Julia Kristeva
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Un des résultats du féminisme, a été de rendre difficile, voire impossible la relation avec les hommes.

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Pour revenir à la singularité de l'expérience, qui ne peut atteindre, bien sûr, qu'un individu dans une famille, ce cas va être exceptionnel, il va se taire, il va apprendre la ruse, parce qu'il se sentira en exil en ce monde, ce sera un être métaphysique, un étranger. Après quoi, des étrangers singuliers se rencontrent, ont des choses à se raconter depuis leur propre singularité et

ils continuent à se parler sous la forme d'un mariage qui ne ressemble à aucun autre. (p.74)

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Peut-être pourrions-nous dire que, si la Renaissance a substitué au culte du Dieu médiéval celui de l'Homme avec une majuscule, notre époque amène une révolution non moins importante en effaçant tout culte, puisqu'elle remplace le dernier, celui de l'Homme, par un système accessible à l'analyse scientifique: le langage.(10)

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Je ne me perds jamais dans les rues de Paris, je m'y dilate, leur labyrinthe hors temps est l'organe par lequel je jouis de mon exil.
Page 65

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« Écrire sur la mélancolie n'aurait de sens, pour ceux que la mélancolie ravage, que si l'écrit venait de la mélancolie. J'essaie de vous parler d'un gouffre de tristesse, douleur incommunicable qui nous absorbe parfois, et souvent durablement, jusqu'à nous faire perdre le goût de toute parole, de tout acte, le goût même de la vie. Ce désespoir n'est pas un dégoût qui supposerait que

je sois capable de désir et de création, négatifs certes, mais existants. Dans la dépression, si mon existence est prête à basculer, son non-sens n'est pas tragique : il m'apparaît évident, éclatant et inéluctable.
(...)
La liste est infinie des malheurs qui nous accablent tous les jours... Tout ceci me donne brusquement une autre vie. Une vie invivable, chargée de peines

quotidiennes, de larmes avalées ou versées, de désespoir sans partage, parfois brûlant, parfois incolore et vide. Une existence dévitalisée, en somme, qui, quoique parfois exaltée par l'effort que je fais pour la continuer, est prête à basculer à chaque instant dans la mort. Mort vengeance ou mort délivrance, elle est désormais le seuil interne de mon accablement, le sens impossible de

cette vie dont le fardeau me paraît à chaque instant intenable, hormis les moments où je me mobilise pour faire face au désastre. Je vis une mort vivante, chair coupée, saignante, cadavérisée, rythme ralenti ou suspendu, temps effacé ou boursoufflé, résorbé dans la peine... Absente du sens des autres, étrangère, accidentelle au bonheur naïf, je tiens de ma déprime une lucidité

suprême, métaphysique. Aux frontières de la vie et de la mort, j'ai parfois le sentiment orgueilleux d'être le témoin du non-sens de l’Être, de révéler l'absurdité des liens et des êtres."

Julia KRISTEVA, Soleil Noir, incipit. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          142

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Les jouisseuses, les séductrices qui s'enivrent de la chair d'un abricot comme de l'arum du sexe d'un amant ou des seins parfumés au lilas d'une maîtresse, n'ont pourtant pas déserté l'ère atomique. S'il n'est pas seulement de sinistre mémoire, ce XXe siècle le doit sans doute aussi au plaisir et à l'impudeur de femmes libres, telle que Colette a sur les dire avec la grâce insolente de

l'insoumise qu'elle fut. La saveur des mots, rendue aux individus robotisés que nous sommes, est peut-être le plus beau cadeau qu'une écriture féminine puisse offrir à la langue maternelle.

Le Génie féminin
Introduction générale, p. 15

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Comme Émilie [du Châtelet] le confiait à Voltaire, il est primordial de se convaincre que le bonheur n'est pas impossible en cette vie. Comment ? Mais par l'amour, mon brave ! Ne me dites pas que vous ne le connaissez pas !
Page 222

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Ph.S: (...)- Donc, deux enfances très singulières. Nous avons donc ici présents, l'un à côté de l'autre, deux enfants résolument réfractaires et impénitents qui ont largué leurs papiers, leur pays, au fond. (p.41)

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Sa prise de contact avec les choses se faisait par tous les sens. Elle ne se contentait pas de les regarder, il fallait qu'elle les flairât, qu'elle les goûtât. Quand elle entrait dans un jardin inconnu, je lui disais : "Tu vas encore le manger !" et c'était extraordinaire de la voir se mettre à l'oeuvre. Elle y apportait de la hâte et de l'avidité. [...] Elle écartait les pétales des

fleurs, les scrutait, les flairait longuement, elle froissait les feuilles, les mâchait, léchait des baies vénéneuses, des champignons mortels, réfléchissant intensément sur ce qu'elle avait senti, goûté. [...] Enfin, elle quittait le jardin, récupérait écharpe, chapeau, souliers, bas, chienne et mari l'un après l'autre abandonnés. Le nez et le front tachés de pollen jaune, les

cheveux en désordre et piqués de brindilles, une bosse par-ci, une écorchure par-là, le visage dépoudré et le cou moite, la démarche titubante et le souffle court, elle était tout pareille à une bacchante après des libations.*

(* M. Goudeket, Près de Colette, p. 23.)

Chapitre VII - Hommes et femmes, purs et impurs, p. 338 - 339 + Lire la suiteCommenter

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"Sido" [...]. Cette intellectuelle des champs n'en est pas moins un esprit libre et critique qui laisse à sa fille le soin de discerner son bonheur dans le fatras de la bibliothèque : "Que veux-tu ! débrouille-toi là-dedans, Minet-Chéri. Tu es assez intelligente pour garder pour toi ce que tu comprendras trop... Et peut- être n'y a-t-il pas de mauvais livre..."

Chapitre IV - Qui

est Sido ? p. 196

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la meilleure manière de rencontrer autrui, c’est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux mais de nous hisser par-delà le sensible et le perceptible pour accéder à ce surplus de vie intérieure auquel le geste altruiste et sentimental donne accès…

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Car si ce n'est pas moi, ou quelqu'un qui me ressemble, qui pourrait le faire, sans complaisance pour les banlieues "difficiles" et sans les livrer non plus aux skinheads ? J'ai même la faiblesse de croire que c'est précisément de ces humains en transit que nous sommes, vulnérables Byzantins, éphémères passeurs des Croisades modernes, que sortira non pas l'avenir, mais la question

elle-même. Poser les problèmes, dégager des questions byzantines : y a-t-il autre chose à faire pendant que les autochtones se replient au ras de leurs pâquerettes corporatistes, égoïstes et machistes, pâquerettes françaises, russes, américaines, tziganes, palestiniennes, féministes, catholiques, musulmanes, juives, coréennes, allez-y, complétez la liste, et que les immigrés en

colère, inassimilables, shahidas, explosent d'humiliation en attendant d'éventrer vos buildings, de mettre à sac vos banques, d'écraser vos gueules et de cramer vos résidences, secondaires ou non ! Avant que le G8 n'ait réussi à créer la prospérité dans tous les pays émergents, cela va de soi... - p. 114-115 + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         

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[...] Et Colette de repérer chez Landru* une variante de cette "banalité du mal" qu'Arendt devait décrypter plus tard chez le nazi Eichmann, tout aussi méticuleux, obsessionnel et dissocié de sa cruauté par son obéissance de fonctionnaire zélé.

(* Colette, "Landru", in Prisons et Paradis, Pléiade III, pp. 746 - 749.)

Chapitre VI
Le corps métaphorique :

plantes, bêtes et monstres, p. 318

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étrangement, l'étranger nous habite: il est la face cachée de notre identité, l'espace qui ruine notre demeure, le temps où s'abîment l'entente et la sympathie.

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Il y a, dans l’abjection, une de ces violentes et obscures révoltes de l’être contre ce qui le menace et qui lui paraît venir d’un dehors ou d’un dedans exorbitant, jeté à côté du possible, du tolérable, du pensable. C’est là, tout près mais inassimilable. Ça sollicite, inquiète, fascine le désir qui pourtant ne se laisse pas séduire. Apeuré, il se détourne. Écœuré, il

rejette. Un absolu le protège de l’opprobre, il est en fier, il y tient. Mais en même temps, quand même, cet élan, ce spasme, ce saut, est attiré vers un ailleurs aussi tentant que condamné. Inlassablement, comme un boomerang indomptable, un pôle d’appel et de répulsion met celui qui en est habité littéralement hors de lui (p. 9).”

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(…) je pense que l'homme autant que la femme sont capables de cette « jouissance autre » qui est sensuelle, non pas en deça mais à travers le sexe (…). A moins que cette jouissance autre – cette féminité, si elle est spécifique à certaines femmes – ne soit le secret de toute écriture, transversale au sexe et au langage, une jouissance inhumaine, cosmique, où la personne n'est

d'aucun sexe parce qu'elle est de tous les sexes, ceux de toutes les plantes, de tous les animaux, de toutes les étoiles, de toutes les odeurs, de toutes les sensations.

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L’aliénation à moi-même, pour douloureuse qu’elle soit, me procure cette distance exquise où s’amorce aussi bien le plaisir pervers que ma possibilité d’imaginer et de penser, l’impulsion de ma culture.

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Car, curieusement, par-delà le trouble, ce dédoublement impose à l'autre, observateur, la sensation d'un bonheur spécial, quelque peu insolent, chez l'étranger. Le bonheur semble l'emporter malgré tout, parce que quelque chose a été définitivement dépassé: c'est un bonheur de l'arrachement, de la course, espace d'un infini promis.

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Le mépris enduré pendant de longues années laisse de lourdes séquelles dans le coeur.

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Ni l'impératif de la reproduction de l'espèce, ni l'impératif de la stabilité sociale – garantis par le couple et garanties du couple – , ne guident la pensée de Colette. Seul demeure un constant souci d'affranchissement du sujet « femme », désireux d'atteindre la liberté sensuelle, afin de maintenir sa curiosité et sa créativité, non pas dans un couple, mais dans une pluralité

de liens.