Claude Simon
Claude Simon

p.7/dune qui dessinait deux bosses molles le fond du creux entre les deux coupé par la ligne horizontale de la mer grise le ciel au-dessus gris aussi plus clair toutefois : un plafond immobile de nuages aux ventres pâles boursouflés Sur le flanc lisse de la dune le vent avait dessiné des stries parallèles dans le sable sinueuses comme les veines d'une planche

Henri Barbusse
Henri Barbusse

 Quoique il dût faire encore jour, il n’y avait plus de soleil. Le brouillard et la pluie bretonne nous avaient surpris au milieu d’une excursion en pleine mer. Il nous semblait que la pluie fût tombée ainsi depuis la création du monde, et du pont humide du bateau qui tirait des bordées le long de la côte, nos visages regardaient aveuglément au loin...

Notre ami Saintclair,

qui avait un doux regard sous son capuchon de toile cirée, désigna, avec l’aile ruisselante de son geste, la côte basse et noyée, à peine visible dans l’espace :
― C’est La Chapelle, dit-il. Quand j’étais enfant, je passais mes vacances sur cette dune alors ensoleillée et pleine d’été...
Et à sa voix, comme un groupe de naufragés jetés au fond de

cette longue barque de brouillard, nous levâmes malgré nous nos yeux perdus vers le miracle du soleil qu’il évoquait. 

Cédric Blondelot
Cédric Blondelot

Deux heures plus tard, Fitzgerald quittait la chambre de l'hôpital. Dominique, la mère de Tolbiac, le serra dans ses bras, alors que son père, Lucien Garibot, se contenta dune poignée de main rêche. Juste un Merci, prononcé d'une voix plus enrayée qu'un pistolet de la Grande Guerre. Fitzgerald lui laissa le perfecto en guise de cadeau d'anniversaire. Bien sûr, il devrait attendre pour le

porter, mais bientôt il aurait une classe d'enfer. Mirabelle n'en revenait pas, abandonnée une fois de plus. Qui plus est entre les pattes d'un seul gosse, en proie à Dieu sait quelle ânerie qui lui passerait par la tête.

Camille de Toledo
Camille de Toledo

Or, j'ai tendance à répondre, en souraint à peine, que la seule langue commune susceptible de porter l'élan spirituel de l'h-être européen, de refonder une joie, une énergie qui ne soient pas oublieuses de l'expérience du XXème siècle, qui, au contraire, puisent dans le h les fondements dune identité du vertige, serait le yiddish ; je me plais à imaginer que nos écoliers, de

l'Atlantique à l'Oural, seront un jour appelés à le parler. Ils apprendraient alors la seule langue européenne qui existât jamais, ce créole de l'allemand qui, en deça des nations et par-delà les frontières (le yiddish dans la diaspora juive européenne étant appris et écrit parallèlement aux autres langues, l'allemand, le russe, le polonais, l'anglais...), préfigurait l'horizon

ouvert, bâtard, mélangé des cultures européennes, et qui fut, par l'extermination des juifs d'Europe, supprimé de la carte linguistique de notre continent. Quelle autre langue, en effet, pourrait relancer l'élan spirituel et la foi dans un "nous" partagé sans que nous ayons, planant au-dessus de nos têtes, la mauvaise conscience de l'oubli et de la destruction ? (p.143) + Lire la

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Anne-Gaëlle Huon
Anne-Gaëlle Huon

Nour écarta une mèche qui tombait sur les yeux de la jeune fille. Puis, dune voix douce et profonde, elle lui parla d'un temps pas si lointain où les gens préféraient mourir d'amour que de solitude. Un temps où l'on pouvait rater un coup de téléphone et ne jamais le savoir. Où l'on pouvait sentir l'odeur de l'être aimé et contempler ses larmes dans le papier dans le papier d'un billet

doux. Où les mots d'amour se rangeaient,entourés de rubans,dans des tiroirs. Où les rencontres se vivaient à coeur ouvert, sans écran, sans filet. À cette époque, les vies étaient plus courtes, ce qui laissait croire que l'amour ne s'éteignait jamais. On sautait dans l'histoire à pied joints, sans se soucier de savoir si l'autre aimait les chiens, les chats ou les oiseaux. S'il

votait à droite ou buvait du thé au petit-déjeuner. Notre époque et ses technologies avaient englouti de leurs mâchoires intelligentes tout ce qui faisait le sel de nos histoires d'amour. Aujourd'hui on choisissait l'élu de son coeur dans un catalogue, en s'assurant de son métier, son lieu de vacances et son sport préféré correspondaient en tout point à ce que l'on attendait. Les

relations s'enchaînaient comme des kleenex. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00

Pauline Gedge
Pauline Gedge

Je ne la vis pas tout de suite, pas avant qu’elle n’émerge de l’ombre profonde d’une dune et n’avance sur le sable comme en flottant… nue, les bras levés et la tête rejetée en arrière. Je la pris pour un de ces morts dont la tombe est abandonnée et qui errent dans la nuit, avec le désir de se venger des vivants. Mais elle dansait avec une telle vitalité que mon épouvante ne

dura qu’un instant. Son corps souple, d’une blancheur bleutée, semblait de la couleur même de l’astre nocturne, et sa chevelure accompagnait ses évolutions, pareille à un nuage noir. Je savais que j’aurais dû m’éloigner, que je contemplais une transe très intime, mais j’étais cloué au sol par la beauté sauvage de la scène. L’immensité du désert, la lumière froide de la

lune, la danse passionnée qu’exécutait cette femme en guise d’hommage, d’expiation ou par pur plaisir me tenaient sous le charme.

Bernard Giraudeau
Bernard Giraudeau

(...) alors l'Afrique se réveille et danse avec la poussière. Elle n'est pas seulement un bavardage matinal, une présence soudaine, c'est un cri, un témoignage des origines. Le rire cache la violence, la vie séduit la mort. Le désert oblige à l'essentiel, le regard se perd. Il n'y a plus aucune frontière à l'imaginaire. Seules parfois le soir, les ombres dessinent sur la dune des formes

reconnues et la pensée égarée revient au bercail des hommes.
- Jo, que l'on ne me dise pas que devant ce spectacle ceux du désert, les ascètes, les ermites hallucinés, les prophètes, n'ont pas été ébranlés par le mirage féminin, par l'ombre brune entre deux dunes, les fesses de sable à l'infini, les seins de silice sous la voûte céleste, et que leurs rêves n'étaient que

lumière divine. Dis-moi qu'ils furent eux aussi frappés par la jouissance et qu'au matin, mêlé à la rosée, leur sperme en témoignait.

Françoise Dolto
Françoise Dolto

La psychanalyse a mis en lumière d'une façon irréfutable que, tout comme en biologie où pas une des cellules du corps d'une femme n'est semblable à une cellule du corps d'un homme, pas un des états émotionnels, des actes et des pensées dune femme n'est neutre. Toute sa psychologie et tout son comportement se sont édifiés au féminin, selon des pulsions vivantes sexuées. Freud a défendu

fort longtemps l'existence d'une bisexualité chez les humains, mais il faut préciser que dès l'enfance, apparaît une dominance sexuelle masculine ou féminine.