Alison Lurie
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Il y avait toujours un conflit d'intérêts potentiel dans les oeuvres de bienfaisance, puisque leurs directeurs et employés dépendaient d'un approvisionnement continu en individus malheureux qu'ils étaient censés aider. Les organismes sociaux avaient besoin de clients ; les dealers avaient besoin de drogués, et il en allait de même avec les entreprises spécialisées dans le sauvetage des

animaux.

Alison Lurie
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♫ Si un homme qui pleure pour des navets
Ne pleure pas à la mort de son père ♪
N'est-ce pas la preuve qu'il préfère ♫
♪ Avoir un navet que son père ?

Alison Lurie
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Elle a déjà remarqué que les Britanniques, qui, contrairement aux Américains, font la queue si poliment en toutes les autres circonstances, deviennent égoïstes et n'hésitent pas à se bousculer en présence de boissons alcoolisées, qu'elles soient dispensées dans un cadre public ou privé. Il s'agit à son avis d'une sorte d'hystérie nationale, sans douté liée au système de licence

qui régit le commerce de l'alcool.

Alison Lurie
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[...] ... Dans "The Story of The Amulet", les enfants, sans trop réfléchir, font un voeu et la reine de Babylone (...) se retrouve ainsi à Londres. Elle est fascinée par la Tour et la Tamise mais atterrée par les conditions de vie des habitants :

- "Mais comme vous traitez mal vos esclaves ! Quels pauvres diables, misérables et délaissés !" dit-elle tandis que le fiacre

brinquebalait le long de Mile End Road.

- "Ce ne sont pas des esclaves, mais des travailleurs," dit Jane.

- "Bien entendu ! Les esclaves doivent être travailleurs, cela va de soi. Ce n'est pas à moi qu'il faut le dire. Vous croyez que je ne sais pas ce que c'est qu'un esclave ? Pourquoi leurs maîtres ne veillent-ils pas à ce qu'ils soient mieux nourris, mieux vêtus ?

Attendez-vous à une révolte si vous continuez comme cela," reprit la reine.

- "Oh ! non," dit Cyril, "ils ont le droit de vote, vous comprenez, ça les empêche de se révolter. Ca fait toute la différence. C'est Papa qui me l'a dit.

- Le droit de vote ?" demanda la reine. "C'est quoi ? Un talisman ? Un objet magique ? Qu'est-ce qu'ils en font ?

- Je ne sais

pas," répondit Cyril, harcelé par toutes ces questions. "C'est juste le droit de vote. Ils n'en font rien de spécial.

- Je vois", dit la reine. "C'est une sorte de jouet." ... [...] + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          80

Alison Lurie
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Personne ne m’avait jamais parlé du risque du métier le plus grave en littérature — ce gaz toxique de la renommée qui se répand autour de tout écrivain. proportionnellement à son succès.

(Rivages poche, p. 57)

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De plus, à l'heure actuelle, presque tous les romans longs sont mauvais. Ce n'était pas vrai il y a un ou deux siècles. Aujourd'hui, la vie va plus vite, elle a moins d'unité ; on admet que les évènements et les rapports les plus intéressants (quelle que soit leur intensité) ne soient pas d'une longueur ou d'une complication telles qu'il ne suffise de vingt ou trente pages pour les

décrire. Nous choisirions donc la forme littéraire adaptée à notre vie. Ou bien est-ce l'inverse ?

Alison Lurie
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Dans la maison d'Hibiscus Street, le jour suivant, Wilkie Walker tuait le temps en attendant de se tuer lui-même.

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Des palmiers géants déployaient leurs écailles comme des alligators végétaux.

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Toute folie n'est finalement que l'exagération de la norme.

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Apparemment, si les gens aiment bien qu'on leur dise que le monde est bon et s'améliore sans cesse, ils aiment encore mieux apprendre qu'ils ne sont que de méchants pécheurs au fond d'un trou noir, et que seuls pourront les sauver un grand effort, la répétition de formules magiques et le secours d'êtres invisibles.

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Une fois qu'on vous a donné à manger ou à boire, vous avez un pied dans la maison, fait bien connu des chiens et des chats égarés.

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La relation universitaire entre protecteur et protégé est un circuit électrique fermé qui n'est pas soumis à la loi de l'entropie ; souvent, il émet des étincelles jusqu'à la mort.

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Tu sais, y avait deux genres de gamines dans mon école : les petites filles modèles qui aimaient les jolies robes, faire des petits gâteaux et jouer à la poupée ; et mes amies et moi qui voulions courir dehors en vieux jeans et en baskets et se salir, et qui adorions les chevaux. A mon avis, c'était une façon de s'identifier à l'énergie, à la force, à la liberté. Une autre façon

d'être femme que celle que tout le monde voulait nous imposer.
p.69

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"Tu sais quoi ? Tu m'utilises pour dire des choses que ta politesse t'empêche de dire toi-même. Ça me rappelle le ventriloque que je regardais à la télé quand j'étais toute gamine. Il tenait une grosse marionnette bizarre, une espèce d'ours jaune touffu avec des yeux ronds et une grande bouche fendue qui n'arrêtait pas de lancer des vannes et d'insulter tous les participants à

l'émission. Et le type faisait toujours semblant d'être surpris, comme s'il n'avait rien eu avoir la-dedans : "Oh, c'est horrible ! Je ne peux pas le faire tenir tranquille, il est trop vilain !"...mais non, je ne suis pas fâchée. C'est un bon numéro.

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[...] ... Après le travail, je suis allée là-bas. Je devinai à quel point Greg était encore furieux à la manière dont il avait jeté mes affaires par la porte de la cuisine. Ma chemise de nuit couleur lavande semblait avoir été étranglée, et il y avait des miettes de toasts aux raisins partout ; un flacon d'après-shampoing qu'il n'avait même pas pris la peine de reboucher avait tout

inondé. Un vrai gâchis. Pendant tout le temps où je nettoyai ce chantier, je n'ai cessé de pleurer, car je pensais encore être amoureuse de Greg, et je me disais que tout était ma faute. Ensuite, je n'ai pas pu m'empêcher de regarder une dernière fois à travers la vitre de la cuisine pour voir si Ilse se trouvait à l'intérieur. Peut-être qu'elle sourirait maintenant, ou même qu'elle

rirait. La porte du placard bâillait, mais il était vide.

J'ai entassé toutes mes affaires dans ma voiture, puis je suis rentrée chez moi ; heureusement, le bail ne se terminait pas avant un an mais mon appartement se trouvait dans un état lamentable. Je n'y vivais presque plus depuis des semaines. Il y avait de la poussière partout, et de la suie noircissait les fenêtres. Je

suis parvenue à décharger la voiture et à tout monter, puis j'ai balancé mon tas de vêtements poisseux d'après-shampoing et parsemé de miettes dans la baignoire, près de laquelle je me suis agenouillée pour mettre l'eau à couler.

Ensuite, je me suis vraiment effondrée. Je me sentais tellement vaincue, folle, malheureuse, que je me suis laissée glisser sur le lino jaune sale

pour me blottir entre la baignoire et les toilettes. J'avais envie de me suicider, mais pas la force de bouger. Je me disais que dans un petit moment, j'allais peut-être ramper jusqu'au four et me mettre la tête dedans.

Et puis tout d'un coup, j'ai pris conscience d'être assise par terre, dans un endroit exigu, exactement comme Ilse. Elle avait fini par me réduire à une condition

aussi pitoyable que la sienne.

Mais peut-être n'était-elle pas la seule en cause. Et pour la première fois, je me suis demandé si Greg lui avait déjà dit le même genre de choses qu'à moi durant ce week-end, jusqu'à ce qu'elle s'accuse de tous les torts et se sente vidée, battue à plates coutures. Je me suis souvenue de la façon dont [le visage de Greg] s'était transformé

en image de film d'horreur, et soudain, je me suis dit que j'avais de la chance d'avoir quitté sa maison. Même s'il changeait d'avis et me demandait de retourner vivre avec lui, même s'il se montrait aussi charmant et affectueux qu'avant, je ne pourrais jamais oublier ce week-end ni cesser de me demander si un tel incident risquait de se reproduire, et je me sentirais obligée de marcher sur la

pointe des pieds toute ma vie. ... [...] + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          50

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Sous les yeux d'un Alan incapable de l'arrêter, elle tira sa valise à roulettes sur le parquet, de la cuisine au couloir. Bientôt, il entendit la valise retomber lourdement sur chaque marche de l'escalier, et dans chaque rebond résonnaient l'ennui, le devoir et la morosité à venir.

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[...] ... Selon Richard Abanes, l'auteur de Harry Potter & the Bible, "la série d'Harry Potter est incompatible avec le christianisme." Les livres sont "remplis de messages potentiellement dangereux exaltant l'occultisme et le relativisme moral." Richard Abanes est consterné par les nombreux parallèles entre les auteurs des livres de magie étudiés par Harry Potter et les noms d'occultistes

historiques, et insinue que J. K. Rowling est peut-être bien plus impliquée dans la sorcellerie contemporaine qu'elle ne l'admet. Il parle de "la très réelle possibilité que de nombreux enfants soient si captivés par la magie et la sorcellerie qu'ils rechercheront le paganisme ou la sorcellerie disponibles dans le monde réel."

Richard Abanes se plaint aussi du fait que Harry

Potter et ses amis ne sont pas des enfants modèles. Ils enfreignent les règles, désobéissent aux ordres et cachent parfois leur attitude rebelle par des mensonges. De plus, "ils sont plutôt fiers d'eux-mêmes et de leurs méfaits." Le livre contient ce qu'il appelle "d'innombrables exemples d'attitudes que des parents chrétiens ne considéreraient pas du tout comme admirables, sans parler de

leur non-conformité avec la Bible." C'est assez vrai et c'est probablement l'une des raisons qui rendent Harry Potter si populaire auprès des enfants. Cette attitude s'inscrit aussi dans la grande tradition de la littérature pour la jeunesse. Tom Sawyer et ses amis boivent, fument, jurent et font l'école buissionnière. Dans Le Magicien d'Oz, Dorothée refuse d'accomplir des tâches

ménagères pour la méchante sorcière de l'Ouest, et Mary Lennos dans Le Jardin Secret [roman de Frances Hodgson Bennett] désobéit aux adultes et les dupe, trouvant non seulement le chemin de la forêt défendue mais aussi celui de la chambre de Colin, son cousin invalide, dont on lui a caché l'existence. Dans ce genre de livres, les personnages d'enfants ne sont pas parfaits et obéissants,

mais curieux, indépendants et pleins d'initiative. ... [...] + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          50

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Par un après-midi nuageux, encrassé de neige, une semaine avant Thanksgiving, Polly Alter entra dans son salon, les pieds mouillés, les cheveux humides, emmêlés par le vent, portant un lourd paquet plat enveloppé de papier kraft qu'elle posa délicatement sur le divan. Elle se débarrassa de ses bottes et de son manteau trempé, qu'elle jeta dans le placard de l'entrée. Puis elle déballa

le paquet, d'où elle tira la gouache de Lorin Jones, l'étang de Truro, maintenant marouflée et encadrée par un professionnel. Elle dégagea le dessus de la cheminée, d'où elle e,leva quelques bougeoirs de cuivre cabossés et les bégonias rampants de Jeanne pour y poser la peinture. Elle recula et se plaça en plein devant, espérant une sorte de miracle.

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[...] ... Et qu'en est-il de la boîte à délices sur laquelle le vieux magicien [de "The Box Of Delights"] ne peut plus veiller et qu'il doit confier à un enfant ? A première vue, ce n'est qu'un petit rectangle plat, pas grand chose, en fait. Mais quand elle est ouverte, Kay [le héros] voit dedans "ce qu'il prit pour un livre, dont les pages étaient toutes ciselées et ornées de nombreux

personnages, et cela lui fit le même effet que de regarder fixement dans une forêt." La boîte, qui révèle les unes après les autres des scènes merveilleuses et parfois effrayantes, est en fait un livre, ou plutôt l'ensemble de tous les livres. Et la personne qui possède cette boîte a le pouvoir de donner vie au monde grâce à son imagination. Autrement dit, cette personne est un

écrivain ou un enfant. ... [...]

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La douleur dans les romans du dix-neuvième siècle (...) pouvait vous grandir et vous stimuler. (...)
Ces livres ne racontent pas la vérité, pensa Jane. La douleur est nocive pour le caractère, comme tous les autres malheurs: la pauvreté, le chômage et la perte de vos proches. Ils vous fatiguent et vous affaiblissent; ils vous rendent dépressifs, anxieux et craintifs. Personne ne le

dit, personne n'est censé le dire, mais c'est la vérité.