Lenka Hornakova-Civade
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Mamie Marie m'a prise sur ses genoux et chuchoté à l'oreille:" Tu n'appartiens à personne. Tu es libre. Il n'y a que ça qui compte. Ne l'oublie jamais."

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- Vous vivez toute seule ? Ce n’est pas triste ? Vous ne vous ennuyez pas ?
- Comment être seule en cette excellente compagnie ?
Elle a fait un très beau geste qui a embrassé tous les livres à la fois.

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C’est un art, de faire parler les silences.

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«  Les nuages enceints de flocons de neige, près d’exploser, se mélangent aux nappes de brume qui montent de la terre transie .
Une respiration . »

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Les arbres, enveloppés dans de somptueuses robes de givre, semblent grandir et flotter dans la brume. Leurs racines se sont retirées dans des profondeurs, elles y cherchent le réconfort et assez d'énergie pour le printemps.

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La poésie c'est souffrir avec élégance, ce qui rend notre propre souffrance non seulement supportable mais belle

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Je repose dans le silence, tout relatif, des feuilles qui soupirent en se déposant tout doucement.
Longtemps.

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Parce que si tout était liberté, on la perdrait. Le chaos n'est pas la liberté.

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Il faut le préciser, on est des bâtardes de mère en fille, comme certains sont boulangers ou rois. Aujourd'hui, il n'existe plus de boulangers. Ils ont été remplacés par des boulangeries industrielles qui crachent du pain sans âme (...). Les rois n'existent plus non plus et ont été remplacés, eux, par le Parti communiste. Il faut maintenant être communiste de père en fils. L'avantage

avec le communisme, c'est que chacun peut l'adopter, alors que normalement il n'y a qu'un seul roi par pays.

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Le rapport est la nourriture première de l'État, son essence. Le temps de l'État ne correspond pas à celui d'un homme. Il digère lentement, il pense en décennies là où l'homme compte en minutes, en siècles alors que l'homme craint la vitesse des jours.
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Ma maman Liba, Libunka. Quand le nom ou le prénom est beau, ça ajoute du beau au beau, j'ai remarqué ça. J'appelle ma maman Libunka, c'est le plus joli de tous les prénoms, je trouve.

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La conversation a été très courte, je n'en ai rien entendu. Par contre, le lendemain matin, maman Marie a pris la situation en main.

Plantée devant l'école où on ne l'attendait pas, elle a exigé d'entrer. Personne n'a osé s'y opposer. Elle m'a appelée devant tout le monde, puis a dit d'une grosse voix que je ne lui connaissais pas :

- Il paraît que tu ne veux pas

être traitée de bâtarde, alors que t'en es une ? Prends la vie comme elle vient mais ne baisse jamais la tête, surtout devant ce petit monde-là ! Tu ne peux pas fuir ce que tu es, mais il y a différentes façons de s'y prendre. Ne laisse jamais les gens avoir pitié de toi ; la pitié c'est ce qui se change en haine le plus rapidement. Après l'amour.

Puis elle a tourné les

talons en direction de la maison. Je suis rentrée cet après-midi-là les yeux secs et la tête haute. Pas pour ce qu'elle avait dit, je n'avais pas très bien tout compris. Ce que j'avais par contre parfaitement saisi, c'est qu'elle s'adressait aux maîtresses et aux élèves. J'étais tout bonnement enchantée qu'elle soit venue me défendre devant mon monde. + Lire la suiteCommenter

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Il n 'est pas paresseux, ça non, il sait utiliser son énergie pour aller boire au village toute la nuit ou danser le samedi soir. Mais pour le travail, pour l'éviter, il n'y a pas plus fort que lui.

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Les gens marchent vers le carrefour. Si je veux aller à la ferme, il faut remonter le courant de la foule. Je m’arrête, pour essayer de comprendre ce qui se passe, de quelle fête il s’agit.

Un cortège accompagné par le flot s’approche du carrefour, je suis trop loin pour distinguer qui que ce soit.

Je demande à un inconnu :

– Un enterrement ?


– Ah que non, ma belle. Pas d’enterrement, quoique, un adieu quand même.

L’homme, le rire gras, est content de sa blague. Curieuse, je me mêle aux gens. Je veux voir et échapper au froid qui me saisit à l’intérieur.

Sur la route gelée, plusieurs charrettes s’avancent, chargées, si chargées. Je reconnais les objets. D’abord, le buffet sur

lequel était exposées les photos des enfants des patrons, puis voilà le gros coffre en bois peint qui était juste derrière la porte dans la pièce principale. On y gardait les nappes, les serviettes et les torchons bien pliés. Les jolis torchons, ceux qui servaient à astiquer les couverts en argent, à essuyer la vaisselle. La belle vaisselle doit être maintenant entassée dans les grosses

caisses en bois sur l’autre carriole. De la paille en dépasse, on a rangé vite.

Je ne veux pas en croire mes yeux, je les connais tous, ces meubles, jusqu’au dernier. Pire, je connais les gens sur les charrettes. Ils sont tous là en effet, toute la famille au grand complet ; où est-ce qu’ils partent comme ça ? Toute la maison, rangée n’importe comment sur les charrettes

! Cette route, où va-t-elle ? Ce n’est pas comme ça que je rêvais mes retrouvailles.

J’avance. Il faut que je voie Josef. Pour lui dire qu’il a une fille. il faut que Josef me voie, qu’il donne un prénom à cette petite, qu’il l’aime ! il faut nous emmener à Vienne !

Mon dieu, laissez-moi passer !

Je pousse les gens, je dépasse Stan, qui suit

au pas le cortège avec sa voiture bien propre et rutilante. De temps en temps, il klaxonne, comme s’il était pressé. Il n’est pas pressé. C’est un salut sinistre qu’il envoie à la famille du patron.

Le patron, on dirait un petit vieux, tout ratatiné, à peine reconnaissable. Il est en tête, sur la première charrette. Josef conduit la seconde. Il tient les rênes du

cheval fermement, ça oui, mais on voit bien que c’est la première fois qu’il en dirige un. Le cheval avance tout seul, en suivant la charrette précédente. Josef s’est abandonné au rythme de la bête, il se balance d’avant en arrière, en avant, en arrière. Il ne regarde ni à gauche ni à droite, pas même devant lui. Son regard est vide, infiniment vide, je n’arrive pas à y

entrer. Il n’entend pas non plus. Il ne réagit à rien. Ni aux rires, méchants et moqueurs, ni aux menaces, ni aux poings levés , ni aux boules de neige sales lancées par les gamins – et aussi par les adultes. Rien ne le fait changer de position, tourner la tête, hausser les épaules, ajuster la couverture qui glisse doucement de ses genoux. + Lire la suiteCommenter

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C’est ma mère qui l’a su la première.
Quelque part en moi je le soupçonnais, je crois, mais je ne voulais pas savoir. Un dimanche, elle m’a observée pendant que je préparais ma valise. J’ai dû faire un nouveau geste, me tenir autrement, me cambrer, je ne sais pas.
Elle a poussé un cri d’effroi. Elle m’a arraché la valise des mains. Comme un taureau avant de charger,

elle s’est postée devant moi et m’a ordonné :
- Déshabille-toi.
J’ai obéi. Trop lentement à son goût.
Elle a déchiré ma jupe en la tirant, descendu mes collants. Ma culotte aussi.
Une main dans le bas de mon dos et l’autre posée sur mon ventre, elle a appuyé. Pas fort. Elle tâtait, la déplaçait doucement, comme une vague. Elle s’est concentrée un

court instant.
- Couche-toi. Couche-toi, je te dis.
Comme je ne bougeais pas, elle a hurlé et m’a poussé en arrière, d’un coup sec dans la poitrine.
- Écarte les jambes.
Ce que j’ai fait.
Elle a essuyé ses mains sur le torchon qu’elle portait autour de la taille. L’une est entrée en moi, l’autre est restée sur mon ventre.
Elle avait envie de

me faire mal. Et le faisait.
J’ai serré les dents. J’ai serré les cuisses, j’ai expulsé sa main, puis avec les miennes j’ai couvert mon ventre. Mon ventre à moi.
- Ce sera autour de mars, Saloperie.
Impossible de savoir si elle parlait de moi, de l’enfant à venir ou tout simplement de la vie. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie       

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Je ne vois pas la beauté des paysages dont il parle. Il voit ce qu'il y a à voir. En vivant ici tous les jours, je vois ce qu'il y a à vivre

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C’est un sourire qui va avec tout. Dans les situations tristes ou difficiles, il console et ne se moque pas, dans les moments de joie, il accompagne, il partage. En cas d’impatience, il encourage à la persévérance, en cas de découragement, à la témérité et l’audace.

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Je voudrais pouvoir raconter à ma fille une belle histoire d'amour, aussi courte qu'elle ait été. Il faut qu'elle sache. Ce sont les blancs dans nos vies qui nous font souffrir, je le sais.

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Qu'est ce qui ce passe si je ne prends pas ce train?

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La poussière des livres était différente de toutes les autres poussières, plus douce, plus fine aussi ; oui, je trouvais que la poussière ici devait avoir une belle vie. Elle était partout, mais pas trop. Exactement ce qu'il fallait pour tenir compagnie aux héros de tous ces bouquins.

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