Titus Burckhardt
Titus Burckhardt

L’homme sait aujourd’hui que la terre n’est qu’une boule animée d’un mouvement multiforme et vertigineux qui court sur un abîme insondable, attirée et dominée par les forces qu’exercent sur elle d’autres corps célestes, incomparablement plus grands et situés à des distances inimaginables; il sait que la terre où il vit n’est qu’un grain de poussière par rapport au

soleil, et que le soleil lui-même n’est qu’un grain au milieu de myriades d’autres astres incandescents; il sait aussi que tout cela bouge. Une simple irrégularité dans cet enchaînement de mouvements sidéraux, l’interférence d’un astre étranger dans le système planétaire, une déviation de la trajectoire normale du soleil, ou tout autre incident cosmique, suffirait pour faire

vaciller la terre au cours de sa révolution, pour troubler la succession des saisons, modifier l’atmosphère et détruire l’humanité. L’homme aujourd’hui sait par ailleurs que le moindre atome renferme des forces qui, si elles étaient déchaînées, pourraient provoquer sur terre une conflagration planétaire presque instantanée. Tout cela, l’infiniment petit” et l’infiniment

grand”, apparaît, du point de vue de la science moderne, comme un mécanisme d’une complexité inimaginable, dont le fonctionnement est dû à des forces aveugles.

Et pourtant, l’homme d’aujourd’hui vit et agit comme si le déroulement normal et habituel des rythmes de la nature lui était garanti. Il ne pense, en effet, ni aux abîmes du monde intersidéral, ni aux forces

terribles que renferme chaque corpuscule de matière. Avec des yeux d’enfant, il regarde au-dessus de lui la voûte céleste avec le soleil et les étoiles, mais le souvenir des théories astronomiques l’empêche d’y voir des signes de Dieu. Le ciel a cessé de représenter pour lui la manifestation naturelle de l’esprit qui englobe le monde et l’éclaire. Le savoir universitaire s’est

substitué en lui à cette vision naïve” et profonde des choses. Non qu’il ait maintenant conscience d’un ordre cosmique supérieur, dont l’homme serait aussi partie intégrante. Non. Il se sent comme abandonné, privé d’appui solide face à ces abîmes qui n’ont plus aucune commune mesure avec lui-même. Car rien ne lui rappelle plus désormais que tout l’univers, en définitive,

est contenu en lui-même, non pas dans son être individuel, certes, mais dans l’esprit qui est en lui et qui, en même temps, le dépasse, lui et tout l’univers visible.

Chrystine Brouillet
Chrystine Brouillet

Maud Graham détestait le campus de l'Université Laval. Sa vastitude, ses nombreux bosquets, ses lieux déserts. Autant de pièges pour les femmes qui fréquentaient l'endroit. La détective n'y avait jamais étudié ; peut-être était-ce le regret de ne pas avoir connu la vie universitaire qui la poussait à haïr le campus ? Non. Elle aimait enquêter et n'avait aucun goût pour les longs

séjours en bibliothèque, les travaux minutieux où il fallait imaginer ce qu'un auteur avait voulu dire dans un roman. Ou ce qu'un professeur attendait d'une thèse pour la noter favorablement (...).

Isabelle Alonso
Isabelle Alonso

Dans la vraie vie, rien ne répond aux codes de la littérature et du cinéma, les seuls dont on dispose.

Nous voilà déconnectés de ce que nous avons toujours été. Un nouvel exil, loin de la mère partie.

Ce compte à rebours-là ne place le départ sur aucun curseur : on sait où on va, mais on ignore où on en est. […], si on en a pour trois semaines ou trois

jours.

Ce dont maman a mis un soin rigoureux à nous protéger comme elle-même n'avait pas pu l'être est arrivé. Je ne concevais ce moment que comme une plongée dans une épouvante sans fond. Il faudrait toujours affronter ce dont on a le plus peur. C'est alors qu'on s'aperçoit qu'il n'y avait pas de quoi ressentir une telle terreur.

Ne plus voir quelqu'un, perdre son

regard, c'est ça la mort.

Que dire lorsque disparaît quelqu'un qui nous a connus toute notre vie ? Qu'elle emporte avec elle un petit peu de chacun d'entre nous.

J'enfermerais sans ménagement, à l'intérieur de moi, ma double hurlante, bouclée, prisonnière et me ravageant les entrailles comme le renardeau que le jeune Spartiate cacha sous sa toge.

Cette

horripilante habitude peut être constatée par quiconque se déplace en compagnie d'une vieille personne. Il me parle, je me tourne vers elle et j'attends qu'elle réponde. Mais elle, humiliée, me fait signe de parler à sa place.

Le plaisir se partage, la douleur s'additionne.

L'impuissance pousse à prendre des décisions totalement irréalistes.

Ce qui

change quand on est vieux, c'est que si un matin on a mal quelque part, on sait que c'est pour toujours, que cette douleur-là ne partira plus jamais.
La vieillesse se paye cash, au quotidien.

C'est bête, hein, l'émotion, ça vient vous cueillir au moment inattendu, quand l'esprit est ailleurs, dans les dates, les plannings et tout ça…

Au nom de quoi ai-je

refusé ? Elle, elle m'a donné sans compter quand j'avais besoin. Parce qu'elle est ma mère. Moi pas. Parce que je suis la fille. Et que la vie est comme ça; Ley de vida. Un brin dégueulasse, et je n'ai pas le beau rôle.

La petite étincelle que nous tentons de préserver comme si elle pouvait durer n'est plus que le pâle reflet du feu d'artifice qu'elle a été pour nous.

Ces jours-là, on ne peut que penser à sa disparition. En retrouvant l'extérieur, la circulation, les boutiques, les gens, on se demande comment il possible que la vie normale continue pour les autres gens. Que nous soyons les seuls à ressentir cet écroulement permanent.

Les thérapeutes pleines de bonne volonté, qui commencent par lui poser des questions anodines, ont-elles

conscience une seule seconde que les interrogatoires de police ne commencent pas différemment ?
Quand on doit réaffirmer les principes évidents par voie d'affichage, c'est justement qu'ils n'ont rien d'évident.

Comment être sûrs que nous faisons le mieux pour elle ? Il n'y a pas de bonne solution. Seulement le choix entre deux cauchemars.

Mais comment ils t'ont

attifée, maman, heureusement que la vraie toi n'est plus là tout le temps, on n'aurait pas fini de t'entendre râler, toi qui aimais tant être impeccable.

Un si petit rêve, si absolument hors d'atteinte.

(Dans les hôpitaux) Quand on pose des questions, les uns ne savent pas, les autres ne sont pas disponibles. Le jour où le cursus universitaire de la gent médicale

sera doté d'une formation à l'échange entre humains appelé parole, la vie des hôpitaux se couvrira de pétales roses.

Article I : "Toute personne âgée dépendante garde la liberté de choisir son mode de vie". Son mode de vie, oui, mais dans des limites décentes. Pas ses horaires de repas, ni l'endroit où elle les prend. En volapük, ça s'appelle de la socialisation. En

français, du cynisme.

Tout est en train de changer. L'enfance meurt avec ceux qui en furent les témoins.

Nous avons tendance à voir nos parents plus solides qu'ils ne le sont. Ils gardent à nos yeux la figure de géants qu'ils eurent autrefois quand on leur arrivait aux genoux.

Comment ai-je pu être aussi optimiste ? Aussi aveugle, encore une fois dans le

déni, pour voir non pas la réalité, mais seulement mon désir à moi.
Une fois encore les aiguilles, les hématomes, les pilules, les moniteurs, l'angoisse, la solitude. Une fois encore brinquebalée, analysée, bombardée sans aucune certitude quant au résultat, juste l'acharnement qu'aujourd'hui on considère comme la seule réponse à l'angoisse ultime. Que convient-il de faire ? Se

donner bonne conscience en essayant tout jusqu'à ce qu'elle implose de souffrance ? La garder respirante et amoindrie pour le seul soulagement de pouvoir dire : oui, j'ai encore ma mère ? Grignoter quoi ? Quel répit ? Pour qui ? Dans quelles conditions ? Assumer que quoi que nous fassions, nous allons la perdre et qu'au point où nous en sommes, tout sursis implique plus de douleur que de

bonheur ?

Devons-nous la forcer à vivre ou l'aider à mourir ? L'amour véritable ne consiste-t-il pas à faire passer les besoins de l'autre avant les siens propres ? La situation implique beaucoup plus de questions que de réponses. Des réponses, il n'y en a pas.

Maman, je pense à toi et ça me fait souffrir. Je ne pense pas à toi et j'ai l'impression de te trahir.


Tu as fini par nous quitter. Et je m'en veux d'avoir pu parfois penser, même si c'était vrai, que le plus tôt serait le mieux. Epuisée, impuissante, à bout de force de te voir ainsi tirer sur la corde.

On devient adulte, paraît-il, quand on comprend que ses parents ne sont ni des héros, ni des géants, mais des humains émouvants par leur banalité même.
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Louis Althusser
Louis Althusser

Or, la philosophie universitaire française ne s'est nullement trompée dans son refus radical de rien apprendre des politiques et de la politique, donc aussi de Lénine. Tout ce qui touche à la politique peut être mortel à la philosophie, car elle en vit.

Harry Martinson
Harry Martinson

Loin des ports, loin des terres
seul dans l'océan
tu m'as invité à m'aventurer sur ta vague -
à demeurer en mer pour l'éternité.

J'ignore encore
ce qui m'empêcha alors
de plonger vers toi dans les profondeurs
Ecoute à présent le cri de mon coeur:

jamais je n'ai rien vu de plus ravissant
que ton corps marin délicieux et

frémissant.
Jamais je n'ai entendu d'accords plus troublants
que ta voix qui résonne dans la tempête.
Voici la seule raison: la mort nous a toujours séparés.
Tu étais déesse, et moi
né au pays des mortels.


[Cote: H.Martinson 90]

POEMES INEDITS

(Conservés à la bibliothèque universitaire d'Uppsala, département des manuscrits, fonds Martinson)

Camilla Grebe
Camilla Grebe

Sans oublier qu'elle est belle, c'est une réalité que nul ne peut ignorer. Car, même si elle n'y pense pas elle-même, cela influence tout son entourage. Ce n'est pas nécessairement un avantage, elle ne peut par exemple jamais traverser discrètement une pièce ou assister à un évènement sans laisser une impression durable chez tous les participants . Par ailleurs, elle suscite

inévitablement la jalousie. Plusieurs de ses collègues estiment que son succès universitaire est dû, du moins en partie, à sa jeunesse et à sa beauté .

Philippe Delorme
Philippe Delorme

Il paraît démontré que Blanche naquit à Palencia,dans les premiers mois de l'année 1188, avant le 4 mars. Élie Berger, auquel on doit, à la fin du XIXe siècle, la première thèse universitaire consacrée à la mère de Saint Louis, procède ici avec prudence.

Christopher Isherwood
Christopher Isherwood

Pour Dreyer, George restera toujours un universitaire amateur ; ses diplômes, sa formation sont britanniques, et par conséquent suspects.

Belur Krishnamacharya Sundararaja Iyengar
Belur Krishnamacharya Sundararaja Iyengar

« L’étude du yoga ne ressemble pas à la préparation d’un diplôme ou d’un grade universitaire que l’on désire obtenir dans un temps déterminé. » (p. 32)

Nassim Nicholas Taleb
Nassim Nicholas Taleb

Dans le monde universitaire, il n'existe pas de différence entre le monde universitaire et le monde réel ; dans le monde réel, si.