Il n’y a pas de pires aveugles que ceux qui ne veulent pas voir !
Une marée de superstition et de haine avaient balayé les terres au lendemain de l’avertissement du Cercle. La folie s’était emparée de la campagne, faisant de citoyens justes et respectables des justiciers paniqués chassant des démons imaginaires.
Les femmes criaient, les hommes hurlaient ; puis la cacophonie prit un sens et les sons se transformèrent en mots qui battirent le garçon comme des vagues. Des mots qui le maudissaient, le vouaient à la damnation, l’appelaient blasphémateur et sacrilège, indigne de vivre. Le vernis de civilisation craquait, révélant le visage abominable de la peur dans son flot primitif.
La peur engendrait le soupçon, qui se transformait vite en hystérie. Si un porte-bonheur suffisait à vous faire soupçonner d’allégeance au Chaos, combien de temps faudrait-il pour que le moindre acte, la moindre parole, le moindre geste soient interprétés comme des signes de trahison ?
L’équilibre était indispensable, car sans une force pour s’opposer à l’autre, le monde courait à la destruction.
Les flammes de haine ravageaient le continent, et l’incendie était hors de contrôle. Tant de haine et de soupçons, incandescents sous la surface paisible de chaque communauté, n’attendant qu’une étincelle pour éclater en un violent brasier… Des siècles passés sous le règne de l’Ordre auraient dû éradique une telle barbarie…
Le vortex. Soudain, Cyllan se souvint et avec les souvenirs vint un écoeurement qui lui retourna l'estomac et la fit vomir, avec une violence inutile, la tête appuyée contre le tronc indifférent. Elle se rappelait l'affrontement dans la cour , son évasion- elle avait frappé le Haut Initié d'un coup de pied dans le ventre, mordu l'homme qui la tenait-puis sa fuite précipitée quand,
prise au piège...
Il devait avoir perdu la raison ; Il le savait. Mais la chance était à tenter, c'était la seule qu'il aurait avant que la sentence soit appliquée et qu'il subisse la mort atroce promise. Plutôt le vortex.. En faisant jouer ses mains derrière son dos, il arriverait sans doute à les libérer : celui qui lui avait lié les bras n'avait pas fait le nœud correctement et celui-ci se
desserrait.
Les derniers retardataires entraient dans la Maison de Justice. Dans le chaos personne ne lui prêtait attention. Un nouvel effort... et sa main gauche fut libre. Les portes se fermaient, il ne lui restait que quelques instants...
Avec une rapidité et une agilité qui prirent ses geôliers par surprise, le garçon bondit vers les portes. Il entendit quelqu'un crier après
lui, une main s'abattit pour l'arrêter mais l'enfant esquiva et descendit les marches, trébuchant, tombant. Son élan l'emporta jusqu'en bas... et quand il se releva, le vortex était sur lui.
Les silhouettes des maisons, des bateaux, de la jetée se tordirent en un impossible chaos de couleurs et de hurlements. Le sol se désintégrait sous ses pas, les cieux s'écroulèrent pour
l’accueillir en crachant des langues d'obscurité étincelantes. Puis, avec un craquement assourdissant, le monde explosa en l'image d'une étoile à sept branches qui brûla son esprit, avant que ...
Rien. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         20
Le cri devint hurlement lorsque les chairs de la Matriarche brûlèrent jusqu’aux os. La jeune fille qu’avait été Ygorla hurlait de concert avec sa grand-tante agonisante, mais cette enfant se noyait dans la puissance et le triomphe ; un hurlement jubilatoire sortit de la bouche de la fille du démon lorsque celle qui, quatorze années durant, l’avait soignée se convulsa une dernière
fois de douleur et mourut.
Ygorla émit un bref rire bruyant que les falaises renvoyèrent au hasard. Elle se regarda, se balaya d’un geste désinvolte du bout des doigts, et se retrouva vêtue d’une longue robe argentée qui flottait autour d’elle comme un être symbiotique. Une fourrure noire l’emmitouflait, et sept gemmes aveuglantes semblant défier la lumière du jour entouraient son front comme une
constellation.
Elle attrapa la main de son père et fit face au vaisseau noir. Des ténèbres intenses obscurcirent un peu plus le pont et s’approchèrent d’eux jusqu’à combler le vide entre le quai et le navire silencieux. Sans hésiter, Ygorla posa le pied dessus et s’avança avec une grâce majestueuse. Les ombres s’agitèrent pour l’accueillir. Une main squelettique, à
laquelle s’accrochaient encore quelques tendons en décomposition, se tendit vers elle pour l’aider à grimper. Elle la dédaigna et posa le pied sur les planches noires, suivie de Narid-na-Gost. Lorsqu’elle parcourut des yeux son nouveau territoire, des bruits sinistres vinrent rompre le silence : le glissement léger des algues, le frottement et le cliquetis des os que son équipage causa
en s’inclinant bas devant elle pour lui rendre hommage. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         00
… et la jeune fille se souvint soudain de ses cours de catéchisme, d’une histoire datant d’avant le Grand Changement.
Ainsi fut-il décrété que ces trois-là, sur les épaules desquels reposerait finalement le destin du monde, se rencontreraient en un conclave solennel dans l’endroit qu’Aeoris de l’Ordre choisirait comme forteresse et refuge. Et c’est sur cette île que
nous appelons aujourd’hui, comme on le faisait à l’époque, l’Île Blanche, que le Haut Margrave, le Haut Initié et la Matriarche organiseront leur rencontre décisive avec les dieux eux-mêmes.
Avec une rapidité et une agilité qui prirent ses geôliers par surprise, le garçon bondit vers les portes. Il entendit quelqu'un crier après lui, une main s'abattit pour l'arrêter mais l'enfant esquiva et descendit les marches, trébuchant, tombant. Son élan l'emporta jusqu'en bas... et quand il se releva, le vortex était sur lui.
Les silhouettes des maisons, des bateaux, de la jetée
se tordirent en un impossible chaos de couleurs et de hurlements. Le sol se désintégrait sous ses pas, les cieux s'écroulèrent pour l’accueillir en crachant des langues d'obscurité étincelantes. Puis, avec un craquement assourdissant, le monde explosa en l'image d'une étoile à sept branches qui brûla son esprit, avant que ...
Rien
Cyllan couvrit son visage de ses mains
et éclata en sanglots alors que l'émotion la submergeait. Tarod enlaça ses épaules et la jeune femme se pressa contre sa poitrine, cachant son visage dans la crinière noire.
Il ne dit rien, se contentant de la serrer contre lui. Cyllan se laissa aller, infiniment soulagée de pouvoir pleurer sans crainte de se faire rabrouer . + Lire la suiteCommenter  J’apprécie  
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Lorsque le Chaos avait été menacé par l’une de ses propres créations, Aeoris avait saisi l’occasion pour influencer le Cercle par le biais de son faible et inexpérimenté Haut Initié, et pour poser les premières pierres d’une stratégie visant à faire pencher irrémédiablement la balance de l’Équilibre en sa faveur.
C’est une mauvaise habitude que, contrairement à ce que les mortels peuvent penser, nous autres du Chaos choisissons généralement d’adopter. Telle est notre nature, Haut Initié, comme tu le saurais si tu avais appris ton catéchisme un peu plus objectivement.
Pour des raisons qui lui appartenaient, Ailind, Seigneur de l’Ordre et frère d’Aeoris, tenait à garder secrète sa présence dans le monde des mortels. Et même s’il avait gagné l’amitié des Adeptes, il avait aussi veillé à ne pas exercer son influence – du moins pas publiquement.
Je ne prends certainement pas fait et cause pour le Chaos, et je n’aime pas plus cette situation que quiconque. Cependant, il semble évident qu’il n’y a rien à faire dans l’immédiat pour la faire évoluer. Il est clair que vous et le Seigneur Ailind êtes aussi puissants l’un que l’autre, ce qui ne devrait pas nous surprendre, vu qu’il s’agit sans doute de l’essence même de
l’Équilibre. Et, comme vous le disiez, vous avez au moins un objectif commun : détruire l’usurpatrice qui menace chacun d’entre nous. (