Howard Bloom
Howard Bloom

Y a t-il un équivalent humain à ce qu'une cloche signifie une nourriture? Oui. L'or et l'argent.

Alexis de Tocqueville
Alexis de Tocqueville

Jusqu’à la Révolution, la paroisse rurale de France conserve dans son gouvernement quelque chose de cet aspect démocratique qu’on lui avait vu dans le moyen âge. S’agit-il d’élire des officiers municipaux ou de discuter quelque affaire commune : la cloche du village appelle les paysans devant le porche de l’église ; là, pauvres comme riches ont le droit de se présenter.

L’assemblée réunie, il n’y a point, il est vrai, de délibération proprement dite ni de vote ; mais chacun peut exprimer son avis, et un notaire requis à cet effet et instrumentant en plein vent recueille les différents dires et les consigne dans un procès-verbal.

Quand on compare ces vaines apparences de la liberté avec l’impuissance réelle qui y était jointe, on

découvre déjà en petit comment le gouvernement le plus absolu peut se combiner avec quelques-unes de formes de la plus extrême démocratie, de telle sorte qu’à l’oppression vienne encore s’ajouter le ridicule de n’avoir pas l’air de la voir. Cette assemblée démocratique de la paroisse pouvait bien exprimer des vœux, mais elle n’avait pas plus le droit de faire sa volonté que

le conseil municipal de la ville. Elle ne pouvait même parler que quand on lui avait ouvert la bouche ; car ce n’était jamais qu’après avoir sollicité la permission expresse de l’intendant, et, comme on le disait alors, appliquant le mot à la chose, sous son bon plaisir, qu’on pouvait la réunir. Fût-elle unanime, elle ne pouvait ni s’imposer, ni vendre, ni acheter, ni louer, ni

plaider, sans que le conseil du roi le lui permît. Il fallait obtenir un arrêt de ce conseil pour réparer le dommage que le vent venait de causer au toit de l’église ou relever le mur croulant du presbytère. La paroisse rurale la plus éloignée de Paris était soumise à cette règle comme les plus proches. J’ai vu des paroisses demander au conseil le droit de dépenser 25 livres.


Les habitants avaient retenu, d’ordinaire, il est vrai, le droit d’élire par vote universel leurs magistrats ; mais il arrivait souvent que l’intendant désignait à ce petit corps électoral un candidat qui ne manquait guère d’être nommé à l’unanimité des suffrages. D’autres fois il cassait l’élection spontanément faite, nommait lui-même le collecteur et le syndic,

et suspendait indéfiniment toute élection nouvelle. J’en ai vu mille exemples.
[…]
Sous l’ancien régime comme de nos jours, il n’y avait ville, bourg, village, ni si petit hameau en France, hôpital, fabrique, couvent ni collège, qui pût avoir une volonté indépendante dans ses affaires particulières, ni administrer à sa volonté propre ses biens. Alors comme

aujourd’hui, l’administration tenait donc tous les Français en tutelle, et si l’insolence du mot ne s’était pas encore produite, on avait du moins déjà la chose.

Livre II Chapitre III Comment ce qu’on appelle aujourd’hui la tutelle administrative est une institution de l’ancien régime + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          150

Jean Cocteau
Jean Cocteau

Dans le Sang D'un Poète, j'essaie de tourner la poésie, comme les frères Williamson tournent le fond de la mer. Il s'agissait de descendre en moi-même la cloche qu'ils descendent dans la mer, à de grandes profondeurs. Il s'agissait de surprendre l'état poétique.

Hokusai
Hokusai

Solitaire automne -
un soupir ah! le son
d'une cloche lointaine

Yusui

Jacques Derrida
Jacques Derrida

Qu’est-ce que la poésie ? Qu’est-ce qui bande : ce texte, séduit et trouble le discours doctoral introduit un écart (un « Grand Carré ») dans la pièce où le patient se déshabille, se couche, ne dit finalement rien, fait en revanche bégayer le maître. Quelques jours après, celui-ci envoie un manuscrit dédicacé à l’écrivain patient : avec mon admiration. C’est bon, n’est-ce

pas ? C’est un peu comme ce que vous faites, non. L’écrivain ne répond pas. Il n’est surtout pas assez puceau pour dire qu’il occupe la place de l’autre.


Le texte est grappu.
D’où la nervosité perméable et séduite, agenouillée, de qui vou­drait le prendre, le comprendre, se l’approprier.
Il y est traité de l’ersatz, en langue étrangère de ce

qu’on pose et rajoute à la place.
La thèse (la position, la propo­sition, Satz) protège ce qu’elle rem­place, cependant.
Or voici qu’un contemporain (le fait importe beaucoup) que tout, sinon son propre glas, aurait dû préparer à lire la scène, se démonte, ne veut plus voir, dit le contraire de ce qu’il veut dire, part en guerre, monte sur ses grands chevaux.

L’ersatz, dit-il, ce n’est pas bien .

Alliance difficilement explicable avec Sartre. Et pourtant : « Sartre a marqué lui-même une étrange difficulté à la base de l’œuvre de Genet. Genet, qui écrit, n’a ni le pouvoir ni l’intention de communiquer avec ses lecteurs. L’élaboration [visiblement pas fait exprès] de son œuvre a le sens d’une négation de ceux qui

la lisent. Sartre l’a vu sans en tirer la conclusion : que dans ces conditions, cette œuvre n’était pas tout à fait une œuvre, mais un ersatz, à mi-chemin de cette communication majeure à laquelle prétend la litté­rature. La littérature est communication.

un auteur
Elle part d’un auteur souverain, par delà les servitudes d’un lecteur isolé, elle s’adresse à

l’humanité souveraine. [...]

la caricature, l’ersatz, ce n’est pas bien, ce sont des faux. Il aime l’édi­tion originale, le sceau, le seing de l’authentique. Pas le faux, le vrai. Il n’aime pas la galalithe. C’est sûre­ment de la galalithe, rien n’est plus comme avant
« Non seulement Genet n’a pas l’intention de communiquer s’il écrit, mais, dans la

mesure où, quelle que soit son intention, une caricature ou un ersatz de communication s’établirait, l’auteur refuse à ses lecteurs cette similitude fondamentale

la vigueur de son oeuvre
que la vigueur de son œuvre risquerait de révéler. [...]
« Genet lui-même ne doute pas de sa faiblesse.

faire œuvre litté­raire
Faire œuvre littéraire ne

peut être, je le crois, qu’une opération souveraine : c’est vrai dans le sens où l’œuvre demande à l’auteur

l’œuvre demande à l’auteur de dépasser en lui la personne pauvre, qui n’est pas au niveau... oui
de dépasser en lui la personne pauvre, qui n’est pas au niveau de ses mo­ments souverains. [...]

« Non que nous devions nous arrêter si

nous lisons : "... j’écrivis pour gagner de l’argent."

et pourquoi ne pas nous y arrêter ? Qui a dit qu’il n’était pas convenable d’écrire pour de l’argent ? Qui a pu le dire ? L’argent, c’est mal ? C’est quoi au juste ? Et pourquoi ne pas se demander comment on a pu écrire ça ? Qui ? pour qui ? pourquoi ?
"Je m’écoute" s’égale, en grec, à "je suis

mon premier client".

Critique du jugement : « l’art est aussi distingué du métier ; le premier s’appelle libéral (freie), le second peut aussi s’appeler mercenaire [...] le bel art doit être un art libre en deux sens : il ne doit pas être, comme une activité rémunérée, un travail dont l’importance serait évaluée selon une mesure déterminée, que l’on pourrait

imposer ou rétri­buer ; d’autre part il faut que l’esprit se sente occupé, mais satisfait et excité sans considérer un autre but (indépendamment de tout salaire). »

Par qui, et de quoi, l’« auteur » est-il alors payé ? nourri ? Par une instance économique (libérale), représentée par un marché éditorial (libéral), un ministère de la culture (libéral), voire par

Frédéric le Grand, poète et monarque libéral.

A moins qu’il ne vole ? Est-ce encore pire ou autre chose qu’écrire « pour de l’argent » ? Est-ce changer de système ? En tous cas, l’esthète libéral n’aime pas ça. Mais on voit une fois de plus qu’il suffit d’un rien pour que le motif de la dépense pure et hors­ circulation se laisse réinscrire dans l’échange

de l ’économie restreinte (ici libérale). Mais que se passe-t-il quand un rien suffit ? Le risque (la confor­table compromission aussi) habite le risque. Le maître peut toujours habiter chez le souverain

des plus dignes d’attention.
"Le "travail d’écrivain" de Genet est l’un des plus dignes d’attention. Genet même est soucieux de souveraineté.

Genet

manque de cœur. De loyauté
Mais il n’a pas vu que la souveraineté veut l’élan du cœur et la loyauté, parce qu’elle est donnée dans la communication. [...]


L’ECHEC DE GENET

« L’échec de Genet. » Quel titre. Dénonciation magique, animiste, apeurée. Quel est l’effet recherché ? Mais l’"échec", Genet ne l’a-t-il pas calculé ? Il le

répète tout le temps, il a voulu réussir l’échec. Et voilà que, par la simple provocation de son texte, il construit une scène qui oblige l’autre à se démasquer, à ba­fouiller, à se démonter, à dire ce qu’il n’aurait pas voulu, pas dû dire. C’est lui, le texte (Genet) qui piège, acharne, lit le lecteur, le jugement, la critique. Comme Rembrandt. Scène paradigmatique pour

le mauvais goût, il faut voir un peu plus loin
L’indifférence à la communication de Genet est à l’origine d’un fait cer­tain : ses récits intéressent mais ne pas­sionnent pas. Rien de plus froid, de moins touchant, sous l’étincelante parade des mots, que le passage vanté où Genet rap­porte la mort d’Harcamone. La beauté de ce passage est celle des bijoux, elle est trop

riche et d’un mauvais goût assez froid. [...] il y a la même maladresse chez l’érudit qu’imposent les titres et chez Genet écrivant ces lignes­ qui se réfèrent au temps de ses vagabondages d’Espagne [citation du « palais

il faudrait, entre autres constructions du même genre, circuler à travers tous les palais, dans le labyrinthe, oui, entre tous les palais (le Palais

de justice de Notre-Dame, le palais du grand d’Espagne, où nous sommes, le « voile du palais » de Stilitano, « cette toile d’araignée précieuse » où s’élaborent les les gl’s. On s’apercevrait alors, à y séjourner un peu et à y faire un peu travailler sa langue, que le palais est ce précisément dont je parle. Beaucoup. J’argotise, je jargonne, j’ai l’air de produire

des mots nouveaux, un nouveau lexique. Un argot seulement, un jargon. Ils sortent tous deux du fond de la gorge, ils séjournent, un certain temps, comme un gargarisme, au fond du gosier, on racle et on crache.
L’argot est un mot d’argot. Comme tous les mots d’argot, Littré ne le mentionne pas. Argotiser c’est travailler contre le lexique. Mais en argumen­tant, en élaborant, en

alléguant, depuis le dedans de son corpus. Argot est un très vieux mot, enra­ciné dans la langue et dans la littérature. Comme jargon. Et pourtant, son usage est d’abord argotique, limité à une bande ou à une école

je ne sais quoi. Critique du je ne sais quoi. Je ne sais quoi de fr

le cœur, vraiment n’y est pas

dont je parle (car cela n’a pas

d’autre nom) »]. L’intérêt de l’œuvre de Jean Genet ne vient pas de sa force poétique, mais de l’enseignement qui résulte de ses faiblesses. [...]
Il y a dans les écrits de Genet je ne sais quoi de frêle, de froid, de friable, qui n’arrête pas forcément l’admiration mais qui suspend l’accord. »

A quoi, malgré tout, reconnaît-on ici qu’il s’agit

d’un texte de Bataille ? Malgré tout, malgré le Langage des fleurs [74], malgré (?) Le glas, malgré

« Le glas
Dans ma cloche voluptueuse
le bronze de la mort danse
le battant d’une pine sonne
un long branle libidineux. »

Elaborations.
« Le ciel
1. Le bronze de l’amour sonne
Le battant rouge de ta pine
dans la

cloche de mon con

2. Le battant chauve de ton glas
dans la cloche (biffé : de mon vagin
de mon urine) du con
le bronze de l’amour sonne
le long branle voluptueux

3. Le bronze de l’amour danse
le long branle voluptueux
et le battant chauve du glas
sonne et sonne et sonne et sonne
dans ma cloche libidineuse

4.

Dans ma cloche libidineuse
le bronze de la mort sonne
le battant de la verge danse
le long branle voluptueux. »
G. Bataille

ce qui aurait dû, suivant la logique générale de sa
pensée (le simulacre, la souveraineté comme limite intenable, la transgression, la perte, etc.), l’induire à une autre lecture ? Si ce qu’il faut bien appeler

l’académisme sentencieux de ce discours édifiant n’est pas tout à fait un accident, s’il y a là un effet logique d’aveuglement, de dénégation, d’inver­sion négative (comme on dit — et ce n’est pas simplement, ici, une figure — que la névrose est le négatif de la perversion) c’est peut-être que le système le permet. Tout peut y virer à chaque instant vers la

prédication la plus policée — sinistre, morale et dérisoirement réactive. Limite instable, inaccessible, la souveraineté, avec tout son système (simulacre, expropriation, perte, rire majeur, etc.) est toujours en train de basculer dans la méta­physique (vérité, authenticité, propriété, maîtrise). Elle peut toujours se lire dans le code qu’elle renverse, qu’elle fait plus que

renverser mais doit aussi renverser. Il suffit, pour que la lecture métaphysique s’impose, d’un rien, d’un rien logique ou linguistique ou discursif : + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          00

Boris Pasternak
Boris Pasternak

'Ma soeur - La vie déborde aujourd'hui'

Ma sœur - La vie déborde aujourd'hui, la

pluie printanière se brise comme du verre,

mais les gens avec des monocles se plaignent encore

et piquent poliment comme des serpents dans l'herbe.



Les anciens ont leur logique bien sûr, la

vôtre est certainement insensée, sans

aucun doute:

que les yeux et les pelouses brillent de lilas dans les tempêtes,

et les doux parfums soufflent du sud.



Qu'en mai, lorsque vous voyagez, vous voyez

l'horaire sur la ligne Kamyshin,

la Bible n'est pas moins magnifiquement écrite,

alors qu'en la lisant, vous êtes hypnotisé.


Ce

coucher de soleil n'a qu'à montrer un village, des

filles encombrant la piste pendant que nous fuyons,

et je trouve que ce n'est pas mon arrêt aujourd'hui,

le soleil offrant sa sympathie.



Avec trois éclaboussures, la cloche passe par

«Désolé, pas ici»: ses excuses sont loin.

Une nuit brûlante s'infiltre

sous les aveugles,

la steppe plonge, d'étape en étoile.



Clignotant, clignant des yeux, doucement quelque part,

mon amour, une fata-morgana, dort encore,

tandis que, comme mon cœur, éclaboussé là-bas sur les plates-formes,

la voiture jette la lumière des fenêtres sur la steppe. + Lire la suiteCommenter

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François Mauriac
François Mauriac

Un sifflement de bête, puis un fracas immense en même temps qu'un éclair ont rempli le ciel. Dans le silence de panique qui a suivi, des bombes, sur les coteaux, ont éclaté, que les vignerons lancent pour que les nuages de grêle s'écartent ou qu'ils se résolvent en eau. Des fusées ont jailli de ce coin de ténèbres ou Barsac et Sauternes tremblent dans l'attente du fléau. La cloche de

Saint-Vincent, qui éloigne la grêle, sonnait à toute volée, comme quelqu'un qui chante, la nuit, parce qu'il a peur. Et soudain, sur les tuiles, ce bruit, comme d'une poignée de cailloux...Des grêlons!

François Mauriac
François Mauriac

La cloche de St Vincent qui éloigne la grêle, sonnait à toute volée, comme quelqu'un qui chante la nuit parce qu'il a peur. Et soudain, sur les tuiles, ce bruit comme d'une poignée de cailloux... Des grêlons ! J'entendais claquer les volets de la chambre. Un enfant effrayé courait pieds nus dans le couloir.

Frank Andriat
Frank Andriat

Les nationalistes et l'extrême-droite majoritaires avaient coupé le bec à toute opposition et les médias aux mains du gouvernement ne diffusaient plus ou peu les visages et les noms de celles et de ceux qui faisaient entendre un son de cloche différent de celui du pouvoir. On se serait cru en Tunisie au temps de Benali. (p. 56)

Ezra Pound
Ezra Pound

Derrière la colline la
Cloche d'un moine dans le vent.
Voile unique en Avril ; retour, Octobre peut-être
La barque s'efface, d'argent ; lente ;
Éclat du soleil sur le fleuve.