L'expérience soviétique a permis une conclusion tout à fait inattendue : nous avons pu constater que les biens, la propriété ne sont nullement une valeur matérielle, mais au contraire spirituelle. Pour l'immense majorité, c'est plus exactement un moyen d'expression, de réalisation de soi.
En effet, l'Eglise n'a pas condamné la théorie de Copernic, qui s'appuyait lui-même sur Icetus de Syracuse, jusqu'à ce que Galilée, quatre-vingts ans plus tard, sans apporter de preuve décisive à l'appui de la nouvelle théorie, décide de placer sur le plan théologique la querelle de l'ordre géocentrique ou héliocentrique du monde, en défiant la Curie par de violentes attaques de
prendre positions sur le problème. Le pape Urbain VIII proposa de définir le système héliocentrique comme une thèse mathématique possible, mais pas nécessairement comme celle qui garantissait la vérité définitive. Loin de se ranger à cette suggestion, Galilée répliqua en publiant son Dialogo sui Massimi Sistemi, dans lequel il présentait le pape comme un simple d'esprit. D'où ce
procès tristement célèbre, au cours duquel Galilée ne prononça nullement son fameux "Eppur si muove" (Et pourtant, elle se meut), mais abjura toutes ses déclarations pour avoir le droit de continuer à vivre en paix et dans l'honneur. La postérité littéraire de Galilée pris comme héros a fait naître chez plusieurs dignitaires de l'Eglise une sorte de sentiment de culpabilité qui les
rend étrangement désarmés devant les théories scientifiques modernes même lorsque celles-ci sont en contradiction flagrante avec les vérités de la foi et de l'entendement. On a l'habitude de dire que l'Eglise n'a pas à se mêler de problèmes scientifiques; le cas même de Galilée prouve justement que la nouvelle science rationaliste de la Renaissance prétendait à la vérité absolue et
se présentait donc comme une seconde religion. p135
Le Pouvoir occulte a procédé tout autrement. Ce n'est nullement pour les retenir tous qu'il s'est proposé de grouper des adhérents, mais pour choisir parmi eux ceux qu'il juge les plus aptes à servir se secrets desseins. Quant aux autres, il n'en a cure. Il les laisse quitter la Franc-Maçonnerie comme ils y sont entrés; on peut même dire qu'il fait moins pour les y retenir qu'il n'a fait
pour les y attirer.
Le caractère fondamental de la philosophie positive est de regarder tous les phénomènes comme assujettis à des lois naturelles variables, dont la découverte précise et la réduction au moindre nombre possible sont le but de tous nos efforts, en considérant comme absolument inaccessible et vide de sens pour nous la recherche de ce qu'on appelle les causes, soit premières, soit finales. Il
est inutile d'insister beaucoup sur un principe devenu maintenant aussi familier à tous ceux qui ont fait une étude un peu approfondie des sciences d'observation. Chacun sait, en effet, que, dans nos explications positives, même les plus parfaites, nous n'avons nullement la prétention d'exposer les causes génératrices des phénomènes, puisque nous ne ferions jamais alors que reculer la
difficulté, mais seulement d'analyser avec exactitude les circonstances de leur production, et de les rattacher les unes aux autres par des relations normales de succession et de similitude.
L'esprit n'est pas destiné à régner, mais à servir : quand il croit dominer, il rentre au service de la personnalité, au lieu de seconder la sociabilité, sans qu'il puisse nullement se dispenser d'assister une passion quelconque. En effet, le commandement réel exige, par-dessus tout, de la force, et la raison n'a jamais que de la lumière ; il faut que l'impulsion lui vienne d'ailleurs.
Nous ne sommes donc nullement obligés à nous incliner docilement devant
l'opinion morale. Nous pouvons même nous considérer, dans certains cas, comme fondés à nous rebeller contre elle. Il peut arriver, en effet, que, pour un des motifs qui viennent d'être indiqués, nous jugions de notre devoir de lutter contre des idées morales que nous savons surannées, qui ne sont plus que des
survivances, et que le moyen le plus efficace pour cela nous paraisse être de nier ces idées, non seulement théoriquement, mais par des actes.
On a prétendu, il est vrai, que l'enfant héritait parfois d'une tendance très forte vers un acte défini, comme le suicide, le vol, le meurtre, la fraude, etc. Mais ces assertions ne sont nullement d'accord avec les faits. Quoi qu'on en ait dit, on ne naît pas criminel; encore moins est-on voué, dès la naissance, à tel ou tel genre de crime ; le paradoxe des criminologistes italiens ne
compte plus aujourd'hui beaucoup de défenseurs.
Il n'y a rien dans le réel que l'on soit fondé à considérer comme radicalement réfractaire à la raison humaine.
[...]
Mais le principe rationaliste n'implique pas que la science puisse, en fait, épuiser le réel; il nie seulement que l'on ait le droit de regarder aucune partie de la réalité, aucune catégorie de faits comme invinciblement irréductible à la pensée
scientifique, c'est-à-dire comme irrationnelle dans son essence. Le rationalisme ne suppose nullement que la science puisse jamais s'étendre jusqu'aux limites dernières du donné; mais qu'il n'y a pas, dans le donné, de limites que la science ne puisse jamais franchir.
Contrairement à aux opinions du sens commun, il est donc beaucoup plus difficile de constater des faits et de les analyser que de réfléchir ou de déduire, et c'est pourquoi les sciences expérimentales sont nées bien après les disciplines déductives, celles-ci constituant à la fois le cadre et la condition nécessaires de celles-là, mais nullement suffisants.