Il n'était plus jeune, tant s'en faut, et malgré une excellente santé, il ne réussissait plus à prendre au sérieux les projets à long terme qui lui venaient à l'esprit. Le temps commençait à lui être compté, la jeunesse de la femme le lui rappelait constamment […] Femme sans passé, elle avait un avenir auquel il n'aurait pas accès. Il se contentait d'elle au présent, puisqu'elle
ouvrait en lui les portes de la mémoire et, avec elles, celles d'une nostalgie de l'espoir qu'il ressentait lorsqu'il avait son âge.
J'ai entre les mains le mémoire d'un ex-ministre consulté sur les causes de cette révolution et en particulier sur les principaux conspirateurs qu'il devoit mieux connoître et sur le plan de la conspiration. Je l'ai vu prononcer qu'il seroit inutile de chercher, soit des hommes, soit une association d'hommes qui eussent médité la ruine de l'Autel et du Trône, ou formé aucun plan qu'on
puisse appeler conjuration. Infortuné monarque!
Cette apparition sur le devant de la scène de la « question coloniale » et de son inévitable corollaire, la question postcoloniale – via les débats liés à l’immigration ou concernant le pré carré africain” de la France -, n’est pas un accident, un hasard, mais bien le symptôme d’un retour du refoulé” : la longue occultation de ce pan de l’histoire nationale explique le
caractère désordonné et compulsif de son dévoilement, qui se déploie aujourd’hui dans la confrontation de mémoires concurrentes, chacune tentant d’imposer sa part de vérité.”
Le bouddhisme joue un rôle important dans le sentiment d'identité nationale. La revitalisation des pèlerinages au Tibet et dans les pays limitrophes est liée à ce sentiment. De nos jours partir en pèlerinage marque la condition de bouddhiste (nang pa, ceux qui sont à l'intérieur) et s'oppose à celle des non bouddhistes (phyi pa, ceux qui sont à l'extèrieur), essentiellemnt les Chinois.
Partir en pèlerinage, c'est aussi suivre des routes traditionnelles, chargées d'histoire et qui appartiennent à la mémoire collective.
Figures de proues, les souvenirs surgissaient sans cesse dans le liquide du quotidien. Mon passé ne cessait me tendre des miroirs, où se reflétaient paroles, odeurs, gestes. Oublier. Tout? Est-ce qu’on peut seulement? Et puis la mémoire serait peut-être la seule protestation contre la maladie mentale? Ne rien se rappeler, c’est entendre tinter derrière soi le grelot de la folie. Oui mon
passé est là, impérieux, pressant. Un énorme paquet encombrant. D’accord, d’accord, Lucille se mutilait parce qu’elle souffrait trop. Bien. Parce que la douleur physique en remplaçait une autre plus grande, encore. Bon. Et alors? Ce passé, quoi en faire aujourd’hui? Vieilles souffrances, plaies, quel sens leur donner?
Bientôt il ne me sera plus loisible de songer à Madame Mère, les travaux et les jours vont reprenant leurs droits, je m'y rengagerai par lassitude et la mémoire de la morte s'effacera dans un symbole. Madame Mère m'a sauvé des femmes et je l'en remercie, elle m'a libéré du poids de la fatalité, qui rend l'esprit esclave et consentant de l'être, c'est maintenant que je serai ce que, sous
elle, je ne pouvais devenir, et l'éternel enfant, que je parus tant qu'elle était en vie, achève de périr à ses côtés. Je pense que ce sont deux morts qu'on va brûler ensemble : ce que je fus pour elle, elle l'emporte et je lui sais gré de m'en affranchir.
Je veux aimer Madame Mère par estime et par reconnaissance, après l'avoir chérie par inclination, car autrement je resterais, au milieu des vivants, le fils inconsolable d'une morte. Je servirais mal sa mémoire en jouissant d'une amertume savamment renouvelée et je me trahirais moi-même en faisant de mon deuil une raison de vivre.
Il est bien triste que durant le cours de nos études, l’on nous accable de cent notions, que le plus imbécile attrape, la mémoire aidant, et qu’on ne nous enseigne pas l’art de parler ni l’art d’écrire ni principalement celui de raisonner. J’ai dans l’esprit que l’on ne tient pas à nous défricher et je professe qu’on a tort, nous n’aurons jamais trop de parties, jamais
trop de lumières et jamais trop d’audace, nous sommes des timides et des ignorants, des hallucinés et des possédés, des enfants et des femmes, des impuissants et des eunuques.