Il ne suffit pas d'être né, il faut encore être « créé ». La création est postérieure à la naissance, on ne peut être « créé » que par soi. C'est ainsi que l'on se donne une âme. Maître Eckhart parle d'« autocréation » (Selbstschöpfung) : « Je fus la cause de moi-même, là où je me voulus moi-même et je ne fus rien d'autre. Je fus ce que je voulus, et ce que je voulus, ce
fut moi ». Dans l'Edda (Hávamál, v), image d'Odhinn : lui-même à lui-même sacrifié. Un peuple fonde une culture quand il devient cause de lui-même – qu'il trouve en lui-même seulement (dans sa tradition) la source d'une perpétuelle nouveauté. De même l'homme : trouver en soi-même les causes de soi et les moyens d'un dépassement de soi.
Quelles sont les raisons pour lesquelles on néglige si manifestement l’indépendance de notre État? Cela s’explique par le fait que le maintien de l’indépendance de notre pays est une contrainte pour ceux qui nous gouvernent. Conserver l’indépendance signifie être en mesure de résoudre soi-même les problèmes de son pays. Comme chacun le sait, cela est laborieux et peu commode et
surtout: on doit assumer soi-même la responsabilité. On est responsable vis-à-vis des citoyens! Notre gouvernement cherche soigneusement à éviter cela. On veut les fonctions et les honneurs, mais de préférence sans les contraintes qui les accompagnent.
L'avantage de faire l'éloge de soi-même personnellement c'est qu'on peut insister autant qu'on veut sur précisément les aspects qu'on veut.
Quel est le moyen de voir juste? de se compter pour rien d’abord et cela n’a jamais été facile. Un homme, qui joue un grand rôle, ne peut faire abstraction de soi-même : aussi les livres écrits par les politiques, les diplomates et les militaires emportent-ils un plaidoyer, quand ils sont malheureux et lorsqu’ils sont heureux, une manière de panégyrique. Le plus rare est qu’ils
reconnaissent leurs limites et qu’ils avouent, non sans humilité, leurs fautes, c’est trop leur demander que d’oublier un seul moment leur personnage. Un homme obscur, s’il est de plus un philosophe, est en possession de s’ignorer par esprit de méthode et d’être un contemplateur désintéressé, ce genre d’exercice est une forme d’ascétisme et par laquelle le ressentiment, que
l’on éprouve à raison de l’obscurité, se dissout bel et bien.
Je nomme sage qui discerne par avance en une motion l'entier déroulement de sommeil implicite et de puissance contenue. Que s'il prend femme et qu'il engendre des enfants, le sage se renonce de propos délibéré, vu qu'il résigne d'un tenant les privilèges les plus enviables, savoir : le droit de penser jusqu'au bout, de souffrir pour soi-même et de mourir quand il lui semble bon. […] Le
lot du sage est de se prémunir contre les multitudes serves du chaos et d'assumer le meilleur de l'espèce, et de la trahir quelquefois pour l'amour d'elle et de ses fins dernières.
Pour vivre de la vie de Dieu, il faudrait être soi-même Dieu, ce qu'est seul Jésus-Christ. Donc, "pour vous aimer comme vous m'aimez, écrit sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, il me faut emprunter votre propre amour", et c'est là "la petite voie" de cette grande sainte, l'abandon, la confiance en Dieu par Jésus-Christ : "comme une fleur, dit la sainte, je m'entrouvre au soleil". C'est pour
Thérèse la sainteté à la portée de tous : se donner à Dieu pour devenir l'espace capable de le recevoir.
Quelques secondes plus tard, son père entendit le bruit d'une porte qui se refermait, mais ce n'était pas un claquement de colère : c'était plutôt la séparation que l'on met volontairement, et sans heurt, entre soi-même et ceux que l'on ne parvient plus à comprendre.
Quelles sont ces activités et aptitudes nécessaires pour survivre et monter dans l’Appareil? Il faut savoir mentir astucieusement et efficacement. Pouvoir flairer ceux qui montent et ceux qui descendent, s’attacher aux premiers, s’éloigner des seconds. Flatter les supérieurs, se montrer, selon les cas, protecteur, dédaigneux ou méprisant envers les inférieurs. Bien choisir la clique
à laquelle on va s’agglomérer, y repérer exactement les forts et les faibles. Être prêt à en changer rapidement si le vent tourne, négocier son adhésion aux nouveaux puissants en trahissant, dénonçant, noircissant ses protecteurs et alliés d’hier. Former, quand les temps sont mûrs, sa propre sous-clique; avoir assez de conscience de soi pour pouvoir repérer chez ses propres
protégés les manœuvres qu’on pratique constamment soi-même au sein de sa sur-clique, pour les bloquer ou les écraser dans l’œuf.