Aline Apostolska
Aline Apostolska

On a beau avoir rencontré la beauté mille fois, on la redécouvre sans cesse.
(p.11)

Aline Apostolska
Aline Apostolska

Ils veulent croire plutôt que savoir. Ils veulent qu’on les décharge de la difficulté de trouver du sens par eux-mêmes, de chercher leurs réponses, d’aborder la réalité sans qu’elle soit liquéfiée, édulcorée, réduite à quelques évidences insensées.

(p. 333)

Aline Apostolska
Aline Apostolska

Les glaciers fondent, les têtes volent, près de vingt pour cent de la planète meurt de faim, tandis que les autres meurent d’obésité tout en cultivant des toits verts… Je ne sais pas si c’est l’âge, mais jamais de ma vie je n’ai été aussi désespérée par l’état du monde.
(p. 193)

Aline Apostolska
Aline Apostolska

« On finit toujours par ressembler aux gens qu’on aime, surtout quand on a librement choisi cet amour. »

Aline Apostolska
Aline Apostolska

Mais, quand j'aurai tenu Hope Tien dans mes bras, que j'aurai veillé sur elle comme je veille aujourd'hui sur sa mère, qu'elle aura planté dans mon cœur un rosier de fleurs et d'épines qui grandira, m'enchantera et m'emprisonnera chaque jour un peu plus, pourrai-je continuer à me rendre à mon bureau, m'asseoir derrière mon écran...

Aline Apostolska
Aline Apostolska

Je ne sais plus comment je m'appelle. Depuis si longtemps déjà.

Aline Apostolska
Aline Apostolska

Notre époque n'a pas de mémoire. Sans mémoire, nous sommes condamnés à refaire sans cesse les mêmes erreurs.

Aline Apostolska
Aline Apostolska

— Laisse faire, Mat, c’est niaiseux…

— C’est moi que tu traites de niaiseuse? s’ébroue Giulia, prête à l’attaque. On dirait que toutes les filles sont rien que des niaiseuses pour toi, hein?

Kevin ne peut se dérober. Sinon, c’est lui qui aura l’air idiot. Il se plante devant Giulia et la toise du haut de ses six pieds de muscles et d’arrogance.


— Kess tu m’veux, Giulia? dit-il bien fort. T’as un problème?

— C’est toi qui as un problème avec les filles, rétorque-t-elle, sans se laisser impressionner. Ta mère t’a pas appris le respect?

— Lâche ma mère, répond Kevin avec agressivité. Elle a pas d’rapport avec tout ça!

Kevin ne connaît pas son père. Il vit seul avec sa

mère. À l’école, pas mal de personnes sont au courant. C’est son talon d’Achille et Giulia sait parfaitement qu’il suffit d’appuyer dessus pour atteindre son cœur. Pour faire tomber son masque de bum.

— Elle s’rait contente, ta mère, tu crois, si elle savait que tu traites les filles comme des guenilles? lui demande Giulia. + Lire la suiteCommenter

 J’apprécie          10

Aline Apostolska
Aline Apostolska

«C’est beaucoup que de se battre en méprisant la guerre, d’accepter de tout perdre en gardant le goût du bonheur, de courir à la destruction avec l’idée d’une civilisation supérieure.»

Albert Camus

Aline Apostolska
Aline Apostolska

Mais, quand j'aurai tenu Hope Tien dans mes bras, que j'aurai veillé sur elle comme je veille aujourd'hui sur sa mère, qu'elle aura planté dans mon cœur un rosier de fleurs et d'épines qui grandira, m'enchantera et m'emprisonnera chaque jour un peu plus, pourrai-je continuer à me rendre à mon bureau, m'asseoir derrière mon écran...

Aline Apostolska
Aline Apostolska

une observation de la marquise du Deffand: "Une grande idée lorsqu'elle tombe dans un petit esprit, elle en prend le contour."

Aline Apostolska
Aline Apostolska

La majorité de mes ancêtres m’est inconnue, mais leur histoire n’en est pas moins mon histoire. Elle est aussi, peut-être surtout, une parcelle de l’histoire du monde. Dans le moindre de leurs gestes retentit tout ce à quoi ils n’ont jamais pu atteindre, mais dont leurs chairs ont fidèlement, jusqu’au plus intime, retransmis les résonances. De leur vécu, il reste ce qui m’a

été transmis, et puis ce qui en existe parce que j’ai décidé qu’il en était ainsi. Je suis d’autant plus moi que mes aïeux se tiennent tous à mes côtés, moi qui ai patiemment reconstruit leurs existences sur l’échiquier du temps. Je suis venue leur rendre hommage, restituer leur histoire pour en dégager la mienne et lui permettre de se dissoudre à son tour. Alors, alors

seulement, je pourrais les laisser aller, avec tout l’amour qu’ils m’ont donné.

Aline Apostolska
Aline Apostolska

Demain je fêterai mes vingt ans. Inévitablement, je penserai à mon quatorzième anniversaire, dont j’avais décidé qu’il serait le dernier. À quatorze ans, j’ai voulu mourir. Et chaque fois que j’apprends qu’un jeune a tenté, et même réussi, à se suicider, ça me fait une peine terrible. Quand on a eu envie de mourir un jour, cela laisse une traînée de cendre sur le coeur, on

ne s’en remet jamais totalement. C’est comme quand vous avez découvert le goût d’un aliment. Votre palais ne l’oubliera plus et il suffit d’un rien, une image, une odeur, pour qu’il vous revienne sous la langue. On n’oublie pas le goût de la mort, mais on peut apprendre à vivre avec. On peut même le transformer en goût de vivre. Avoir eu envie de mourir peut vous donner la rage

de vivre.

Aline Apostolska
Aline Apostolska

— J’en ai pas d’autres, m’sieur, répond tranquillement Raphaëlle. Je peux partir, si vous préférez.

— Je te l’avais dit, lui glisse Giulia. Je peux te prêter un jogging, si tu veux.

— Il va me tomber sur les chevilles! raille Raphaëlle, croisant fermement les bras sur sa poitrine.

Le professeur la fixe d’un air mi-figue, mi-raisin. Il ne

sait plus comment agir avec cette fille douée mais insupportable, qui multiplie les agressions physiques et verbales pour les pousser, lui et ses collègues, dans leurs derniers retranchements. En fait, Raphaëlle crée une sorte de chaos permanent qui lui permet de ne pas passer inaperçue, de s’affirmer à sa manière, et cette guerre contre l’autorité lui est profitable. La punir ne fait

qu’apporter de l’eau à son moulin, et le professeur d’éducation physique se sent piégé.

— O.K., finit-il par dire, va chercher d’autres shorts aux objets perdus.
— Quoi? Les shorts de j’sais pas qui? Yark! C’est pas hygiénique!

Le professeur la foudroie du regard, mais il doit admettre, en son for intérieur, qu’elle a raison. + Lire la

suiteCommenter  J’apprécie          10

Aline Apostolska
Aline Apostolska

C’est le moment que je préfère. Chaque fois. Armer puis envoyer le missile. Le regarder atteindre sa cible. Se sentir submergé d’allégresse, comme lors d’un feu d’artifice.

Je m’apprête à tirer. Immobilisé à deux millimètres de la touche, mon index tremble. Bon signe. Une zone de chaleur, pareille à une brûlure de cigarette, s’étend progressivement et irradie

bientôt jusque sous l’ongle. C’est l’appel de la mise à feu. Je garde les yeux rivés sur la cible dont le clignotement vert iridescent magnétise mon iris aussi sûrement que le regard de l’anaconda captive celui du lapin qu’il va engloutir. Un frisson parcourt alors mon échine, remonte le long de mes vertèbres et vient produire une explosion de chaleur dans mon occiput. Les hindous

nomment cette sensation «montée de la Kundalini», mais moi, je la compare à la tension qui accapare le bas de mon dos au moment de l’éjaculation. Et comme à cet instant magique, je me retiens. Puis je laisse aller.

Aline Apostolska
Aline Apostolska

Les essais sur le nouveau modèle de missile sont concluants. Je n’aurais pas attendu jusqu’à demain pour l’annoncer à mon assistant et lui demander de transmettre la fabuleuse nouvelle à toute l’équipe que je dirige. Le courriel s’en va lui aussi dans l’espace intersidéral. Je rabats alors mon ordinateur, saisis ma carte d’embarquement et mon passeport américain, et cours vers

l’hôtesse.

Au-dessus du comptoir d’embarquement, l’écran indique qu’en ce 23 juin, à Montréal, la température au sol s’élève déjà à vingt-trois degrés. À l’arrivée demain matin, il fera au moins trente. Et voilà. Une p’tite canicule pour mon trente-huitième anniversaire. Heureusement, mon père a installé la clim chez lui comme dans son dépanneur.

Aline Apostolska
Aline Apostolska

Base américaine de Subic Bay, Philippines.

22 octobre 1975

Tiên regarde son mari avancer vers elle, Kim fend la foule compacte des réfugiés, qui semblent prêts à piétiner leurs semblables pour parvenir à embarquer sur le bateau. Ils ont peur. Ce convoi est sans doute le dernier. Le Mayday a déjà convoyé plus de trois cent mille Vietnamiens vers la liberté depuis

la démission du président Nguyên Van Thiêu le 21 avril et la chute de Saïgon. Cette nuit, il effectuera un ultime voyage depuis la base américaine de Subic Bay vers celle de Darwin, en Australie. Il s’agit de ne pas laisser passer sa chance de partir dans des conditions sécuritaires vers les pays occidentaux qui ont accepté d’accueillir les Sud-Vietnamiens. La rater signifierait se

condamner à fuir comme des pestiférés dans ces embarcations de fortune qui chaque nuit quittent les côtes au péril de leurs occupants. Ou, pire encore, devoir retourner vivre dans la République socialiste du Viêt Nam, dont le gouvernement provisoire est installé à Saïgon depuis le 30 avril. Pour tous ceux qui se bousculent sur le quai dans l’espoir de quitter Subic Bay, cette dernière

éventualité n’est pas envisageable. Retourner sous le joug des communistes qu’ils ont combattu vingt ans durant équivaudrait à accepter une survie dénuée d’honneur. Même la mort serait plus douce. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          10

Aline Apostolska
Aline Apostolska

-Bien le bonjour, Madame Lafleur a-t-elle claironné, comment allez-vous aujourd'hui?
Mais même ses adorable fossettes n'ont pas suffi à dérider notre voisine.
-Il n'y a pas de Lafleur ici! Allez-vous-en!

Aline Apostolska
Aline Apostolska

Monsieur et Madame Lafleur ont une maladie qui s'appelle l'Alzheimer. C'est une maladie incurable. (...) C'était le nom compliqué de la bête qui avait dévoré le cerveau de mes voisins. (...) Parfois, ils ont des éclairs de lucidité et puis ça repart. Un peu comme une ampoule qui ne capterait pas bien le courant et qui clignoterait.

Aline Apostolska
Aline Apostolska

On ne peut pas vivre sans fondations. Au Québec, plus personne n'a de vue d'ensemble ni de recul. On a vécu quarante ans tourné vers l'ici et maintenant. On efface les références.