Frédéric Pagès
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■ Matzneff sur liste rose.
Antoine Gallimard est-il l'archevêque de l'édition française ? Il en a les manières, tout en onctuosité et affliction profonde. Dans une interview au 'Journal du Dimanche' (12/01), l'éditeur de Gabriel Matzneff bat sa coulpe :
« J'ai été très touché par la lecture du livre de Vanessa Springora ('Le Consentement'). Elle m'a fait prendre la

mesure des effets dévastateurs de la manipulation d'un adulte sur une toute jeune fille. »
Contrite, Son Eminence a donc décidé d'arrêter la vente du 'Journal' dans lequel Matzneff racontait ses exploits érotiques avec des mineurs. Quand la journaliste lui fait remarquer qu'il en a tout de même publié « neuf tomes depuis 1990 », Antoine Gallimard répond : « J'ai toujours été

gêné que le 'Journal' fasse état de faits réels concernant des personnes vivantes. » Pas au point de renvoyer le manuscrit à son auteur...
Le commerce étant ce qu'il est, une note interne des éditions Gallimard, datée du 8 janvier et adressée aux plus importantes librairies de l'Hexagone, fait savoir que « les livres de G. Matzneff, hors journaux, restent disponibles à la vente

».
La maison Gallimard survivra...

• article dans 'Le Canard enchaîné', 15/01/2020 + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          2024

Frédéric Pagès
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Si la philosophie est un mode de vie, être kantien consisterait à vivre comme Kant ou du moins à la kantienne. Il y aurait les kantiens purs et durs, les "amish" du kantisme, qui seraient habillés comme lui et mangeraient comme lui en plein XXe siècle. Et habiteraient tous à Königsberg ?

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"si tu ne connais pas ton chemin, ne demande pas à quelqu'un, car tu ne pourrais plus te perdre" Proverbe amerindien

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Sur le site d'OEnoanda, en Lycie, le mur d'une villa en ruine, celle d'un bourgeois du IIe siècle après Jésus Christ, porte encore gravées des sentences d'Epicure. Tous les passants en profitaient. On pouvait ainsi s'abriter à l'ombre d'Epicure ou pisser dessus, au choix. Imagine-t-on aujourd'hui une campagne d'affichage sur le thème : "L'existence précède l'essence" ?

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Les stoïciens pensaient que le temps est un cycle. Périodiquement, le monde meurt puis renaît. Chaque nouveau départ se fait après un grand nettoyage qu'ils appelaient la "Grande Année". Le monde prend feu puis tout repousse sur ses cendres. Ce n'est pas ainsi que Nietzsche conçoit l'éternel retour. Sa surprenante doctrine peut se résumer en un mot : "Chiche !" Sommes nous assez fort

pour accepter de revivre notre vie, avec ses deuils, ses chagrins, ses échecs, une fois, deux fois, des millions de fois s'il le faut ? Chiche !

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Pour les étudiants qui ne partageaient pas cette euphorie, ces jeunes gens étaient tout simplement arrogants. Mais l'arrogance est l'autre nom de la confiance en soi qui donne le culot d'aborder des œuvres difficiles et les livres épais.

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Quelle erreur conceptuelle ! Cette fille est sexy, je veux bien le croire mais sublime, non ! La contemplation d'une bombe sexuelle ne peut pas ouvrir sur l'Infini, mais seulement sur la fornication. Or le sublime est contradictoire avec toute idée de consommation. (p.168)

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Il y a aussi les "stylites" (du grec stylos, colonne). Ces ermites d'altitude vivaient en effet en haut de colonnes pour mieux s'isoler de la foule. Or, en grimpant si haut sur ces ruines, ils s'exposaient encore plus aux regards. Plus ils se détachaient des mortels et plus ils se transformaient eux-mêmes en attractions. Ce côté chic et ostentatoire... Imagine-ton aujourd'hui un Bernard-Henri

Lévy faisant retraite au sommet de la colonne Vendôme ? Pour les ermites, la colonne est un piège ou une ruse... Elle incarne la contradiction de certaines solitudes extrêmes : elles ont besoin des autres pour exister.

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Kant est le dernier philosophe à porter l'épée. Un jour qu'il exprimait son soutien à la révolution américaine, un citoyen britannique de passage à Königsberg, outré, le provoqua en duel. Mais Kant ne dégaine pas son arme. Il ne savait pas s'en servir. Ces deux honnêtes hommes s'en tirèrent par une bonne et franche discussion.
Aujourd'hui nos académiciens français ont gardé le

bicorne et l'épée. On ne sait trop contre quel ennemi ni pour quels combats. Mais c'est un vestige émouvant du temps où les lettrés étaient d'humeur martiale.

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Qu'il est beau de voir des humains partager dans l'harmonie ces moments où fusionnent les coeurs, les styles et les musiques, où toutes les mains, quelles que soient leurs origines et leur propreté, se rejoignent pour piocher dans le même pot de cacahuètes.e

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Max regarde les machines, toutes de marque allemande. "C'est comme la philosophie. Quand c'est allemand, c'est du costaud", constate-t-il

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Je comprends son départ, son bras d'honneur à la France, son adieu à cette mondanité parisienne qui happe l'intellectuel et le transforme en saltimbanque. La liberté de penser n'est pas seulement celle que vous octroie l'Etat, mais celle que vous prenez vous-même par rapport à vous-même, à vos maîtres et à vos maîtres et à vos semblables.
A partir d'un certain niveau de

notoriété, on ne pense plus. Le succès fait du bien à l'ego mais du tort au cerveau. On fait du service après-vente. La pensée qui a besoin de mûrissement et de solitude est impossible dans votre cohue distinguée. Les intellectuels qui se laissent fasciner par Paris doivent laisser toute espérance.

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Les philosophes modernes devraient louer plus souvent un salle et des chaises. Ils écriraient plus vrai si leurs mots affrontaient un vrai public.

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Autre lieu philosophique : le cabinet. Ce mot désigne à l'origine une pièce isolée, où l'on se réunit en petit comité pour toutes sortes de choses : gouverner, déféquer, méditer. La psychanalyse nous dira peut-être quel rapport l'exercice du pouvoir entretient avec la défécation : on ne résout pas un problème, on s'en décharge...

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Selon les cyniques, qui s'y connaissaient, le refus de la sécurité et de l'enracinement dans un lieu, la mobilité forcée sont un excellent exercice se sagesse.

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Avant Kant, les philosophes sont des voyageurs. Ce sont des gens de grande route, pas de «routine», ce mot qui signifie littéralement «petite route». Theôrein en grec veut dire non seulement «contempler» «méditer», (dont on a fait «théorie») mais aussi «voyager».

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Les femmes, bien plus que les hommes, ont eu cette pudeur. Quelle drôle d’idée en effet ! Écrire, passe encore mais publier ! Longtemps la littérature féminine s’est cantonnée à la correspondance et aux journaux intimes, c’est-à-dire à de l’écrit personnalisé à court terme, adressé à quelqu’un qu’on connaît, à un cercle de proches, ici et maintenant, sans souci de la

postérité.

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Parler en public, c’est se déshabiller. L’homme n’y voit pas forcément d’inconvénient : l’art oratoire est pour lui une façon de rivaliser de virilité.

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Le voici face au linge qui tourne. " Comme ces vêtements, je dois me laisser aller, sans chercher à rien maîtriser, épousant le mouvement circulaire de ma vie."