Suzanne Curchod
Suzanne Curchod

Les meilleurs ménages, à son sens, étaient ceux qui « à l’origine sont formés par la conformité des goûts et par l’opposition des caractères »; et elle n’admet pas que les caractères ne puissent arriver à se fondre. « Les Zurichois, racontait-elle agréablement, enferment dans une tour, sur leur lac, pendant quinze jours, absolument tête à tête, le mari et la femme qui

demandent le divorce pour incompatibilité d’humeur. Ils n’ont qu’une seule chambre, qu’un seul lit de repos, qu’une seule chaise, qu’un seul couteau, etc., en sorte que, pour s’asseoir, pour se reposer, pour se coucher, pour manger, ils dépendent absolument de leur complaisance réciproque; il est rare qu’ils ne soient pas réconciliés avant les quinze jours. » Ce qu’elle

préconise sous le couvert de cette espèce de légende, c’est le mutuel sacrifice qui forme, par l’habitude, le plus solide des attachements et engendre la réciprocité d’une affection inséparable; elle compare le premier attrait de la jeunesse au lien qui soutient deux plantes nouvellement rapprochées; bientôt, ayant pris racine l’une à côté de l’autre, les deux plantes ne

vivent plus que de la même substance, et c’est de cette communauté de vie qu’elles tirent leur force et leur éclat.

Auguste Comte
Auguste Comte

Quels que puissent être nos efforts, la plus longue vie bien employée ne nous permettra jamais de rendre qu'une portion imperceptible de ce que nous avons reçu. Ce ne serait pourtant qu'après une restitution complète que nous serions dignement autorisés à réclamer la réciprocité des nouveaux services. Tout droit humain est donc absurde autant qu'immoral.

Jean Piaget
Jean Piaget

Il y a respect mutuel lorsque les individus s'attribuent réciproquement une valeur personnelle équivalente et ne se bornent pas à valoriser telle ou telle de leurs actions particulières. Génétiquement le respect mutuel est issu du respect unilatéral dont il constitue une forme limite. Il arrive sans cesse, en effet, qu'un individu en sente un autre supérieur sous un certain angle et qu'il

y ait réciprocité sous un angle différent : en ce cas, une valorisation mutuelle globale s'ensuit tôt ou tard. D'une manière générale, il y respect mutuel en toute amitié fondée sur l'estime, en toute collaboration excluant l'autorité, etc.
Or, le respect mutuel conduit à de nouvelles formes de sentiments moraux, distinctes de l'obéissance extérieure initiale. On peut citer, en

premier lieu, les transformations relatives au sentiment de la règle, de la règle liant les enfants entre eux aussi bien que de celle qui unit l'enfant à l'adulte.
On se rappelle, pour prendre un exemple de la première catégorie de règles, la manière dont les enfants se soumettent aux règlements d'un jeu collectif, même lorsqu'il reste exclusivement enfantin comme le jeu de billes :

tandis que les petits jouent en pratique n'importe comment, imitant chacun à sa manière des règles différentes empruntées aux aînés, les garçons après sept ans se soumettent de façon beaucoup plus précise et coordonnée à un ensemble de règles communes. Or, comment se représentent-ils ces règles et quels sentiments éprouvent-ils à leur égard?
Il suffit pour conduire cette

analyse, de demander individuellement aux joueurs d'inventer une nouvelle règle, non comme dans la tradition qu'ils ont reçue, et de dire si cette nouvelle règle, une fois répandue par imitation des plus jeunes, constituerait une "vraie règle". Or, chose très curieuse, on observe une différence très grande de réaction entre les petits et les grands. Les petits, qui sont dominés par le

respect unilatéral qu'ils éprouvent pour leurs aînés, bien qu'en pratique ils jouent sans grand souci d'obéissance aux règles reconnues, refusent en général d'admettre que la règle nouvelle puisse constituer jamais une "vraie règle". D'après eux, en effet, les seules vraies règles sont celles qu'on a toujours employées, celles que pratiquaient déjà le fils de Guillaume Tell ou les

enfants d'Adam et d'Eve, et aucune règle inventée maintenant par un enfant, même si elle se répandait dans les générations futures, ne serait réellement "vraie". Bien plus, les "vraies règles" qui sont donc éternelles, n'émanent pas des enfants : ce sont les papas, les "Messieurs de la Commune", les "premiers hommes" ou le Bon Dieu lui-même qu'on imposé les règles (on voit jusqu'où

peut aller le respect des règles transmises par les Aînés!). La réaction des grands est tout autre : la nouvelle règle peut devenir "vraie" si chacun l'adopte et une vraie règle n'est que l'expression d'une volonté commune ou d'un accord. C'est de cette manière, dit l'enfant, que se sont constituées toutes les règles du jeu, par une sorte de contrat entre les joueurs. On voit ici à

l’œuvre le respect mutuel : la règle est respectée non plus en tant que produit d'une volonté extérieure, mais en tant que résultat d'un accord, explicite ou tacite. Et c'est alors pourquoi elle est vraiment respectée, dans la pratique du jeu et non plus seulement par formules verbales : elle oblige dans la mesure où le moi lui-même est consentant, de façon autonome, vis-à-vis de

l'accord qui le lie. C'est pourquoi ce respect mutuel entraîne par cela même toute une série de sentiments moraux inconnus jusque-là : l'honnêteté entre joueurs, qui exclut la tricherie non plus simplement parce qu'elle est "défendue", mais parce qu'elle viole l'accord entre individus qui s'estiment la camaraderie, le "fair play", etc. On comprend alors pourquoi le mensonge commence à

être compris et pourquoi c'est à cet âge que la tromperie entre amis est considérée comme plus grave que le mensonge à l'égard des grands. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          01

Alain Robbe-Grillet
Alain Robbe-Grillet

Pourquoi la jeune fille aurait-elle parlé de lui sinon parce qu'elle l'avait aperçu cheminant sur la la lande - "sous" le tournant - où rien ne justifiait son passage ? Le fait qu'il ne l'ait pas vue, lui-même, ne s'expliquait que trop aisément.
Leurs deux sentiers, séparés l'un de l'autre par des ondulations de terrain assez importantes, ne possédaient que de rares point

privilégiés depuis lesquels deux observateurs pouvaient se découvrir mutuellement.A un moment donné ils avaient occupé, elle et lui, des positions favorables ; mais elle seule s'était alors tournée dans la direction voulue, si bien que la réciprocité du regard n'avait pas joué.
Il suffisait que juste à cet instant Mathias ait eu les yeux ailleurs - au sol, par exemple levés vers

le ciel, ou dans n'importe quelle orientation, hormis la bonne.

Georg Simmel
Georg Simmel

Il s’agit de construire, sous le matérialisme historique, un étage laissant toute sa valeur explicative au rôle de la vie économique parmi les causes de la culture spirituelle, tout en reconnaissant les formes économiques elles-mêmes comme le résultat de valorisations et de dynamique plus profondes de présupposés psychologiques, voire métaphysiques. Ce qui doit se développer, dans la

pratique cognitive selon une réciprocité sans fin : à chaque interprétation d’une figure idéelle par une figure économique se liera l’exigence de saisir cette dernière à son tour par des profondeurs plus idéelles, dont il faudra de nouveau dessiner le soubassement économique général, et ainsi de suite à l’infini. Avec cette alternance, cet entrelacs de principes

épistémologiques opposés dans l’abstrait, l’unité des choses, qui paraît inaccessible à notre connaissance et pourtant fonde sa cohérence, devient pour nous pratiques autant que vivante.

Beaumarchais
Beaumarchais

FIGARO, seul. - […] Pendant que je galoperais d’un côté, vous feriez faire de l’autre à ma belle un joli chemin ! me crottant, m’échinant pour la gloire de votre famille ; vous, daignant concourir à l’accroissement de la mienne ! Quelle douce réciprocité !

Donna J. Haraway
Donna J. Haraway

La possession – la propriété – passe par la réciprocité et les droits d’accession. Si je possède un chien, mon chien me possède.

Karin Alvtegen
Karin Alvtegen

La nuit venue, les lumières de la chambre furent éteintes. Une veilleuse solitaire permettait de s’orienter. Vaincu, il avait dû renoncer à sa chambre individuelle. Les tentatives de négociation avaient visiblement affecté l’amabilité du personnel ; pour autant, les soins prodigués demeuraient irréprochables. Plusieurs fois par heure, ils passaient vérifier qu’il était encore en

vie, sans faire de conversation inutile. Anders s’assoupissait entre chaque tour de garde. Les infirmiers lui demandaient de nouveau s’il souhaitait contacter un proche et il mentit pour ne pas avoir à dire la vérité. Bien sûr qu’il avait des proches, mais personne qu’il souhaitait appeler depuis les urgences de l’hôpital de Sundsvall. Son entourage s’était clairsemé et il

était conscient de sa part de responsabilité. L’amitié exigeait de la réciprocité et il avait de plus en plus de mal à donner de ses nouvelles. À vrai dire, beaucoup de choses s’étaient détériorées depuis qu’il avait choisi d’arrêter de travailler, mais il avait compris son erreur trop tard. Rien ne s’était passé comme prévu.
Il saisit le verre et but une gorgée de

sirop dans l’espoir de faire disparaître le mauvais goût dans sa bouche + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          10

Jacques Bainville
Jacques Bainville

La féodalité issue du vieux patronat, fondée sur la réciprocité des services, naissait de l'anarchie et du besoin d'un gouvernement, comme aux temps de l'humanité primitive