« Connaître » les constellations, les nommer comme dans les livres, projeter sur le ciel une carte scolaire du ciel, c'est brutaliser nos forces imaginaires, c'est nous enlever le bienfait de l'onirisme étoilé. Sans le poids de ces mots qui «s oulagent la mémoire », — la mémoire des mots, cette grande paresseuse qui refuse de rêver, — chaque nuit nouvelle serait pour nous une
rêverie nouvelle, une cosmogonie renouvelée. Le conscient mal fait, le conscient tout fait est aussi nocif pour l'âme rêvante que l'inconscient amorphe ou déformé. Le psychisme doit trouver l'équilibre entre l'imaginé et le connu. Cet équilibre ne se satisfait pas de vaines substitutions où, subitement, les forces imaginantes se voient associées à des schémas arbitraires.
L'imagination est une force première. Elle doit naître dans la solitude de l'être imaginant.
A l'immortel honneur du Judaïsme primitif et pur, qu'un abîme sépare du Judaïsme adultéré du Talmud, Moïse est presque le seul législateur de l'Antiquité qui ait énergiquement proscrit les trois souillures dont les Sociétés Secrètes des anciens Initiés salirent leurs Mystères : la magie, les vices contre nature et le sacrifice humain; – la magie, qui flétrit l'esprit; – la
sodomie, qui souille la chair; – le sacrifice humain, qui fait couler le sang, véhicule de la vie, le sang dont la Bible dit qu'il contient l'âme.
Les déceptions continuelles, dont on peut prévoir que la série sera longue (peut-être aussi longue que ma vie), le prix élevé que l'on doit inévitablement payer pour la plus petite joie savourée, tout cela doit ruiner la sérénité de toute âme entière. Seule une pensée rend une telle vie encore supportable : le sombre et incertain pressentiment que mon art sera peut-être puissamment
encouragé et porté en avant par quelque coup du destin, cet art qui ne peut pas atteindre le degré qui correspond aux plus hautes exigences sans influence directe ou indirecte.
Il est bon que nous ayons en nous un appareil régulateur, notre psychisme spinal, et notre psychisme sympathique, susceptibles, à l'occasion, d'élever des protestations […]. Lorsque je veux savoir si une vérité est bonne et salutaire, si c'est une vraie vérité, je me l'incorpore, je l'ingère, pour ainsi dire; si elle me convient, si elle collabore harmonieusement au sein de mon organisme
avec les autres éléments de mon psychisme, si je continue à bien fonctionner, à bien me porter et si rien en moi ne se révolte contre l'intruse, je me dis que c'est là une bonne vérité, qu'elle n'est pas vénéneuse, qu'elle ne me nuit pas.
Il ne s'agit pas d'un sentiment d'autocomplaisance, de suffisance, mais d'une connaissance de soi. Lorsqu'on a découvert et rendu consciente en soi la partie de sexe opposé dans sa propre âme, on tient mieux en main ses émotions, ses affects. Cela équivaut en premier lieu à une réelle indépendance, bien qu'en même temps à la solitude, cette solitude de l'homme libre intérieurement,
qu'aucune relation d'amour et d'amitié, qu'aucune association ne peut plus enchaîner, pour qui l'autre sexe n'a plus rien d'inquiétant ni de mystérieux, parce qu'il en a reconnu les traits essentiels dans les tréfonds de sa propre âme. Un tel individu ne pourra plus guère tomber amoureux; il ne peut plus être éperdu, se perdre en un autre; en revanche, il sera capable d'un « amour »
d'autant plus profond, dans le sens d'un don conscient au toi.