Ainsi dressée et frémissante, elle a tout du cobra qui attaque. Dayita, ma mère, ne bouge pas plus qu’une proie hypnotisée. Vingt fois par jour, l’épouse du frère aîné la pousse ainsi à se débarrasser de moi, sa fille. Vingt fois par jour, elle distille son venin.
Ma mère se garde bien de répliquer. Elle reste immobile. Mais elle n’est hypnotisée qu’en apparence.
Elle me lave. Elle me nourrit. Plus encore. Dès que la maîtresse de la maison est hors de vue, ma mère masse mon petit corps à l’huile de coco sur ses jambes allongées. Elle me chante des berceuses de sa voix d’or. La méchanceté, si haineuse soit-elle, n’a pas le pouvoir de tuer.
Crache, crache ton venin, tante cobra. Répète tes médisances à qui veut les entendre, à
propos de Dayita, ma mère :
– Voyez-vous ça, cette fille du Nord à la peau claire, trop jolie et trop éduquée pour nous. Ah mais, quant à sa dot, nous n’en avons pas vu la couleur ! Si vous voulez mon avis, sa famille a dû être bien contente de trouver un idiot comme Meyyan pour l’en débarrasser.
Ma tante ne décolère pas. Elle n’aurait jamais cru que le
jeune frère de son mari puisse trouver une femme. En tant que fils cadet, sans situation, aucune famille de notre village ne lui aurait accordé sa fille. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         20
Je remplis un gobelet pour maman. Depuis quelques jours, je me sers d'une cuillère pour l'abreuver. Elle ne peut pas soulever la tête pour boire, encore moins s'appuyer sur un coude. Un sifflement sort de sa poitrine. C'est là que le mal est installé. Un génie mauvais aspire sa vie jour après jour. Grand-père a dit à oncle Thamayan : "Tu devrais l'emmener au village voisin, au centre de
santé." Mais tanta cobra en a décidé autrement : "Qui dit consultation dit médicaments. On ne va pas dépenser de l'argent pour cette bouche à nourrir laissée par Meyyan !"
Un doute se lève dans son esprit avec l'insolence du vent qui s'engouffre dans un volet mal fermé.
Abandonnée de sa famille et louée à des kidnappeurs sans scrupule, quelques goulées d'eau à vingt degrés de moins que la fournaise ambiante font comprendre à Lia la captive à quel point elle tient encore à la vie.
Elle lâche la main du berger et enserre son visage dans les siennes pendant qu'il reçoit son premier baiser. Il le lui rend avec fougue, elle n'est pas femme à se laisser distancer, il est lui-même vif et entreprenant, aussi les braises du feu ont le temps de perdre progressivement leur couleur, puis lâche un dernier filet de fumée et s'éteignent tout à fait avant que l'embrassement des
amoureux prenne fin.
Sur la princesse Jala, la nuit a déposé la chemise glacée du devoir.