Les supermarchés interdisent aux exclus le retour à la "normalité" : grilles d'acier, caméras de surveillance et gardes de sécurité ajoutent à l'atmosphère de champ de bataille [...]. Dans leur arrogante inaccessibilité, elles semblent clamer : je te mets au défi ! Mais au défi de quoi ?
Dans les manœuvres de l’élite savante hétérogène (globale), l’« hybridation » est un substitut aux anciennes stratégies d’« assimilation » — ajusté aux nouvelles circonstances de l’époque post-hiérarchie, moderne liquide. Elle s’accompagne, par achat forfaitaire, du « multiculturalisme » — déclaration de l’équivalence des cultures, postulat de leur égalité,
autant que stratégie d’« assimilation » accompagnée d’une vision de l’évolution culturelle et d’une hiérarchie des cultures. La modernité liquide est « liquide » en ceci qu’elle est également post-hiérarchique. Les ordres authentiques ou postulés de supériorité/infériorité, autrefois censés avoir été structurés clairement par la logique irréfutable du progrès, sont
aujourd’hui érodés et fondus — alors que les nouveaux sont trop fluides et éphémères pour se solidifier en une forme reconnaissable et la conserver assez longtemps pour être adoptés comme cadres de référence pour la composition de l’identité. En conséquence, l’« identité » est devenue quelque chose que l’on s’attribue tout seul, le résultat d’efforts confiés aux
individus : résultat il est vrai temporaire, doté d’une espérance de vie indéfinie mais sans doute brève. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         191
« Si tu veux la paix, œuvre pour la justice » ; et, contrairement au savoir, la sagesse ne vieillit pas. L’absence de justice fait obstacle à la paix, aujourd’hui comme il y a deux millénaires. Cela n’a pas changé.
Pour citer Burger à nouveau : " Si un artiste aujourd'hui signe un tuyau de poêle et l'expose, il ne dénonce pas le marché de l'art, il s'y adapte(...) Puisque, aujourd'hui, la protestation de l'avant-garde historique contre l'art en tant qu'institution est acceptée comme de l'art, le geste de protestation de la néo-avant-garde pert toute authenticité."
Les “infos” sont avant tout une machine à oublier, une façon de chasser les titres de la veille de l’esprit du public. Le résultat est un récit qui ressemble à une partition de Stockhausen : une chaîne d’éléments qui ne sont soumis à aucun ordre syntagmatique…
L'amour et la mort frappent, en temps et en heure ; sauf que l'on ne peut savoir quand cela se produira. Quelle que soit cette date, elle vous prendra à l'improviste. Au cœur même de vos préoccupations quotidiennes, l'amour et la mort surgissent ‘ab nihilo’ - à partir de rien.
Si l'amour veut consommer, l'amour veut désirer
... les "infos" sont avant tout une machine à oublier, une façon de chasser les titres de la veille de l'esprit du public. Le résultat est un récit qui ressemble à une partition de Stockhausen : une chaîne d'éléments qui ne sont soumis à aucun ordre syntagmatique...
La raison la plus important, peut-être, pour les intellectuels de concentrer leurs rêves d'avenir sur les travailleurs de l'industrie était que cette fois enfin, les porte-parole de la raison tombaient sur une catégorie de la population peu susceptible de remettre en cause, maintenant ou plus tard, leur autorité... Les travailleurs avaient clairement besoin d'amélioration et de
perfectionnement : ils n'avaient pas d'instruction, étaient ignorants, incapables de saisir des idées amples et complexes.. Au vu de la nature de leur carence, ils ne pouvaient s'améliorer que par celà dont les intellectuels étaient experts : l'enseignement... Les travailleurs donnèrent aux intellectuels la force dont ils avaient besoin...
Notre peur est l’effet d’une politique de l’indifférence promue comme fondement du (non-)rapport à l’autre.
3. [Sur les implications de l'incertitude des liens interhumains, en particulier dans les relations amoureuses]
« Mélange d' "ignorance" (au sens d'incapacité à prévoir ce que l'autre partenaire du lien pourrait faire en réaction à mes manœuvres, ou de quel truc, de quelle ruse, de quelle manœuvre il ou elle pourrait faire usage, mais aussi où et quand) et d' "impuissance" (au
sens où, quand et si je ne suis ni prévenu ni préparé, quand et si je suis à chaque fois surpris, déconcerté ou même perdu, le risque est pour moi permanent de réagir inconséquemment à la situation probablement appelée à survenir), le tout couronné par le coup dur infligé à mon amour-propre par l' "humiliation" de ne pas être à la hauteur, l'expérience de l'état d'incertitude
tend à rebondir en désir d'échapper à la faiblesse, à la fragilité, à la fissiparité, autrement dit à l'infirmité et à l'instabilité des liens. » (Z. B., pp. 90-91)
L’inconnu est, par définition, un agent mû par des intentions que l’on peut au mieux deviner, sans jamais être sur de les avoir pleinement comprises. C’est la variable inconnue de toutes les équations, chaque fois que les citadins réfléchissent à ce qu’ils doivent faire et comment agir. Même si les inconnus ne deviennent pas l’objet d’une agressivité déclarée, même s’ils
ne sont pas ouvertement et activement détestés, leur présence dans le champ d’action reste troublante, rendant difficile de prévoir l’effet des actions et leurs chances de réussite.
Notre planète est soumise au fondamentalisme de la croissance économique. Pourtant, la pauvreté persiste, de manière obstinée. Cela devrait suffire pour que toute personne, un tant soit peu sensée, réfléchisse aux dommages directs et collatéraux engendrés par cette répartition de la richesse.
... le puritain s'est transformé en consommateur, à tous égards son contraire ; un type qui n'est guidé ni par le principe de "plaisir" ni par celui de "réalité", mais par une sorte de "principe de confort", qui ne ferait pas même d'effort au nom du plaisir, qui n'aimerait avec fougue ni ne haïrait passionnément.
2. « Mais que représente vraiment le Web, pour nous et pour notre identité ? Est-ce un monde à part ou bien un complément dorénavant indispensable à cette dernière ?
[…]
Souvent, nous imaginons les commentaires sur les réseaux sociaux comme des fleuves composés des mêmes gouttes d'eau. Mais tout cela ressemble davantage à un lac, couvert d'innombrables gouttes
d'huile : au lieu de se fondre dans l'eau, elles parviennent seulement à montrer qu'elles existent individuellement, sans qu'elles aient réellement un poids. Elles se ressemblent entre elles, c'est vrai, mais pas assez. (T. L., pp. 69-70)
[…]
[Réponse:] Or il y a maintenant deux mondes [hors ligne et en ligne], extrêmement distincts l'un de l'autre […]. Ces deux mondes
supposent des principes et des règles de comportement différents, des lignes différemment tracées entre "ce que nous devrions faire" et "ce que nous devrions nous abstenir de faire", différents langages et codes comportementaux recommandés, utilisés, enseignés et appris. Et pourtant, nous sommes tenus d'habiter dans les deux : de diviser nos heures, nos jours (nos vies?) entre deux
univers, deux codes comportementaux, deux modes de cohabitation et d'interaction distincts. (Z. B., p. 76) » + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         10
Les liens humains tissaient jadis un filet de sécurité, digne qu’on y investisse continûment beaucoup de temps et d’efforts, digne qu’on lui sacrifie les intérêts individuels immédiats – ou ce qui pouvait passer pour l’intérêt d’un individu : ces liens deviennent de plus en plus fragiles et sont désormais considérés comme éphémères.
On peut voir dans la peur le plus sinistre des démons qui se nichent dans les sociétés ouvertes de notre temps. Mais c’est l’insécurité du présent et l’incertitude quant à l’avenir qui engendrent les plus effrayantes et les moins supportables de nos peurs. Cette insécurité et cette incertitude naissent à leur tour d’un sentiment d’impuissance : nous avons l’impression de
ne plus rien maîtriser, que ce soit individuellement, à plusieurs ou collectivement.
L'inégalité sociale dans les pays riches perdure en raison d'une croyance persistante dans les principes d'injustice, et il pourrait être traumatisant pour certaines personnes de réaliser qu'il y a peut-être quelque chose de faux dans le tissu idéologique de la société dans laquelle nous vivons. Comme ceux dont les familles possédaient jadis des plantations d'esclaves trouvaient cela
naturel à l'époque de l'esclavage, et comme il a semblé longtemps naturel de ne pas accorder le droit de vote aux femmes, les grandes injustices de notre temps font seulement partie, pour beaucoup du paysage de la normalité.
Tout se passe comme si l'art port-moderne avait suivi le conseil donné en 1921 par Francis Picabia : " Si vous voulez avoir les idées propres, changez-en comme de chemise."... L'absence de règles clairement définies rend toute innovation impossible. L'art ne connaît pas de développement, peut-être juste un changement sans direction, une succession de modes, aucune forme particulière ne
revendiquant sa supériorité sur les précédentes, qui deviennent par là même, ses contemporaines.