d'un gigantesque puzzle, le monde se révélait à moi. (p. 152)

Franck Courtès
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J'aimais beaucoup, grâce au temps nécessaire du développement, ne pas voir immédiatement le résultat de mes recréations. Je rentrais chez moi avec l'impression d'avoir fait l'école buissonnière, quelque bêtise de collégien. Après une prise de vue, je sentais mon appareil photo plus lourd, empli de transfert d'une puissance, ensemencé. Je me hâtais vers la maison, de crainte que les

images prises à l'intérieur ne s'en échappent comme les génies des lanternes. (p. 139)

Franck Courtès
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À l’adolescence, alors que les adultes ne le prenaient plus pour un enfant, ni les filles encore pour un homme, Quentin continuait d’aller pêcher dans les douves, malgré l’interdiction de son père. Une fois, il disparut presque une nuit entière. Hubert, soupçonnant une histoire de fille, raisonna sa femme inquiète : —Qu’il en profite ! Il ne sait pas ce qui l’attend plus tard !

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Certes, on demandait à la photographie de raconter le monde, mais elle devait aussi à mon avis assumer sans compromis son extraordinaire pouvoir poétique. (p. 149)

Franck Courtès
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J'excellais à ne pas déranger, à me faire oublier. On me complimenta une fois : " Tu sais te rendre invisible." Triste qualité que celle de ne pas exister. (p. 221)

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Je publiais tant de portraits qu’on ne m’imaginait plus autrement que portraitiste. Dans les dîners, les convives attendaient que j’égratigne les vedettes que j’avais rencontrées. La pièce à souliers de Guillaume Durand, entièrement dévolue au rangement de sa collection de chaussures, faisait recette chez ces amateurs du ridicule des autres ; son extraordinaire collection

d’œuvres d’art contemporaines retenait moins l’attention.

Franck Courtès
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Avoir sillonné la planète me permet d’affirmer aujourd’hui que rien ne m'émeut davantage que le salut d’un voisin de mon village, Le bras levé à l’horizon quand je passe sur le chemin.

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Leurs maisons me frappaient par leu inutile grandeur. On sentait que le propriétaire voulait vérifier dans l'espace au sol dont il disposait sa propre importance. (p. 157)

Franck Courtès
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Ce talent dont on me disait doté, je me promettais d’en être à la hauteur, de le choyer, sans toutefois comprendre ce qu’il fallait faire pour qu’il se manifeste. Je décidai de ne pas trop y penser, et de le considérer comme une particularité avantageuse de la nature, comme être souple ou posséder de beaux cheveux, rien de plus tant que je n’aurais pas la preuve éclatante de son

existence en moi. Le talent était une sorte de facilité, apparaissant sans mérite, sans effort, mais sans doute pas à la portée de tout le monde. Dans l’immédiat, il m’offrait la liberté de donner cours à ma fantaisie, à ma mélancolie. C’était la permission d’exprimer à peu près tout ce qui me passait devant les yeux et par la tête. Cela changeait considérablement la

donne…

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Ma mère avait tellement raillé les passions puériles de mon père, sa joie de me rejoindre sur la moquette devant mon train électrique. Ça venait peut-être de là, leur grande fatigue aux mamans. D'avoir lutté contre l'enfant tapi au fond de leur mari.

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Le divorce, c'était la guerre moderne, des nerfs, la propagande, les grands mots avec finalement que l'argent au bout, la négociation, l'amour entre les mains des comptables. Le prix des choses, on l'apprenait là, au tribunal, à tout recompter, les mots de travers, les sentiments qu'on aurait pas dû avoir, ou qu'on aurait dû avoir, c'était selon. C'était là, dans le tribunal éclairé

comme une salle de chirurgie, qu'on vous disséquait enfin.

Franck Courtès
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On a besoin de l'Autre, tout seul, on a la frousse.