Guadalupe Sánchez Nettel
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On a tendance à croire que les liens qui nous attachent aux autres, en particulier l’affection, sont éternels et inamovibles. Pourtant, les gens changent beaucoup au gré des lieux et des circonstances.

Guadalupe Sánchez Nettel
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"Êtres imparfaits dans un monde imparfait, nous sommes destinés à ne jamais connaître que des miettes de bonheur ;"
"Quelle alternative avons - nous ?"

Guadalupe Sánchez Nettel
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Certaines personnes préfèrent vivre dans l'ignorance afin que l'émerveillement dure le plus longtemps possible.

Guadalupe Sánchez Nettel
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Et si notre existence était une sorte de moule, tel celui du sculpteur, ou du forgeron ? me suis-je demandé. Si chaque expérience que nous faisons pendant que nous sommes en vie, chaque émotion, chaque idée était à l’image d’un disque qu’on enregistre une seule fois et qu’on écoute ensuite passivement, en boucle, sans rien pouvoir y changer, perdrions-nous notre temps comme nous le

faisons, à nous tourmenter avec des idées et des pensées douloureuses pour qu’elles se répètent à l’infini ?......Mais dans le cas contraire, en supposant que nous soyons informés du caractère limité de notre durée de vie et que nous puissions choisir comment passer l’éternité, que voudrions-nous faire, penser ou dire ? Quel serait notre jugement dernier ? Je n’ai pas trouvé

de réponse.

Guadalupe Sánchez Nettel
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Une nuit, je me réveillai en sursaut après un cauchemar dont je ne pus me souvenir. La lune presque pleine pénétrait à travers le shôji, baignant la chambre d ‘une lumière bleutée. Le corps de Midori était presque entièrement allongé sur le mien, respirant sereinement dans un sommeil profond. Ses jambes et ses bras en laçaient les miens, imitant les branches d’un lierre ou d’un

chèvrefeuille. C’est ainsi que je le découvris : ma femme était une plante grimpante, souple et brillante. « C’est pour cela qu’elle aime tant la pluie, pensai-je, alors que, moi, je ne la supporte pas.

Guadalupe Sánchez Nettel
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J’avoue cependant que, souvent, tandis que je déambule dans les rues ou dans les couloirs de quelque édifice, l’envie me saisit soudain de faire une photo, pas de paysages ou de ponts comme le fit naguère mon père, mais de paupières insolites que de temps en temps je repère dans la foule. Cette partie du corps, que j’ai vue toute mon enfance, et sans jamais ressentir le moindre

dégoût, a fini par me fasciner. Exhibée et cachée par intermittence, elle oblige à rester en état d’alerte si l’on veut découvrir quoi que ce soit qui en vaille vraiment la peine. Le photographe doit éviter de cligner des yeux en même temps que le sujet étudié pour capturer le moment où l’œil se ferme comme une huître joueuse. J’en suis venu à penser que cela nécessite une

intuition particulière, proche de celle d’un chasseur d’insectes, et je crois qu’il y a peu de différence entre un battement d’ailes et un battement de cils.

Guadalupe Sánchez Nettel
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Le XXe, (Paris)lui, est bien plus populaire et pauvre.....Tout près, il y avait une boucherie casher et,juste au coin, son équivalent halal. À cette heure, le quartier était si paisible, si familial, qu’on aurait eu bien du mal à imaginer les parents des personnes qui fréquentaient ces lieux se livrer une guerre impitoyable à quelques milliers de kilomètres de là.

Guadalupe Sánchez Nettel
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Selon tes propres ancêtres, la seule manière d'en finir avec un démon ou avec une émotion infamante, c'est de la regarder en face. Voilà pourquoi j'ai acheté cet animal, voilà pourquoi j'ai décidé de le séparer de sa partenaire, pour observer sa douleur comme le reflet de la mienne.

(dans la nouvelle "Le serpent de Pékin")

Guadalupe Sánchez Nettel
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"Il ne faut rien censurer, seulement conserver ce qui est compréhensible;"

Guadalupe Sánchez Nettel
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On dit que le martèlement d’une goutte d’eau tombant sans interruption sur le sol d’une cellule de prison brise en quelques jours les nerfs d’un détenu. Je vous assure, docteur, vivre aux cotés de quelqu’un qui fait craquer ses doigts à tout instant, c’est plus ou moins la même chose.

Guadalupe Sánchez Nettel
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Le meilleur moment pour entrer dans les restaurants, c'étaient les heures de pointe, personne alors ne remarquait ma présence et je pouvais m'aventurer dans les toilettes du lieu, qui, tout comme la proximité des femmes, étaient une véritable découverte pour mes vingt ans. Il n'était pas rare alors que je préfère me faufiler dans les sanitaires réservés aux dames, et m'immerger dans

leur sillage. Les autres, réservés à mon sexe, me semblaient peu prometteurs, dans les taches des urinoirs je décelais de l'arrogance, parfois de la rivalité, mais rien qui vaille la peine que je m'en souvienne en arrivant à mon studio, où je ne survivais aux relents de la solitude et de l'enfermement qu'en me réfugiant dans les odeurs récoltées pendant la journée.

Guadalupe Sánchez Nettel
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Toute preuve trouve sa force dans l'élan avec lequel elle se révèle. Les promesses sont des affaires humaines, elles sont le fruit de la volonté et de l'erreur humaine, tandis que les révélations sont celui de notre participation à ce qui nous transcende et nous dépasse. p.139

Guadalupe Sánchez Nettel
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Je me suis dit que, comme le printemps succède à l'hiver et nous permet, année après année, d'oublier sa rigueur, il y aurait toujours des enfants pour jouer et courir sur les tombes de nos morts. Et que c'étaient eux, les enfants, qui savaient le mieux sinon les condamner à l'oubli, du moins raviver notre envie de vivre, malgré leur douloureuse absence.

Guadalupe Sánchez Nettel
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Paris nous a accueillis dans le froid, mais sans cette pluie incessante qui la caractérise. Tandis que nous remontions le boulevard Haussmann dans le taxi que nous avions pris à l'aéroport, j'observais , fasciné, les façades lézardées, les immeubles et le monuments cossus, et j'ai compris qu'à l'image de Ruth, Paris est un quinquagénaire aux humeurs changeantes mais qui a beaucoup de

classe.

Guadalupe Sánchez Nettel
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J'essayais de distinguer des formes dans les contours des nuages et je laissais le sommeil me gagner, en supposant que, sans m'en rendre compte, j'étais en train d'accéder au paradis.

Guadalupe Sánchez Nettel
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Un samedi matin, Isabel et moi étions assis dans la cuisine, à bavarder. Nous avions mis du pain à décongeler dans le micro-ondes. Tandis qu’elle m’expliquait les avantages du nouvel insecticide, nous avons entendu des crépitations inhabituelles dans le four. Quand nous avons ouvert la porte, trois cadavres de cafards gisaient sur le gril.

Guadalupe Sánchez Nettel
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" Attendre quelqu'un, du moins de cette façon, revient à gommer sa propre existence, à l'hypothéquer pour un temps indéterminé, à la troquer contre un conditionnel absurde. Etre obsédé par quelqu'un qui a choisi de ne pas être là, c'est faire don de minutes, d'heures, de jours entiers de notre vie à quelqu'un qui n'a rien demandé et qui n'en veut pas; c'est condamner ces minutes, ces

heures et ces jours aux limbes du temps perdu, de l'inutile; c'est ignorer les infinies possibilités que ce temps nous offre et y renoncer pour la pire des options: la frustration et la souffrance." p152

Guadalupe Sánchez Nettel
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Jusqu'alors, les champignons avait toujours été - pour moi en tout cas - des objets de curiosité qu'on voyait dans les dessins pour enfants, et que j'assimilais aux forêts et aux lutins. En tout cas, rien de semblable à cette rugosité qui donnait à l'orteil de ma mère l'apparence d'une huître.

(dans la nouvelle "Champignons")

Guadalupe Sánchez Nettel
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Il y a sûrement dans la vie de tout renifleur un moment de plénitude comme celui que j'ai connu cette fois-ci dans les toilettes pour dames du Mazarin. Je ne saurais dire si ce qui me procura autant de plaisir fut le marbre discret des meubles et du sol, le haut plafond permettant la libre circulation des odeurs ou bien le vaste cabinet où je me livrai à une exploration minutieuse.

Guadalupe Sánchez Nettel
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Les félins souffrent en revanche d'une réputation d'égoïsme et d'indépendance excessive. Je ne partage absolument pas cette opinion. Les chats, c'est vrai, nous sollicitent moins que les chiens et leur compagnie est en général beaucoup plus discrète, voire quasi imperceptible. Je sais néanmoins par expérience qu'ils peuvent faire preuve d'une formidable empathie envers les êtres de leur

espèce ainsi qu'envers leurs maîtres. En réalité, les félins sont extrêmement versatiles et leur caractère peut embrasser l'ostracisme de la tortue comme l'omniprésence du chien.

(dans la nouvelle "Féline")