Marie-George Buffet
Marie-George Buffet

Ce mot [« communisme »] est aussi une référence. Il est à la fois (…) marqué par un héritage négatif, mais il est aussi une référence de combats passés et actuels. Est-ce qu'il faut effacer une partie de l'histoire? Je crois qu'il faut plutôt l'affronter. Je ne suis pas sûre d'ailleurs qu'un parti qui changerait son nom reprendrait une dynamique s'il n'est pas capable de porter un

regard sur son histoire passée. En Europe, les partis qui ont pensé qu'ils allaient repartir d'un seul coup en effaçant le mot communiste de leur nom se sont trompés. (…) Je ne crois pas que ce soit la solution miracle (…) — d'ailleurs, on continuerait, comme ailleurs, à nous appeler « ex-communistes.»

Loïc Decrauze
Loïc Decrauze

L’idéologie communiste a certes engendré, par les dévoiements de son application, jusqu’à cent millions de morts, mais le chantre du capitalisme a laissé massacrer quelques millions de civils pour la sauvegarde de ses intérêts stratégiques. Finalement, le problème n’est pas dans l’idéologie, mais dans l’être humain qui n’est pas à la hauteur de ses ambitions

intellectuelles. Tout système sera l’occasion, pour les intelligences malfaisantes, de nuire à autrui pour servir leurs ambitions.

Laurent Deshayes
Laurent Deshayes

Malgré tout, c'est dans l'indifférence internationale que le pays a été envahi et soumis par la nouvelle Chine communiste de Mao Tse Toung, dès 1950. Il ne reste du Tibet que quelques lambeaux de son passé religieux, une langue dont les subtilités littéraires se perdent, une culture étouffée par une volonté politique, un territoire morcelé. Surtout peut-être, l'envahisseur est devenu

un occupant omniprésent; Lhassa et la plupart des villes sont très majoritairement peuplées de Chinois. Quant aux Tibétains, héritiers d'un empire glorieux et d'une culture religieuse qui marqua profondément l'Asie continentale, ils survivent…

Gerard Depardieu
Gerard Depardieu

J'adore votre pays, la Russie, ses hommes, son histoire, ses écrivains. Mon père était un communiste à l'époque, il écoutait Radio Moscou ! C'est aussi cela ma culture.

François Mauriac
François Mauriac

Le dernier soir de mes vacances, j'ouvris, je livrai à Radio-Moscou la vieille maison déjà abandonnée, à demi engloutie déjà dans l'hiver : " Vive le maréchal Staline ! Amour au camarade Staline, notre père et notre maître ! Vive le chef génial et le maître de tous les ouvriers du monde entier !" On croyait que c'était fini, et tout à coup le speaker ajoutait deux ou trois rallonges

à la litanie. Non je me trompe : cela n'était pas crié, plutôt récité recto tono (il s'agissait d'un reportage sur le Congrès de Moscou). Ce camarade semblait partagé entre le souci de n'en pas mettre assez, de ne pas donner à l'idole sa provende d'encens, et la peur, s'il enflait la voix, d'avoir l'air de se moquer, de tourner la chose en farce et de faire pouffer les Français nés

malins.
Pour lui, il y allait évidemment de la vie : l'important était de ne pas prêter à rire en répétant : Vive notre Staline bien-aimé ! " Sa voix prudente demeurait blanche et glacée. Ah ! nous y allions de meilleur cœur, au collège, lorsque le cardinal-archevêque, primat d'Aquitaine, venait nous confirmer et que nous le régalions de cette aubade :

Vive

Monseigneur ! (bis)
C'est le cri d'allégresse,
C'est le cri de bonheur
Que tous avec ivresse
Chantent sans cesse.
Vive, vive Monseigneur ! (bis).

Il faut se rendre à l'évidence : au point où nous voilà parvenus de la lutte communiste pour la libération de l'homme, ce qui s'accomplit sous nos yeux, et dans les

formes les plus viles, c'est la déification, l'adoration d'un seul homme. Oui, un homme, et non pas deux ou trois. Ils étaient pourtant nombreux, les premiers compagnons de Lénine. L' U.R.S.S., aujourd'hui, ressemble au plus dévasté des viviers. Les premiers Bolcheviks ont mangé tous les autres poissons, puis les petits brochets ont été dévorés par les gros, et il ne reste plus

finalement que ce gros brochet, génial et sublime, chéri et adoré.

(L'Homme adoré - Octobre 1952.) + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          200

Raymond Aron
Raymond Aron

Le national-socialisme est devenu de moins en moins conservateur au fur et à mesure que son règne se prolongeait. Les chefs de l'armée, les descendants des grandes familles furent pendus à des crocs de bouchers, côte à côte avec les leaders de la social-démocratie. La direction de l'économie gagnait de proche en proche, le parti s'efforçait de modeler l'Allemagne, s'il avait pu l'Europe

entière, conformément à son idéologie. Par la confusion du parti et de l'État, par la mise au pas des organisations indépendantes, par la transformation d'une doctrine partisane en une orthodoxie nationale, par la violence des procédés et le pouvoir démesuré de la police, le régime hitlérien ne ressemble-t-il pas au régime bolchevik bien plutôt qu'aux rêveries des

contre-révolutionnaires ? Droite et gauche ou pseudo-droite fasciste et pseudo-gauche communiste ne se rejoignent-elles pas dans le totalitarisme ?

Il est loisible de répliquer que le totalitarisme hitlérien est de droite, le totalitarisme stalinien de gauche, sous prétexte que l'un emprunte des idées au romantisme contre-révolutionnaire, l'autre au rationalisme

révolutionnaire, que l'un se veut essentiellement particulier, national ou racial, l'autre universel à partir d'une classe élue par l'histoire. Mais le totalitarisme prétendument de gauche, trente-cinq ans après la Révolution, exalte la nation grand-russe, dénonce le cosmopolitisme et maintient les rigueurs de la police et de l'orthodoxie, autrement dit il continue de nier les valeurs

libérales et personnelles que le mouvement des Lumières cherchait à promouvoir contre l'arbitraire des pouvoirs et l'obscurantisme de l'Église. (chapitre 1) + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          20

Julia Kristeva
Julia Kristeva

L’état d’urgence de la vie
C’est le titre du chapitre 4 centré sur la mère que va devenir Julia Kristeva et la relation du couple face à la situation de handicap que va révéler leur fils David.

avec en exergue :
On n’imagine pas combien il est difficile de se tenir droite quand on est une femme avec un mari pas comme les autres, un enfant pas comme les autres,

un métier pas comme les autres – et que ces divers points d’attache sont autant d’élévation que de handicap (étant entendu que chacun de nous est « pas comme les autres ») et qu’elle a ses fils à plomb « pas comme les autres ».

On ne l’imagine pas !
Julia Kristeva, Le Féminin et le Sacré

Julia Kristeva. La grossesse est la forme courante de

l’extase », comme je l’ai écrit. Était-ce l’évolution du lien amoureux, l’approfondissement de mon analyse sur le divan, la vérité des mères chinoises étincelantes sous la carapace officielle de l’idéologie communiste ? J’avais la trentaine, le désir d’enfant est devenu central, irrépressible – la « petite fille » en moi qui préférait les livres aux poupées

acceptait maintenant les landaus… Après deux avortements pénibles que nous avions décidés ensemble avec Philippe, car nous n’étions pas sûrs alors de vouloir devenir parents, désormais il était d’accord avec moi : c’était le moment.

S. D. Comment réagissait-il ?

J. K. Ni enthousiaste ni réticent, comme pour le mariage. Sollers aborde l’existence avec un

sérieux que ses détracteurs ont tendance à lui dénier. [Nous échangions des pensées émues, des propos elliptiques, pudiques, ironiques, en attente de l’événement, riant avec les bébés et les jeunes enfants qui jouaient autour de nous à la plage de la Conche, près du phare des Baleines. […]

L’accouchement était parfait, c’est-à-dire douloureux, puis péridurale,

beau bébé, photos, parents ravis. Mes parents ne pouvaient pas venir facilement, mes beaux-parents laissaient le jeune couple accueillir le nouveau-né, Philippe a choisi sans hésitation le prénom de David qui m’enchantait. David Joyaux, le nom de sa famille paternelle, fils de Philippe Joyaux dit Sollers, et de Julia Kristeva épouse Joyaux. D’emblée, sans se forcer, spontanément, le

papa s’est montré attentif, contenant, d’une tendresse exceptionnelle. Je le vois encore maintenant, portant contre son cœur David, emmailloté, et lui chantant… évidemment pas Au clair de la lune, mais du Mozart : Mon cœur soupire la nuit, le jour… Et du Bach :Gloria Patri et Filio… Nous l’avons enregistré plus tard sur une cassette que David, enfant, aimait beaucoup écouter,

qu’il connaît par cœur, qu’il chante encore parfois avec son père.!

[…]

S. D. Mais les dysharmonies dans le développement de votre fils sont apparues, et les choses sont devenues, très vite, plus compliquées.

J. K. À la maternité, on a diagnostiqué des problèmes de motricité. Malgré des examens approfondis, il n’y eut que des résultats

négatifs, nous sommes sortis sans traitement. Par la suite, des états critiques et des dysharmonies psychomotrices, en effet, sont apparus. David a suivi une scolarité normale à la maternelle, à l’école primaire publique, et ensuite dans des écoles spécialisées. Après des traitements divers, le diagnostic reste imprécis : une de ces maladies neurologiques, dites « orphelines », qui

l’a conduit plusieurs fois au coma. Cette situation est maintenant stabilisée, mais la proximité de la mort, épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, nous fait vivre une autre vie, infiniment précieuse, plus sensible. Le combat héroïque de sur-vie (avec tiret) que David mène avec une vitalité extrême ne nous a pas seulement soudés, il a changé le sens de l’existence. Cette

sur-vie signifie que non seulement David a encouru des risques mortels, mais qu’il en a recueilli un surplus d’énergie, une combativité, une affinité aiguë avec la souffrance des autres et une solidarité spontanée qui appelle ses parents, ses amis, son entourage à se surpasser, littéralement. Hors de soi : la vie. Je n’embellis pas les difficultés, et je fais – avec les

spécialistes qui nous entourent – le nécessaire pour qu’il traverse au mieux ces moments de douleur, d’angoisse et d’interrogation. Je ne fais pas partie de ces parents d’enfants en situation de handicap qui, très croyants, proclament vivre la joie et la grâce. David m’a installée dans un temps vertical, un présent continu, un « maintenant » dans lequel la sur-vie fait

apparaître le reste de l’existence comme une irréalité secondaire.

S.D. poursuit l’entretien notant que David est né et a grandi à un moment où Julia Kristeva bâtissait les piliers de son œuvre avec Soleil noir, Pouvoirs de l’horreur, Histoires d’amour,sa trilogie surLe Génie féminin, ainsi qu’une carrière internationale de premier plan. Comment est-elle parvenue

à « concilier son éducation et les moments de partage avec lui »– toutes choses qui lui tenaient « très à cœur » - « avec ses créations littéraires et productions intellectuelles ? »

Julia Kristeva répond sans détour pour éclairer cette part d’ombre, au cœur de sa vie et celle de Philippe Sollers, d’une lumière enveloppante, éclairante, discrète et intense.

Infiniment touchante, aux confins de l’indiscible de la vie et de la mort*, de l’humain.

* « […] la vie avec handicap nous confronte à la mortalité, nous dit Julia Kristeva. Car leur mal-être – qu’il soit neurologique, sensoriel, moteur, psychique ou mental – est tel que, sans une aide technique (prothèses diverses) ou humaine (divers types d’accompagnement), ces

personnes ne peuvent pas vivre. »
S.D. [Philippe Sollers] a-t-il été à vos côtés lors de l’éducation de David ? Avez-vous pu vous appuyer sur lui ? Vous a-t-il offert un étayage solide ?

J. K. Un étayage indéfectible.

[…] Sa façon d’aider David à grandir s’avérait souvent plus pertinente que la mienne : ne pas frapper sur les portes fermées, ne

passer que par les portes ouvertes. La musique, les arts, le plaisir, le rêve, la révolte par la comédie. À moi le reste, c’est-à-dire l’intendance, autrement dit, tout.

S. D. Pas facile.

J. K. Pas facile, mais pas impossible.
[…]

Le handicap est une expérience existentielle et, au-delà, une épreuve qui éclaire la complexité humaine.


[…]

Le handicap confronte la personne qui en est atteinte, ainsi que ses proches, à une exclusion pas comme les autres. Depuis le XVIIIe siècle et la Déclaration des droits de l’homme, nous essayons – malgré beaucoup d’échecs – de mettre fin aux discriminations de classe, de race, de sexe, de religion. Il n’en va pas de même avec le handicap.

[…]

….faire de la vie un combat avec la présence de la mort et, tout compte fait, un engagement de tous les instants. Le seul qui vaille.

[…]

J’essaie d’être à la mesure de cet état d’urgence de la vie.

Un témoignage à découvrir absolument dans le texte intégral ! + Lire la suiteCommenter  J’apprécie     

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Kip S. Thorne
Kip S. Thorne

Récompensé en 1994 par le prestigieux prix de Phi Beta Kappa - Philosophy is the governor of one's life -, le livre Trous noirs et Distorsions du temps du prix Nobel 2017 rend accessible au plus grand nombre, presque 100 ans de physique du XXème siècle. Il souligne en particulier, l'importance de l'apport de l'outil topologique par Roger Penrose et la bride intellectuelle posée sur l'esprit

de grands physiciens du bloc de l'Est par le système communiste d'alors. Les travaux du célèbre Stephen Hawkins sont abondamment cités et replacés dans leur contexte.
Cet ouvrage écrit comme un roman est vraiment très pédagogique et très bien architecturé avec des annexes retraçants la liste des personnages - des physiciens, astronomes et mathématiciens, une chronologie des

découvertes et un glossaire des termes inhabituels.
En dernier lieu, mais d'une importance capitale, Kip S Thorne décrit l'apport du roman de science fiction comme libérateur de la pensée puisqu'il oblige a un brainstorming contrôlé qui pousse aux meilleures expériences de pensées.
Bonne lecture + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00

Maurice Merleau-Ponty
Maurice Merleau-Ponty

Montrer que la violence est une composante de l'humanisme occidental considéré dans son œuvre historique, ce n'est pas d'emblée justifier le communisme, puisqu'il reste à savoir si la violence communiste est, comme le pensait Marx, « progressive » — et encore bien moins lui donner ce louche assentiment que le pacifisme, sur le terrain de l'histoire, apporte bon gré mal gré aux régimes

violents. Mais c'est ôter à la politique occidentale cette bonne conscience sans vergogne si remarquable en ce moment dans beaucoup d'écrits anglo-saxons, c'est replacer sur son vrai terrain la discussion des démocraties occidentales avec le communisme, qui n'est pas la discussion du Yogi avec le Commissaire, mais la discussion d'un Commissaire avec un autre.

Si les événements

des trente dernières années nous autorisent à douter que les prolétaires de tous les pays s'unissent et que le pouvoir prolétarien dans un seul pays établisse des relations réciproques entre les hommes, ils n'enlèvent rien de sa vérité à cette autre idée marxiste que l'humanisme des sociétés capitalistes, si réel et si précieux qu'il puisse être pour ceux qui en bénéficient, ne

descend pas du citoyen jusqu'à l'homme, ne supprime ni le chômage, ni la guerre, ni l'exploitation coloniale et qu'en conséquence, replacé dans l'histoire de tous les hommes, il est, comme la liberté de la cité antique, le privilège de quelques-uns et non le bien de tous. Que répondre quand un Indochinois ou un Arabe nous fait observer qu'il a bien vu nos armes, mais non notre humanisme ?

Qui osera dire qu'après tout l'humanité a toujours progressé par quelques-uns et vécu par délégation, que nous sommes cette élite et que les autres n'ont qu'à attendre ?

Ce serait pourtant la seule réponse franche. Mais ce serait aussi avouer que l'humanisme occidental est un humanisme en compréhension, — quelques-uns montent la garde autour du trésor de la culture

occidentale, les autres obéissent, — qu'il subordonne, à la manière de l'État hégélien, l'humanité de fait à une certaine idée de l'homme et aux institutions qui la portent, et qu'enfin il n'a rien de commun avec l'humanisme en extension qui admet dans chaque homme, non pas en tant qu'organisme doué de tel ou tel caractère distinctif, mais en tant qu'existence capable de se

déterminer et de se situer elle-même dans le monde, un pouvoir plus précieux que ce qu'il produit. L'humanisme occidental, à ses propres yeux, est l'amour de l'humanité, mais pour les autres, ce n'est que la coutume et l'institution d'un groupe d'hommes, leur mot de passe et quelquefois leur cri de guerre. (pp. 189-190) + Lire la suiteCommenter  J’apprécie       

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Michaël Mention
Michaël Mention

Ici, la pluie a quelque chose de communiste dans son uniformisation.