Lorsqu'un homme rêve, ce n'est qu'un rêve ; que plusieurs hommes rêvent ensemble et c'est le début d'une réalité...
Quel est l'effet des meilleurs discours ? Ils bercent la souffrance humaine mais n'y remédient pas.
Lorsqu'un homme rêve, ce n'est qu'un rêve ; que plusieurs hommes rêvent ensemble et le début d'une réalité...
Plus jeunes, nous pensions la révolution à coups de bombes.
Dans cette clairière, on rêve de changer le monde à force de navets, de carottes, de rutabagas…
Pourtant… je suis persuadé que la révolution sociale, la vraie, n’a jamais été aussi proche qu’ici de sa réalisation.
- Il y a aussi eu des tentatives de ce côté : Wallroth, et d'autres... : tous ont conclu à son impraticabilité.
- Si nous devions nous contenter de ne suivre que des chemins praticables, la vie deviendrait terriblement monotone... Et puis... j'ai hâte de retrouver la cuisine du Montenvers : Messieurs, à nos paquetages !
Cette fin d'année, nous étions quatorze à partager la maison de terre battue, sans compter les camarades de passage. Une veuve fit venir ses meubles et quelques tableaux de maître : l'anarchie revendiquait le mieux-vivre, fût-il de style Henri II...
- Quelque chose ne va pas. Depuis quelques temps, tu ne sembles plus le même, Fortuné. Je te vois comme un fauve dans sa cage ; chaque jour un peu plus, tu parais te désintéresser de la colonie, de nous. Parfois, ton regard devient tellement dur qu'il me fait peur !
- Lorsque je me suis installé sur cette terre, des habitants se signaient à ma vue tant ma présence les épouvantait.
Tel le Diable, je personnifias ce que depuis la nuit des temps on craint, on refoule : l’anormalité, l'insoumission, le danger. Il fut un temps où les gouvernant envisagèrent très sérieusement d'exiler les anarchistes sur une île déserte de l'Océan indien, tant nous représentions une menace pour l'ordre établi. En ce moment-même, des ouvriers forment des grèves, versent leur sang au
nom de leur liberté. Et nous? Cette île déserte, c'est comme si nous étions de nous-mêmes venus y échouer.
- Nous, anarchistes, marcherons toujours en avant, jusqu'à ce que la révolution, but de nos efforts, fasse de notre société odieuse un monde libre !
Les jours succédaient aux jours avec la joie profonde de voir l’œuvre peu à peu prendre forme.
La vie était frustre et rude. L’argent surtout, nécessaire au pain, aux outils, au médecin, manquait…
Mais notre foi en la vérité des idées que nous entendions démontrer, la volonté de réussir qui nous unissait semblait à toute épreuve.
On retourna la terre, on
ratissa plus finement, on épierra, on nivela, on sema.
Le public s'imagine les champions comme des surhommes, auxquels tout est aisé... pourtant regardes-moi : je maigris de jour en jour, et mes jambes sont tellement meurtries que je peux à peine me lever... Nous avons vingt, vingt-cinq ans, et nous en paraissons le double tant nos membres sont usés par l'effort et noircis par les intempéries... Des enfants dans des corps de vieillards
Le vrai montagnard est un vagabond. Par vagabond, j'entends un homme qui aime à aller où jamais aucun homme ne s'est hasardé avant lui : qui met sa joie à s'agripper à des rochers n'ayant jamais senti le toucher des doigts humains, à tailler sa route dans des couloirs de glace dont les ombres farouches sont le refuge des nuages et des avalanches. Les dalles décharnées et nues, les ressauts
verticaux et précipiteux de l'arrête, la glace noire du couloir en surplomb sont le souffle même de la vue de son être. La voie la plus difficile conduisant au pic le plus difficile est celle que l'on devrait toujours tenter.