Daniel Odier
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Il n’y a personne qui puisse nous apporter la révélation ou servir d’intercesseur entre des royaumes divins qui ne seraient pas présents en nous et notre soif de plénitude. Tout frémit intérieurement, nous avons l’intégralité des moyens d’y accéder. Nous sommes le divin, nous sommes le temple, nous sommes l’adorateur. La conscience totale et immaculée a toujours été en nous,

rien ni personne ne peut nous la donner ou altérer sa qualité étincelante.

Daniel Odier
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Les maîtres définissent la pureté comme tout ce qui est vécu avec conscience et l’impureté comme tout ce qui est vécu dans l’automatisme et la non-présence. La conscience remplace tout et, sans elle, pas de spiritualité.

Daniel Odier
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Cette attention nue qui permet aux sensations, aux émotions et aux pensées de ne pas se figer en nous est ce que nous pouvons toucher pendant la contemplation ou méditation. Tout commence par l'examen de ce qui est, c'est-à-dire notre trouble, notre difficulté à appréhender toute chose dans l'instant. La présence à l'agitation est l'ouverture vers l'apaisement... n'essayons jamais de

changer, d'adopter un nouveau comportement mais uniquement de descendre notre attention vers ce qui se passe réellement en nous. Nous allons nous apercevoir que cette présence est suffisante pour venir à bout de ce qui fait obstacle à la fluidité de la vie.

Daniel Odier
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« Quant au tantrisme, il est aujourd'hui réduit à une triste mascarade hédoniste reformatée par la psychologie des années soixante en une "sexualité sacrée" située aux antipodes d'un Ksemarâja ou d'une Lalitâ Devî. La Grande Voie chinoise, c'est l'élimination du sacré. Ceux qui prétendent le trouver dans la sexualité n'ont pas encore saisi l'ombre de l'essence des choses.

Lorsqu'il n'y a plus ni sacré ni profane, qu'on me montre une seule chose qui ne soit pas sacrée ! Qu'on cesse de monter en épingle l'égotique friction des organes pour se laisser glisser dans l'évidence du réel où plus rien n'est scindé, où il n'y a plus d'oppositions, plus de marques, mais une seule réalité vibrante qui est le grand cœur du tantrikâ, le grand cœur du frémissement

retrouvé, le grand cœur de la joie profonde imprégnée sans cesse par le flot de la tranquillité, par la lumière innée de chaque corps uni à la totalité. Qu'on cesse de leurrer les gens avec les fadaises de "la sexualité sacrée" qui ne laissent que les traces amères que peuvent capter des corps en proie à l'agitation et à la possessivité de l'ego. Lorsque vous marcherez dans la rue

et que votre corps aura retrouvé son intégrité spatiale, quoi que vous fassiez vous serez dans l'océan frémissant. Cessez de rêver à des moyens privilégiés d'atteindre la totalité, car seule la mise en frémissement de tout votre être dans toute action peut éliminer le concept de séparation. Le corps est souffrant lorsqu'il sert d'écrin à l'ego, sacré lorsqu'il recèle l'univers.


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Daniel Odier
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Oubliez toute complication, oubliez tout espoir d'être différent, et en un instant vous serez la totalité. Il n'y a rien de plus profond ni de plus vaste que votre corps. C'est la compréhension ultime de la Grande Voie chinoise, c'est la réalisation totale qui permet de découvrir le cœur immaculé, l'esprit fluide, l'accord parfait du monde en vous-même. Le rituel vient après cette

réintégration de notre nature absolue, c'est une sorte de joie artistique, d'expression de la totalité qui évite de trop dématérialiser la compréhension.
— Si c'était aussi simple, nous n'aurions pas besoin d'une vie "spirituelle"...
— La vie spirituelle est le rejeton difforme d'un corps malade, isolé et inconscient. C'est une vaste tromperie qui mène l'homme à

chercher en dehors de lui-même ce qui lui a toujours été intimement présent dans sa chair. Le mental ne trouve que problèmes, séparations, questions insolubles. Qu'il interroge le corps et le mystère s'effondre instantanément. Le corps dans sa nature profonde est tellement détendu qu'il lui faudrait un siècle pour articuler une réponse et cette réponse serait : "Viens ! Rejoins-moi,

toi qui t'es arbitrairement séparé de la totalité".
— Le mental n'est pas uniquement nocif.
— Le mental ne cherche que l'apaisement du corps par toutes sortes de projections qui lui en interdisent l'accès, mais il ne saisit pas que le corps est déjà apaisé. Lorsque le mental se limite à ses merveilleuses fonctions, il découvre le repos.
p. 33 + Lire la

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Apprendre à jouir des plaisirs simples, c’est se déconditionner peu à peu de notre quête des plaisirs intenses qui seuls nous réveillent de notre torpeur sensorielle. Plus le corps est absent au monde, plus l’intensité est attendue et recherchée pour libérer la tension. Cette absence trouve son point culminant dans les pratiques sadomasochistes qui tentent de mettre en frémissement un

corps abandonné.

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Lorsque vous expirez, sachez que vous expirez. Lorsque vous inspirez, sachez que vous inspirez. Centrez votre conscience sur votre respiration, sans la laisser monter ou descendre, sortir ou rentrer, sans vous livrer à la pensée discursive, sans faire d’interprétation intellectuelle ou émotionnelle, sans chercher à comprendre quoi que ce soit, en étant simplement attentif au souffle qui

sort et qui entre, sans manquer une seule respiration.

Daniel Odier
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L'extase originelle

Si les choses sont si simples, pourquoi l'homme a-t-il inventé toutes ces pratiques, tous ces rituels, toute cette activité qui se déploie autour de l'essentiel ?
— Pour le masquer.
— Dans quel but ?
— Pour garder le pouvoir. Lorsque le grand maître tibétain Marpa rencontra au Cachemire le siddha* Tilopa, celui-ci lui transmit,

après quelques épreuves, les enseignements absolus de Mahâmudrâ. Marpa rentra au Tibet et se mit à enseigner cette simplicité immédiate qui renvoie à la trappe toutes les pratiques, tous les intermédiaires, toute la classe des prêtres. Les autres maîtres s'inquiétèrent de voir révélé directement un enseignement aussi anarchique. Ils demandèrent à Marpa de se calmer et de

réserver ces enseignements à ceux qui avaient franchi toutes les étapes de la voie formelle. C'est ainsi que ce que les siddha révélaient d'emblée devint l'enseignement le plus secret. C'est la même chose pour Mahachinachara.
— Un rituel n'a donc aucune valeur ?
— Les mantras ne sont que des mots vides, les rituels que des singeries destinées à occuper l'esprit tant que

la clarté n'est pas installée. Avant cette clarté, les rituels ne mènent nulle part, sinon à se lier un peu plus à la forme. Lorsque vous n'avez plus le fantasme d'arriver quelque part à l'aide du rituel, il devient une sorte d'acte gratuit, une expression de la beauté, de la totalité. Vous acheter une boîte de peinture ne fera pas de vous un peintre, pas plus que posséder un instrument

de musique ne fera de vous un musicien. Devî n'enseignait certains aspects du rituel que lorsque la présence au corps était installée ; et encore, avec beaucoup de précautions. J'ai vu beaucoup de gens s'adonner à la course au mantra, écouter pendant des heures les grands mantra psalmodiés avec mollesse par une bande d'abrutis, tout cela sur fond de musique insipide ; je les ai vus

s'agiter en tous sens avec clochette, encens, jet de fleurs, mudrâ**, etc. Mais dans le meilleur des cas, à peine tout cela terminé, retour à la confusion, à la séparation, à la dualité. Nous voulons toujours de l'exotique, des initiations, des pratiques secrètes, mais la grande pratique consiste à marcher, à toucher le monde, à regarder, à vivre en faisant que chaque acte quotidien

soit l'expression de la non-dualité. Il n'y a rien de plus beau. Tout alors émerge de la conscience et s'y résorbe. C'est l'extase originelle.
p. 47 et 48
* siddha : « maître accompli ».
p. 134
** La mudrā (devanāgarī : मुद्रा, qui signifie « signe » ou « sceau », en pali : muddā) est un terme sanskrit

qui désigne une position codifiée et symbolique des mains d'une personne (danseur, yogi) ou de la représentation artistique (peinture, sculpture) d'un personnage ou d'une divinité. L'origine des mudrās est très ancienne et se rattache à la culture védique. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          20

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Il y en a bien quelques-uns, mais ils sont difficiles à trouver et il est ardu de les suivre car ils ne promettent rien, ne se substituent pas aux thérapeutes, n'insistent pas pour qu'on vienne les écouter, ne transmettent rien de palpable, n'éteignent pas notre propre liberté innée et ne résolvent aucun problème à notre place. On veut quitter la société pour un monde idyllique : ils

nous remettent dans le métro. On veut se soumettre : ils nous chas-sent. On attend une vision romantique de la vie : ils ne parlent que de la réalité la plus banale. On veut accéder à des rituels secrets : ils nous disent d'examiner notre respiration, nos mouvements, notre confusion. On cherche les enseignements ultimes : ils parlent de la vie quotidienne. Ils sont fluides, ouverts,

simples et directs, jamais là où on les attend. Quelques-uns, à travers les siècles et les millénaires, me sont si proches que j'entends leur voix sonner juste, frapper où il faut, briser le rêve médiocre de nos idéaux spirituels simple-ment par amour de la vérité, non pas une vérité qui s'oppose-rait à une autre, mais une vérité qui englobe la totalité.
Nous sommes à une

époque où l'esprit boutiquier domine. Les petits maîtres forment de petits groupes où l'approbation et la louange tournent en circuit fermé. Ces « familles » vont bien, mais vous, non. Les affaires sont bonnes. Les lobbies d'éveillés paradent et entassent colloques sur stages. Tout le monde se tait car on soupçonne qu'il n'y a pas plus violent que les éveillés si quelqu'un touche au

business sacré.

Comme on dit dans la mafia avant l'exécution : « Rien de personnel ».
p. 12 + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          20

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Il n’est pas de joyaux plus précieux que la femme,
Pas de condition supérieure à la sienne.
Il n’existe, n’a jamais existé et jamais n’existera
De destin égal à celui d’une femme ;
Il n’est ni royaume, ni fortune
Comparable à une femme ...

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Les moralistes parlent de contrôler, de réduire, de détruire désirs et passions, les fanatiques passent à l’acte en détruisant les passionnés, mais personne ne peut traverser la vie sans éprouver la substance dévorante du désir et des passions.

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Nous avons trop souffert du fanatisme, de la violence et de l’exclusion, nous nous sommes ouverts progressivement au monde et à sa diversité. Ce que les femmes et les hommes d’aujourd’hui recherchent, c’est une voie où les contraires seraient réintégrés dans l’amour véritable et dans l’acceptation de toute la richesse que porte en lui chaque être humain.

Daniel Odier
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Dans une ère où la communication est le maître mot, où l’on peut accéder en quelques secondes à une masse d’informations illimitées, nous nous plaignons d’avoir perdu le contact avec notre corps et avec les autres êtres humains. Nous souffrons d’une solitude extrême, nous souffrons de ne plus nous toucher, nous souffrons d’une virtualisation des sentiments, de l’expression des

émotions et de la sensorialité.

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Passé la quarantaine, un bref sursaut de passion s’empare des êtres. Ils retombent, épuisés et victimes de la désapprobation générale. Parfois, cette passion les a ressuscités et les mène au bonheur.

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Ces valeurs féminines qui donnent un parfum unique et très contemporain au tantrisme peuvent être définies sommairement comme la force profonde, harmonieuse et paisible contre la violence. La spontanéité et l'ouverture contre l'ordre moral artificiel, l'hypocrisie, le puritanisme. La non-dualité qui restitue sa complétude à l'être humain en plaçant le divin en lui-même. Le

libéralisme, la tolérance, l'expérience directe de la nature fondamentalement libre de l'esprit contre les vaines spéculations religieuses et intellectuelles. L'amour contre l'exploitation sexuelle. Le respect de la nature contre l'épuisement forcené de ses ressources. La liberté absolue vis-à-vis des dogmes, du clergé, de l'État, des castes, des interdits sociaux, religieux,

alimentaires et sexuels de l'hindouisme classique issu du védisme aryen. Toutes ces valeurs sont celles du respect inconditionné d'une liberté identique en chaque être humain que le tantrisme propose de retrouver sans se perdre dans une quête extérieure illusoire.
Une partie importante de la société d'aujourd'hui comprend qu'elle doit revenir à ces valeurs sous peine de chaos et de

destruction. La voie tantrique est ouverte à toute la richesse de la nature humaine qu'elle accepte sans restriction aucune. C'est probablement la seule voie spirituelle dont rien ni personne ne se trouve exclu et c'est en cela qu'elle correspond aux aspirations profondes des femmes et des hommes d'aujourd'hui.
(p.37) + Lire la suiteCommenter  J’apprécie       

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Le samâdhi est une grâce, ce n'est pas un objet de consommation.
p. 103

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L'idée que le samâdhi consiste en ce point où l'on sort de l'espace-temps est présente dans le tantrisme depuis les origines. C'est une expérience extrêmement profonde qui arrive parfois de manière inopinée, sans que nous soyons en train de pratiquer ou méditer. Soit dit en passant, personne n'a jamais atteint l'éveil au cours de la méditation, mais toujours dans la confrontation avec

le réel. Même le Bouddha a connu l'éveil au sortir de sa méditation en voyant l'étoile du matin.
p. 102

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Le tantrisme est une voie où nous apprenons à nous respecter totalement et à regarder à quel point notre fonctionnement merveilleux et notre liberté innée sont entravés par nos croyances, nos peurs, notre espoir, notre vie “spirituelle”. En touchant la liberté de temps en temps, tous ces micro-éveils suspendus dans l'espace, entrecoupés de périodes plus ou moins difficiles ou

chaotiques, vont se connecter et former un réseau lumineux et spatial qui va cueillir chaque instant en vol. À partir du moment où ces instants de présence s'inscrivent dans notre vie, nous entrons dans la pratique de Mahâmudrâ alors que nous ne faisons absolument rien pour pratiquer, pour collecter des expériences spirituelles, pour accroître notre capital éveil. Un vague acte de

présence se manifeste et Mahâmudrâ se répand partout. Si nous sommes tendu, nous nous faisons violence. La pratique peut alors devenir une réelle agression envers soi-même !
p. 97

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Un mantra vient du silence. Cela n'a rien à voir avec un chant de scouts autour du feu.
p. 87

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Il suffit de se tourner « vers l'Océan de notre propre essence et développer un accord pratique avec notre propre nature » dit Yangshan. Alors « l'action et le repos de ceux qui ont atteint le Chan est comme le flux des nuages dans l'espace, sans conscience de soi, comme la pleine lune qui illumine tout. » Tout est alors le Bouddha, tout est alors le Chan.