Eh quoi! est-il donc si difficile de laisser les hommes essayer, tâtonner, choisir, se tromper, se rectifier, apprendre, se concerter, gouverner leurs propriétés et leurs intérêts, agir pour eux-mêmes, à leurs périls et risques, sous leur propre responsabilité; et ne voit-on pas que c’est ce qui les fait hommes? Partira-t-on toujours de cette fatale hypothèse, que tous les gouvernants
sont des tuteurs et tous les gouvernés des pupilles?
Il est en Europe un État, la France, qui en est menacé. C’est un pays riche, dont la population ne s’accroît plus, entouré de pays pauvres dont la population s’accroît constamment. L’immigration de ces voisins est fatale, et d’autant plus fatale que les exigences croissantes de nos ouvriers la rendent nécessaire pour les besoins de l’agriculture et de l’industrie. Les avantages
que trouvent ces émigrants sur notre sol sont évidents. […] un travail plus facile et mieux rétribué que sur leur territoire natal. Ils se dirigent vers notre pays, non seulement parce qu’il est plus riche, mais aussi parce que la plupart des autres édictent chaque jour des mesures pour les repousser. L’invasion des étrangers est d’autant plus redoutable, que ce sont, naturellement,
les éléments les plus inférieurs, ceux qui n’arrivaient pas à se suffire à eux-mêmes dans leur patrie, qui émigrent. Nos principes humanitaires nous condamnent à subir une invasion croissante d’étrangers. Ils n’étaient pas 400 000 il y a quarante ans, ils sont plus de 1 200 000 aujourd’hui, et ils arrivent en rangs chaque jour plus pressés. Si l’on ne considérait que le
nombre d’italiens qu’elle contient, Marseille pourrait être qualifiée de colonie italienne. […] Si les conditions actuelles ne changent pas, c’est-à-dire si ces invasions ne s’arrêtent pas, il faudra un temps bien court pour qu’en France un tiers de la population soit devenu allemand et un tiers italien. Que devient l’unité, ou simplement l’existence d’un peuple, dans des
conditions semblables?
Ils viennent, inévitables comme le jugement dernier […] Ne me demandez pas qui est celui qui s'appelle Ringissen, ou Leroy, - ils se ressemblent tous. Ils sont châtains, avec la raie sur le côté. Droegmans, plus blond, joue plus blond et plus suave. Moi, si j'étais du jury, je lui donnerais un second prix…Je m'arrête sur la pente fatale où m'entraîne une aveugle indulgence. Mais c'est
qu'aussi ils me font de la peine, ces pauvres gosses qui s'échignent toute l'année le tempérament pour arriver à quoi? À rater leur concours.
La décadence économique, commune au Languedoc et à bien d’autres régions du sud de l’Europe, n’est pourtant ni fatale ni universelle. Dans l’Aquitaine moins développée, Toulouse, comme au XIXe siècle, marche à contre-courant de sa région, et donne depuis quarante ans l’exemple d’une éclatante fortune. Grande ville du Languedoc (155 000 habitants en 1911), elle est aussi en
1914 l’agglomération française la plus éloignée du front. Elle est donc choisie comme zone-refuge pour l’industrie de guerre (explosifs, aviation). Grâce à Latécoère, Daurat, Guillaumat, Mermoz, Saint-Exupéry, elle devient après 1919 la puissante cité française de l’aéronautique, tête de ligne de l’Atlantique-Sud et centre actif de production d’avions. En 1962Sud-Aviation,
société nationale, venait en tête de la production européenne, grâce à la célèbreCaravelle. Quant à l’industrie chimique, fondée en 1924-1928 par l’État pour l’exploitation de brevets allemands dont les industriels français ne voulaient pas, elle détenait la première place en France pour l’azote industriel et ses sous-produits. L’énergie était fournie par les barrages des
Pyrénées et du Massif central, et par le gaz de Saint-Marcet et de Lacq. Ainsi, les capitaux d’État, aidés par l’initiative locale, ont changé le destin de cette ville, que Basville en 1698, jugeait à jamais impropre au commerce et à l’industrie, en raison de « l’indolence espagnole » de ses habitants. L’évolution toulousaine a valeur d’exemple : dans le renouvellement des
structures économiques, le fait urbain doit jouer un rôle aussi important que la reconversion agricole.
Dans cette perspective cependant, le Languedoc tout entier paraît bien placé. La construction d’un axe Rhône-Rhin, les techniques d’avant-garde (canalisation du Bas-Rhône, usines atomiques diverses, certes contestées), le tourisme enfin confèrent un avantage décisif à
cette province voisine de la mer et d’un grand fleuve à vocation européenne.
L’implantation massive des« pieds-noirs »,de 1960, l’a bien montré : mer et autour soleil, au XXe siècle, peuvent être des motifs de peuplement plus importants que vigne et charbon. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         120
Quoi qu’il en soit, les scènes ainsi exécutées, on va au scrutin (je parle au présent, puisque rien n’est changé à cet égard). Le prix est donné. Vous croyez que c’est fini ? Erreur. Huit jours après, toutes les sections de l’Académie des beaux-arts se réunissent pour le jugement définitif. Les peintres, statuaires, architectes, graveurs en médailles et graveurs en
taille-douce, forment cette fois un imposant jury de trente à trente-cinq membres dont les six musiciens cependant ne sont pas exclus. Ces six membres de la section de musique peuvent, jusqu’à un certain point, venir en aide à l’exécution incomplète et perfide du piano, en lisant les partitions ; mais cette ressource ne saurait exister pour les autres académiciens, puisqu’ils ne savent
pas la musique.
Quand les exécuteurs, chanteur et pianiste, ont fait entendre une seconde fois, de la même façon que la première, chaque partition, l’urne fatale circule, on compte les bulletins, et le jugement que la section de musique avait porté huit jours auparavant se trouve, en dernière analyse, confirmé, modifié ou cassé par la majorité.
Ainsi le prix de
musique est donné par des gens qui ne sont pas musiciens, et qui n’ont pas même été mis dans le cas d’entendre, telles qu’elles ont été conçues, les partitions entre lesquelles un absurde règlement les oblige de faire un choix.
Il faut ajouter, pour être juste, que si les peintres, graveurs, etc., jugent les musiciens, ceux-ci leur rendent la pareille au concours de
peinture, de gravure, etc., où les prix sont donnés également à la pluralité des voix, par toutes les sections, réunies de l’Académie des beaux-arts. Je sens pourtant en mon âme et conscience que, si j’avais l’honneur d’appartenir à ce docte corps, il me serait bien difficile de motiver mon vote en donnant le prix à un graveur ou à un architecte, et que je ne pourrais guère
faire preuve d’impartialité qu’en tirant le plus méritant à la courte paille.
Au jour solennel de la distribution des prix, la cantate préférée par les sculpteurs, peintres et graveurs est ensuite exécutée complètement. C’est un peu tard ; il eût mieux valu, sans doute, convoquer l’orchestre avant de se prononcer ; et les dépenses occasionnées par cette exécution
tardive sont assez inutiles, puisqu’il n’y a plus à revenir sur la décision prise ; mais l’Académie est curieuse ; elle veut connaître l’ouvrage qu’elle a couronné... C’est un désir bien naturel !... + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         00
Est-il possible, pendant près d'un demi-siècle, de n'observer qu'un seul côté de la créature qui partage notre vie ? Se pourrait-il que nous fassions, par habitude, le tri de ses paroles et de ses gestes, ne retenant que ce qui nourrit nos griefs et entretient nos rancunes ? Tendance fatale à simplifier les autres ; élimination de tous les traits qui adouciraient la charge, qui rendraient
plus humaine la caricature dont notre haine a besoin pour sa justification ...
p.112
Un doute me vint, à cette minute-là. Est-il possible, pendant prés d'un demi-siècle, de n'observer qu'un seul côté de la créature qui partage notre vie ? Se pourrait-il que nous fassions, par habitude, le tri de ses paroles et de ses gestes, ne retenant que ce qui nourrit nos griefs et entretient nos rancunes? Tendance fatale à simplifier les autres; élimination de tous les traits qui
adouciraient la charge, qui rendraient plus humaine la caricature dont notre haine a besoin pour sa justification.
P.157-158
Quoique les arts de la paix fussent inconnus dans cette fatale région, les forêts étaient animées par la présence de l’homme. Les vallons et les clairières retentissaient des sons d’une musique martiale, et les échos des montagnes répétaient les cris de joie d’une jeunesse vaillante et inconsidérée, qui les gravissait, fière de sa force et de sa gaieté, pour s’endormir
bientôt dans une longue nuit d’oubli.