Claude Bernard
Claude Bernard

Une main habile sans la tête qui la dirige est un instrument aveugle; la tête sans la main qui réalise reste impuissante.

Hector Berlioz
Hector Berlioz

Un peu plus tard, M. Masson, maître de chapelle de l’église Saint-Roch, me proposa d’écrire une messe solennelle qu’il ferait exécuter, disait-il, dans cette église, le jour des Saints Innocents, fête patronale des enfants de chœur. Nous devions avoir cent musiciens de choix à l’orchestre, un chœur plus nombreux encore ; on étudierait les parties de chant pendant un mois ; la

copie ne me coûterait rien, ce travail serait fait gratuitement et avec soin par les enfants de chœur de Saint-Roch, etc., etc. Je me mis donc plein d’ardeur à écrire cette messe, dont le style, avec sa coloration inégale et en quelque sorte accidentelle, ne fut qu’une imitation maladroite du style de Lesueur. Ainsi que la plupart des maîtres, celui-ci, dans l’examen qu’il fit de ma

partition, approuva surtout les passages où sa manière était le plus fidèlement reproduite. À peine terminé, je mis le manuscrit entre les mains de M. Masson, qui en confia la copie et l’étude à ses jeunes élèves. Il me jurait toujours ses grands dieux que l’exécution serait pompeuse et excellente. Il nous manquait seulement un habile chef d’orchestre, ni lui, ni moi n’ayant

l’habitude de diriger d’aussi grandes masses de voix et d’instruments. Valentino était alors à la tête de l’orchestre de l’Opéra, il aspirait à l’honneur d’avoir aussi sous ses ordres celui de la chapelle royale. Il n’aurait garde, sans doute, de ne rien refuser à mon maître qui était surintendant[6] de cette chapelle. En effet, une lettre de Lesueur que je lui portai le

décida, malgré sa défiance des moyens d’exécution dont je pourrais disposer, à me promettre son concours. Le jour de la répétition générale arriva, et nos grandes masses vocales et instrumentales réunies, il se trouva que nous avions pour tout bien vingt choristes, dont quinze ténors et cinq basses, douze enfants, neuf violons, un alto, un hautbois, un cor et un basson. On juge de mon

désespoir et de ma honte, en offrant à Valentino, à ce chef renommé d’un des premiers orchestres du monde, une telle phalange musicale !... «Soyez tranquille, disait toujours maître Masson, il ne manquera personne demain à l’exécution. Répétons ! répétons ! Valentino résigné, donne le signal, on commence ; mais après quelques instants, il faut s’arrêter à cause des

innombrables fautes de copie que chacun signale dans les parties. Ici on a oublié d’écrire les bémols et les dièses à la clef ; là il manque dix pauses ; plus loin on a omis trente mesures. C’est un gâchis à ne pas se reconnaître, je souffre tous les tourments de l’enfer ; et nous devons enfin renoncer absolument, pour cette fois, à mon rêve si longtemps caressé d’une

exécution à grand orchestre. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00

Alexis de Tocqueville
Alexis de Tocqueville

Les lois de la démocratie tendent, en général, au bien du plus grand monde, car elles émanent de la majorité de tous les citoyens, laquelle peut se tromper, mais ne saurait avoir un intérêt contraire à elle-même.
Celles de l'aristocratie tendent, au contraire, à monopoliser dans les mains du petit nombre la richesse et le pouvoir, parce que l'aristocratie forme toujours de sa

nature une minorité.
On peut donc dire, d'une manière générale, que l'objet de la démocratie, dans sa législation, est plus utile à l'humanité que l'objet de l'aristocratie dans la sienne.
Mais là finissent ses avantages.
L'aristocratie est infiniment plus habile dans la science du législateur que ne saurait l'être la démocratie.

(Livre 1 - Deuxième

partie - Chap. VI - Quels sont les avantages réels que la société américaine retire du gouvernement de la démocratie - p. 326)

Alexis de Tocqueville
Alexis de Tocqueville

La démocratie ne donne pas au peuple le gouvernement le plus habile, elle fait ce que le gouvernement le plus habile est souvent impuissant à créer ; elle répand dans le corps social une inquiète activité, une force surabondante, une énergie qui n'existent jamais sans elle, et qui, pour peu que les circonstances soient favorables, peuvent enfanter des merveilles. Là sont ses vrais

avantages.

Giorgio Vasari
Giorgio Vasari

BENEDETTO DA ROVEZZANO, SCULPTEUR.
Qu’elle doit être grande la douleur de ceux qui, après avoir enfanté des œuvres de génie , se trouvent tout à coup privés de la vue par l’âge , la maladie, ou quelque funeste accident! Ils espéraient jouir dans leur vieillesse du fruit de leurs travaux, ils espéraient voir les œuvres des autres artistes , ils espéraient connaître la

perfection à laquelle était parvenu cet art qu’ils avaient pratiqué ; mais, hélas ! ils ne peuvent alors apprécier ni les défauts ni les qualités de leurs rivaux. Lorsqu’ils entendent louer ceux qui leur ont succédé , leur chagrin devient encore plus vif, non par envie, mais parce qu’il leur est impossible de juger eux-mêmes si cette renommée est juste et méritée ; tel fut le

sort de Benedetto da Rovezzano , sculpteur florentin, dont nous écrivons la vie pour que le monde sache avec quel art cet homme habile et expérimenté attaqua le marbre et créa des choses merveilleuses.

Giorgio Vasari
Giorgio Vasari

Ces travaux avaient valu à Cimabue une grande fortune et une immense réputation. Il fut alors adjoint à Arnolfo Lapi, habile architecte, pour construire Santa-Maria-del-Fiore ; mais il mourut l’an 1300, à l’âge de soixante ans, après avoir en quelque sorte ressuscité la peinture. Il laissa plusieurs élèves, et entre autres Giotto, qui fut un peintre du plus haut mérite. Giotto

habita, dans la rue del Cocomero, la propre maison de son maître Cimabue, après la mort de celui-ci.

Cimabue fut inhumé dans l’église de Santa-Maria-del-Fiore. Nini composa en son honneur l’épitaphe

suivante :
Credidit ut Cimabos picturæ castra tenere,
Sic tenuit vivens, nunc tenet astra poli.

Erik Satie
Erik Satie

CE QUE JE SUIS

 ... La première fois que je me servis d'un phonoscope,
j'examinai un si bémol de moyenne grosseur. Je n'ai, je
vous assure, jamais vu chose plus répugnante. J'appelai
mon domestique pour le lui faire voir.
 Au phono-peseur un fa dièse ordinaire, très com-
mun, atteignit 93 kilogrammes. Il émanait d'un fort
gros

ténor dont je pris le poids.
 Connaissez-vous le nettoyage des sons ? C'est assez
sale. Le filage est plus propre ; savoir les classer est très
minutieux et demande une bonne vue. Ici nous sommes
dans la phonotechnique.
 Quant aux explosions sonores, souvent si désa-
gréables, le coton, fixé dans les oreilles, les atténue,
pour soi,

convenablement. Ici, nous sommes dans la
pyrophonie.
 Pour écrire mes « Pièces Froides », je me suis servi
d'un caléidophone-enregistreur. Cela prit sept minutes.
J'appelai mon domestique pour les lui faire entendre.
 Je crois pouvoir dire que la phonologie est supérieure
à la musique. C'est plus varié. Le rendement pécu-
niaire

est plus grand. Je lui dois ma fortune.
 En tout cas, au motodynamophone, un phonomé-
treur médiocrement exercé peut, facilement, noter plus
de sons que ne le fera le plus habile musicien, dans le
même temps, avec le même effort. C'est grâce à cela
que j'ai tant écrit.
 L'avenir est donc à la philophonie. + Lire la suiteCommenter

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Euripide
Euripide

AGAMEMNON
Tu es très habile de la langue ! La langue qui excite à la haine est funeste !

Premier épisode

Euripide
Euripide

MÉDÉE

Ah ! sur combien de points je suis en désaccord avec la plupart des mortels ! Pour moi, l’homme injuste, quand il est habile à parler, mérite le châtiment le plus sévère. Se flattant de cacher ses injustices sous le voile de l’éloquence, audacieusement il commet tous les crimes.

Michaïl Lermontov
Michaïl Lermontov

« Oui ! Et telle fut ma destinée, dès ma plus tendre enfance. Tout le monde lisait sur mon visage les signes des plus mauvais penchants ; ces signes n’existaient point, mais on les pressentait, et ils ne parurent jamais, j’étais modeste, on m’accusa d’astuce et je devins sournois. Je ressentais profondément le bien et le mal ; personne ne me prodiguait la moindre caresse ; tous

m’outrageaient ; je devins vindicatif. J’étais morose, les autres enfants étaient gais et babillards ; je me sentais au-dessus d’eux, on me mit plus bas, je devins envieux. J’étais disposé à aimer tout le monde ; personne ne me comprit ; j’appris la haine. Ma jeunesse flétrie s’écoula au milieu d’une lutte entre la société et moi. Craignant de voir tourner en ridicule mes

meilleurs sentiments, je les enfouis au fond de moi-même et ils s’évanouirent. J’aimais la vérité, on ne me crut pas : je me mis à mentir. Connaissant à fond le monde et le mobile de la société, je devins habile dans la science de la vie et je m’aperçus que d’autres, sans la moindre habileté, étaient heureux et recevaient des honneurs et des avantages que je briguais

infatigablement. Alors le désespoir naquit dans mon cœur, mais non pas ce désespoir que guérit la balle d’un pistolet ; non ! mais un désespoir froid et sans force, qui se cache sous un sourire aimable et bienveillant. Je devins un paralytique moral. Une moitié de mon âme languit, se dessécha, et mourut. Je la coupai et la rejetai. L’autre partie s’agita et se mit à vivre dans

chacune de ses parties, et personne ne remarqua cela, parce que personne ne savait l’absence de la moitié perdue. Mais vous venez de réveiller en moi son souvenir et je vous lirai son épitaphe. Au plus grand nombre, les épitaphes paraissent ridicules, mais à moi, non ; je pense toujours à celui qui repose sous elle. Du reste je ne vous prie point de partager mon opinion ; si ma sortie vous

paraît ridicule, riez-en ! Je vous préviens que cela ne m’affligera pas le moins du monde. » + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          120