Charles Baudouin
Charles Baudouin

L'un des résultats de la régression, c'est que l'énergie, en refluant dans les traces anciennes, n'est pas sans y apporter quelque modification; c'est ainsi que le souvenir que le sujet garde des chocs anciens se complique de fantaisies actuelles, qui le rendent parfois méconnaissable; pratiquement, bien des souvenirs d'enfance ne sont guère que des fantaisies de l'adulte, et voilà qui

enlève aux événements traumatiques beaucoup de leur importance […]. A Jung revient le mérite d'avoir insisté sur [cet] aspect.

Joseph Bertrand
Joseph Bertrand

Hooke se plaignit plus fort, non sans quelque raison cette fois, et se proclama, avec plus d’amertume et d’impatience encore, le premier et unique inventeur. Il oublia que, par une loi aussi certaine que celles de la mécanique, nul ne peut, quelque estime qu’il ait de lui-même, diriger, en y mêlant sa voix, le concert des louanges qui le rendent illustre.

Gustave Le Bon
Gustave Le Bon

Il est en Europe un État, la France, qui en est menacé. C’est un pays riche, dont la population ne s’accroît plus, entouré de pays pauvres dont la population s’accroît constamment. L’immigration de ces voisins est fatale, et d’autant plus fatale que les exigences croissantes de nos ouvriers la rendent nécessaire pour les besoins de l’agriculture et de l’industrie. Les avantages

que trouvent ces émigrants sur notre sol sont évidents. […] un travail plus facile et mieux rétribué que sur leur territoire natal. Ils se dirigent vers notre pays, non seulement parce qu’il est plus riche, mais aussi parce que la plupart des autres édictent chaque jour des mesures pour les repousser. L’invasion des étrangers est d’autant plus redoutable, que ce sont, naturellement,

les éléments les plus inférieurs, ceux qui n’arrivaient pas à se suffire à eux-mêmes dans leur patrie, qui émigrent. Nos principes humanitaires nous condamnent à subir une invasion croissante d’étrangers. Ils n’étaient pas 400 000 il y a quarante ans, ils sont plus de 1 200 000 aujourd’hui, et ils arrivent en rangs chaque jour plus pressés. Si l’on ne considérait que le

nombre d’italiens qu’elle contient, Marseille pourrait être qualifiée de colonie italienne. […] Si les conditions actuelles ne changent pas, c’est-à-dire si ces invasions ne s’arrêtent pas, il faudra un temps bien court pour qu’en France un tiers de la population soit devenu allemand et un tiers italien. Que devient l’unité, ou simplement l’existence d’un peuple, dans des

conditions semblables?

Annie Le Brun
Annie Le Brun

[…] cette confusion des lieux de peur et des lieux de plaisir dans l'imaginaire européen, qui donne à chacun l'occasion de se rendre fantasmatiquement maître de l'espace destiné à l'asservissement du nombre, préfigure paradoxalement la fête révolutionnaire alors conçue comme « l'éveil d'un sujet collectif qui naît à lui-même, et qui se perçoit en toutes ses parties, en chacun de

ses participants ». Et quand la première fête révolutionnaire aurait été la prise de la Bastille, c'est-à-dire la prise de possession collective d'un lieu clos ou bien l'abolition d'un décor qui sépare, le roman noir propose la même fête, mais à l'intérieur d'un décor où la séparation ne se serait maintenue que pour exalter la souveraineté de tous ceux qui s'en rendent

fantasmatiquement maîtres. Ainsi niant à la fois le caractère exclusif de la fête aristocratique et le caractère collectif de la fête révolutionnaire, l'architecture noire ouvre un espace de subversion où le nombre délimite négativement le champ d'affirmation de l'unique pour en faire une prison, de même que l'unique y vient nier la possibilité d'un plaisir partagé, excluant tout ce

qui s'oppose à sa propre satisfaction. Car illustrant l'idée fort répandue en cette fin de siècle que « l'extrême liberté de quelques-uns attente à la liberté de tous », les demeures du roman noir exposent aussi que la liberté de tous porte atteinte à la liberté de chacun dont elles esquissent les perspectives illimitées.

Albert Caraco
Albert Caraco

Je n'en veux pas aux médecins, ce sont de pauvres hommes à l'égal de leurs malades et qui se rendent insensibles par devoir, mais j'aurais souhaité parfois que leur profession ne fût ouverte qu'à des saints en espérance et que la vue de nos souffrances ne les endurcît au point d'en arriver à les accroître. Le plus étrange est qu'ils prêtaient à rire, au moment où l'on eût pleuré de

bonne grâce : ils représentaient au chevet de la mourante non pas la vie, mais le néant du monde en proie à sa grimace, ils ne savaient pas même consoler celle qu'ils ne pouvaient guérir.

Jules-Antoine Castagnary
Jules-Antoine Castagnary

Les vues communes qui les réunissent en groupe et en font une force collective au sein de notre époque désagrégée, c'est le parti pris de ne pas chercher le rendu, de s'arrêter à un certain aspect général. L'impression une fois saisie et fixée, ils déclarent leur rôle terminé. La qualification de Japonais, qu'on leur a donnée d'abord, n'avait aucun sens. Si l'on tient à les

caractériser d'un mot qui les explique, il faudra forger le terme nouveau d'impressionnistes. Ils sont impressionnistes en ce sens qu'ils rendent non le paysage, mais la sensation produite par le paysage. Le mot même est passé dans leur langue : ce n'est pas paysage, c'est impression que s'appelle au catalogue le Soleil levant de M. Monet. Par ce côté, ils sortent de la réalité et entrent

en plein idéalisme.

Nicolas de Condorcet
Nicolas de Condorcet

Un peuple éclairé confie ses intérêts à des hommes instruits, mais un peuple ignorant devient nécessairement la dupe des fourbes qui, soit qu’ils le flattent, soit qu’ils l’oppriment, le rendent l’instrument de leurs projets et la victime de leurs intérêts personnels.

Paul Copin-Albancelli
Paul Copin-Albancelli

[…] la légende d'Hiram éveille l'idée de haine et de vengeance, sans donner toutefois de but précis à cette idée. Elle tend à maintenir l'esprit du franc-maçon sur une défensive perpétuelle pour la garde de son secret; elle le met sur le pied de guerre contre ceux qui ne possèdent pas ce secret et surtout contre ceux qu'il en peut supposer d'ennemis. Quels résultats donne une telle

suggestion dans l'esprit de celui-ci ou de celui-là? C'est ce dont se rendent compte certains des hauts gradés qui circulent incessamment dans les loges.

Augustin d'Hippone
Augustin d'Hippone

Si nous voulons nous en tenir à la vérité, nous reconnaîtrons que la persécution injuste est celle des impies contre l'Église du Christ, et que la persécution juste est celle de l'Église du Christ contre les impies. Elle est donc bienheureuse de souffrir persécution pour la justice, et ceux-ci sont misérables de souffrir persécution pour l'iniquité. L'Église persécute par l'amour,

les autres par la haine; elle veut ramener, les autres veulent détruire; elle veut tirer de l'erreur, et les autres y précipitent. L'Église poursuit ses ennemis et ne les lâche pas jusqu'à ce que le mensonge périsse en eux et que la vérité y triomphe; quant aux donatistes, ils rendent le mal pour le bien; pendant que nous travaillons à leur procurer le salut éternel, ils s'efforcent de

nous ôter le salut même temporel; ils ont un si grand goût pour les homicides, qu'ils se tuent eux-mêmes lorsqu'ils ne peuvent tuer les autres. Tandis que la charité de l'Église met tout en œuvre pour les délivrer de cette perdition afin que nul d'entre eux ne périsse, leur fureur cherche à nous tuer pour assouvir leur passion de meurtre, ou à se tuer eux-mêmes, de peur de paraître se

dessaisir du droit qu'ils s'arrogent de tuer des hommes.

Alfred Hitchcock
Alfred Hitchcock

A. H. : Vous savez que j'avais conçu "Vertigo" pour Vera Miles, nous avions fait des essais concluants et tous les costumes étaient faits pour elle.
F. T. : Paramount n'a pas voulu d'elle ?
A.H. : Paramount était d'accord. Simplement, elle est devenue enceinte, juste avant de tourner le rôle qui allait faire d'elle une vedette. Puis j'ai perdu mon intérêt pour elle, le rythme n'y

était plus.
F.T. : Je sais que, dans beaucoup d'interviews, vous vous êtes plaint de Kim Novak, mais tout de même je la trouve parfaite dans le film. Elle correspondait très bien au rôle, essentiellement à cause de son côté passif et bestial.
A.H. : Mlle Novak est arrivée sur le plateau la tête pleine d'idées que malheureusement il m'était impossible de partager. Je ne

contrarie jamais un acteur au cours des prises de vues, afin de ne pas mêler les électriciens à cela. Je suis allé retrouver Mlle Novak dans sa loge et je lui ai expliqué quelles robes et quelles coiffures elle devait porter : celles que j’avais prévues depuis plusieurs mois. Je lu ai fait comprendre que l'histoire de notre film m'intéressait beaucoup moins que l'effet final, visuel, de

l'acteur sur l'écran dans le film terminé.
F.T. : Toutes ces difficultés préalables vous rendent injuste pour le résultat, car je vous assure que tous les gens qui admirent "Vertigo" aiment Kim Novak dans le film.

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