Gaston Bachelard
Gaston Bachelard

Il n'y a pas de poésie antécédente à l'acte du verbe poétique. Il n'y a pas de réalité antécédente à l'image littéraire. L'image littéraire ne vient pas habiller une image nue, ne vient pas donner la parole à une image muette. L'imagination, en nous, parle, nos rêves parlent, nos pensées parlent. Toute activité humaine désire parler. Quand cette parole prend conscience de soi,

alors l'activité humaine désire écrire, c'est-à-dire agencer les rêves et les pensées. L'imagination s'enchante de l'image littéraire. La littérature n'est donc le succédané d'aucune autre activité. Elle achève un désir humain. Elle représente une émergence de l'imagination.

Gaston Bachelard
Gaston Bachelard

La marche contre le vent, la marche dans la montagne est sans doute l'exercice qui aide le mieux à vaincre le complexe d'infériorité. Réciproquement, cette marche qui ne désire pas de but, cette marche pure comme une poésie pure, donne de constantes et d'immédiates impressions de volonté de puissance.

Gaston Bachelard
Gaston Bachelard

La poésie totale, la poésie parfaite, dit Hugo von Hofmannsthal, « c'est le corps d'un elfe, transparent comme l'air, le messager vigilant qui porte à travers les airs une parole magique : en passant il s'empare du mystère de nuages, des étoiles, des cimes, des vents; il transmet la formule magique fidèlement, mêlée cependant aux voix mystérieuses des nuages, des étoiles, des cimes et

des vents ». Le messager ne fait plus qu'un avec le message. Le monde intime du poète rivalise avec l'univers.

Joachim du Bellay
Joachim du Bellay

Le naturel n’est pas suffisant à celui qui en poésie veut faire œuvre digne de l’immortalité.

Howard Bloom
Howard Bloom

Les aristocrates de nombreuses civilisations sont les fossiles d'anciennes hordes conquérantes. Leur positions au sommet de la société est le résidu de vols : en Angleterre, les classes titrées sont les descendants des soldats saxons, vikings et normands qui ont pillé, massacré et violé en des vagues successives de 470 à 1066 après J. C. Au Japon, l'aristocratie en place depuis 1800 ans,

est le reste d'une population de cavaliers mongols nomades qui traversèrent la mer depuis la Corée au premier siècle après Jésus-Christ… La seule vertu qui distingue les familles d'aristocrates des nôtres est une plus grande volonté de la part de leurs ancêtres à faire usage de la violence. Au Japon et en Angleterre, tout comme en Inde, la religion, la philosophie, la poésie et

l'idéologie ont toutes été utilisées pour maintenir les peuples conquis à leur misérable place.

Annie Le Brun
Annie Le Brun

Au héros de Maturin dont Baudelaire disait : « Melmoth est une contradiction vivante. Il est sorti des conditions fondamentales de la vie; ses organes ne supportent plus sa pensée », à ce hérault du mal qui n'a pas assez des siècles ni de l'univers pour répandre sa malédiction, Balzac offre la dépouille d'un caissier de banque parisien qui, pour subvenir à des besoins d'argent

grandissants, vend son âme au diable. La dégringolade est aussi terrible que significative. C'est l'imaginaire vaincu par l'ordre rationnel, c'est la métaphysique ramenée à la niche des religions, c'est la poésie disparaissant pour longtemps du roman, dès lors tout entier acquis au réalisme, c'est-à-dire livré à une surveillance sans relâche qui a pour but de déterminer comme unique

référent l'empire du réel.

Blaise Cendrars
Blaise Cendrars

À quoi bon écrire? tout s'imprime en moi et c'est peut-être la pure poésie que de se laisser imprégner et de déchiffrer en soi-même la signature des choses.

Adolphe Chéruel
Adolphe Chéruel

Les Arabes ont exercé une grande influence sur la France, et spécialement sur les contrées méridionales. Au [X, e] le célèbre Gerbert d'Aurillac, qui fut successivement archevêque de Reims et pape sous le nom de Sylvestre II, alla étudier dans les écoles arabes les sciences mathématiques, qu'il enseigna à la France. La poésie des troubadours, avec sa galanterie subtile, la scolastique

qui profita des travaux des Arabes sur Aristote, l'architecture gothique, enfin, dont les ornements capricieux ont conserve le nom darabesques, subirent certainement l'influence de la poésie, de la philosophie et de l'architecture arabes. Les premiers médecins de l'école de Montpellier avaient étudié aux écoles arabes d'Espagne. Les principales notions de physique et de chimie, au moyen

âge, furent dues à ce peuple. Enfin, il suffit de rappeler le papier-linge, les chiffres arabes, la boussole et la poudre à canon, pour indiquer tout ce que la France doit aux Arabes.

Jean Cocteau
Jean Cocteau

La poésie ressemble à la mort. Je connais son œil bleu. Il donne la nausée. Cette nausée d'architecte toujours taquinant le vide, voilà le propre du poète. Le poète est, comme nous, invisible aux vivants.

Suzanne Curchod
Suzanne Curchod

Fort recherchée pour son esprit et sa beauté, elle avait institué à Lausanne, que sa famille était venue habiter pour elle, une Académie des Eaux où la jeunesse des deux sexes se livrait à des exercices littéraires que ne distinguait pas toujours la simplicité. Sous les auspices de Thémire — c’est le nom qu’elle s’était donné, — les cimes alpestres qui couronnent le lac de

Genève et les riantes campagnes du pays de Vaud avaient vu renaître les fictions de l’ Astrée jadis enfantées dans la fièvre des grandes villes. Cette éducation à la fois simple et hardie, grave et aimable, fondée sur une large base d’études et ouverte à toutes les inspirations, même à celles de la fantaisie, avait été également celle de Germaine. Toute jeune, Germaine avait sa

place aux vendredis de sa mère, sur un petit tabouret de bois où il lui fallait se tenir droite sans défaillance; elle entendait discourir sur la vertu, les sciences, la philosophie, Marmontel, Morellet, D’Alembert, Grimm, Diderot, Naigeon, Thomas, Buffon, se prêtait aux questions qu’on prenait plaisir à lui adresser, — non sans chercher parfois à l’embarrasser, — et se faisait

rarement prendre en défaut. Mme Necker lui apprenait les langues, la laissait lire à son gré, la conduisait à la comédie. À onze ans elle composait des éloges, rédigeait des analyses, jugeait l’ Esprit des lois; l’abbé Raynal voulait lui faire écrire, pour son Histoire philosophique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, un morceau sur la révocation

de l’Édit de Nantes; elle adressait à son père, à l’occasion du Compte rendu de 1781, un mémoire où son style la trahissait. La poésie n’avait pas pour elle moins d’attraits. Envoyée à la campagne pour rétablir sa santé loin des livres et des entretiens, elle parcourait les bosquets avec son amie, Mlle Huber, vêtue en nymphe, déclamait des vers, composait des drames

champêtres et des élégies.