Pour certains scientifiques, l'intérêt majeur de la théorie quantique tient à ce qu'elle peut fournir une base scientifique à leur religion.
L'accouchement fut laborieux. Au début, les pionniers de la nouvelle physique ne furent guère à leur aise. Il leur fallait manier des raisonnements et des concepts profondément différents de ceux qu'ils avaient connus jusque là. Et, pour commencer, comme les voyageurs arrivant aux portes de Thèbes, ils avaient une première énigme à résoudre : qu'est-ce qui se comporte le matin comme une
onde et le soir comme un corpuscule ? Pour y répondre, ils durent inventer une nouvelle façon de décrire le monde : la physique quantique.
Le matérialisme " quantique " n'a pas grand-chose de commun avec celui des siècles qui ont précédé le nôtre. Les notions de déterminisme et d'espace ont pris un sérieux coup de vieux.
A propos des vibrations qui traduisent la chaleur d’un corps, [Max Planck] postule qu’elles ne se répartissent pas suivant toutes les valeurs possibles (fournies par la loi ordinaire de fréquence qui régit le hasard), mais que, au contraire, elles obéissent à une loi déterminée. Si E représente l’énergie d’une vibration et v sa fréquence, il existe une certaine constante h telle
que E/v est toujours h, ou deux fois h, ou trois fois h, ou un autre multiple entier de h. Il ne se produit pas de vibrations pour d’autres quantités d’énergie.
Au sortir de la première guerre mondiale, Paul Valéry résumait d'un mot célèbre la "Crise de l'esprit" qui venait de secouer l'Europe : "Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles". Un quart de siècle plus tard, nous autres civilisations saurons aussi que nous ne sommes pas civilisées. Nous saurons surtout que notre raison a enfanté des monstres, mais, à
la différence du tableau de Goya, cela ne s'est pas produit durant notre sommeil.
En décembre 1933, le Völkischer Beobachter (organe officiel du parti nazi) annonçait que 'Mein Kampf' devait devenir "la Bible du peuple allemand", destinée, selon les termes de Hitler, à le "fortifier" dans sa "mission rédemptrice". D'abord confidentiel, l'ouvrage se vend à 1,5 million d'exemplaires jusqu'en 1935. Dès 1936, il devient le cadeau de mariage de l’État aux couples
allemands.
C’est l’entrée d’une impression dans notre conscience qui altère la fonction d’onde car elle modifie notre évaluation des probabilités pour les différentes impressions que nous nous attendons à recevoir dans le futur. C’est à ce moment que la conscience entre dans la théorie de façon inévitable et inaltérable. […] En physique quantique, l’être conscient a obligatoirement
un rôle qui est différent de celui d’un appareil de mesure inanimé.
Wigner, physicien idéaliste
Hergé fut notre instituteur, nous invitant à considérer les autres cultures comme équivalentes à la nôtre. Ce qui est, au fond, la grande révolution philosophique du siècle : la mise sur un pied d'égalité de toutes les civilisations. Les autres ne sont plus des primitifs qui doivent nous rejoindre sur le chemin du progrès et de la civilisation, mais des semblables en qui nous avons à
nous reconnaître.
Illustrons donc ici le paradoxe d'Einstein-Podolsky-Rosen. Le pêcheur, accompagné de son fils, vient encore une fois de prendre deux petits poissons dans un ruisseau, et les amène encore vivants jusqu'à une mare assez spéciale. Cette mare en effet, située sur un monticule, est drainée en son fond par deux dérivations qui amènent l'eau jusqu'à deux petites mares vides situées en
contrebas ; ces dérivations sont obstruées chacune par une petite écluse.
Le pêcheur jette les deux petits poissons à l'eau ; aussitôt ils se dissolvent en une étrange combinaison de deux poissons solubles. Puis le pêcheur et son fils relèvent chacun une des écluses. L'eau s'écoule complètement vers les deux petites mares, et finalement chacune de ces petites mares contiendra un
poisson soluble, alors qu'il n'y aura plus ni eau ni poisson dans la mare principale (en fait les deux poissons continuent à ne former qu'un seul être, c'est-à-dire qu'ils sont couplés par un lien mystérieux « hors espace » que nous ne pouvons évidemment pas représenter ; en toute rigueur, il vaudrait mieux dire que chaque mare contient une partie de a combinaison des deux poissons
solubles).
Le pêcheur jette sa ligne dans la petite mare de droite, tandis que son fils s'allonge sans rien faire près de celle de gauche. Mais quand le poisson de la mare de droite mord à l'hameçon et est sorti de l'eau, immédiatement le poisson de la mare de gauche jaillit lui aussi de l'eau et est projeté auprès du fils du pêcheur, qui n'a plus qu'à le ramasser sur l'herbe.
C'est la célèbre expérience d'Aspect ; elle a été faite non pas avec des poissons mais avec des photons, c'est-à-dire des grains de lumière, et avec des spécifications expérimentales différentes quoique analogues. D'autres personnes ont fait la même expérience avec des protons, c'est-à-dire des noyaux d'atomes d'hydrogène. Et ça marche !
C'est précisément l'expérience
d'Aspect et les expériences analogues qui ont définitivement établi que les entités quantiques se comportaient comme nos poissons solubles, et non comme des objets normaux. Ce sont ces expériences qui ont conduit les physiciens à remettre en cause la notion d'espace. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         90
Aux débuts de la physique quantique, on avait coutume de dire que, dans le domaine de l’infiniment petit, le physicien se trouve un peu dans la situation d’un homme qui voudrait étudier un oiseau de nuit inconnu. Pour ce faire, il a deux possibilités : ou bien il braque un projecteur sur le volatile et peut alors décrire parfaitement sa morphologie, mais pas son comportement, car
l’oiseau, ébloui, se tiendra immobile ; ou bien il n’utilise pas de projecteur et peut alors observer dans la semi-obscurité le comportement de l’animal, mais pas sa morphologie. […] Donc, toute opération de mesure d’un système microphysique provoque automatiquement une altération de ce système.
Richard Feynman (prix Nobel en 1965) a proposé une méthode de calcul permettant de calculer plus facilement les termes des matrices [de Heisenberg], à l’aide de diagrammes ou graphes sur lesquels on plaque ensuite des formules établies une fois pour toutes. Or dans certain cas ces graphes comprennent des portions où le temps est parcouru à l’envers !
« Plus je considère la partie physique de la théorie de Schrödinger, plus elle m'apparaît répugnante », proclame Heisenberg. « La lecture des écrits de Heisenberg m'a rebuté, sinon dégoûté », rétorque Schrödinger. Les théoriciens sont rarement tendres entre eux, sauf lorsque leurs doctrines se confortent mutuellement. .. Finalement, c'est un physicien anglais, Paul Dirac, qui
réconciliera les deux adversaires en unifiant leurs théories.
Une poule couve dix œufs. Un gamin facétieux remplace en cachette un de ces œufs par un œuf de cane. Lorsque les œufs éclosent, la poule est bien forcée de s’apercevoir que l’un de ses poussins n’est pas du tout comme les autres. Elle a alors le choix entre trois attitudes.
Tout d’abord, elle peut s’efforcer de repousser le caneton à coups de bec : c’est ce que font tous
ceux qui essaient de remplacer la physique quantique par une autre théorie.
Elle peut aussi décréter : « c’est un poussin », et ignorer superbement la différence. C’est ce que font les physiciens qui déclarent qu’il ne s’est rien passé, qu’il suffit de « penser la non-séparabilité ».
Elle peut enfin reconnaître que ce poussin n’est pas du tout comme les autres,
mais l’adopter quand même. Elle dit alors : « Il est vraiment différent des autres, je ne comprends pas pourquoi, mais il est là et je le garde ». C’est, à notre avis, la bonne attitude vis-à-vis de la physique quantique.
Le génie d'Hergé? Ses ciréations survivent à leur date de naissance et s'enrichissent de l'apport de chaque génération, de chaque lecteur.
Il faut imaginer Phillipulus enfant, écolier triste, moqué de tous, rêvant de prendre sa revanche, tissant de multiples théories du complot;
il faut imaginer Abdallah père de famille, gâtant ses petits vauriens et tentant un peu
tard un compromis boiteux entre l'affection et l'autorité.
Il faut, imaginer,enfin, les enfants ou les petits-enfants de Séraphin Lampion. Ils sont devenus bobos, écolos, traders, avocats, artistes, ce sont des rebelles, des êtres du mouvement. Ils ont honte de leur ancêtre et de ses plaisanteries minables. Mais eux aussi obéissent aux nouveaux conformismes. ils se croient
originaux, ils sont, comme chacun de nous, dictés par l'opinion ambiante et se ressemblent dans l'illusion d'être uniques. Ils ont leurs comiques attitrés qui sévissent sur les ondes ou le petit écran, se croient drôles et sont tout simplement pathétiques et méchants.
C'est la revanche terrible de Séraphin Lampion qui rigole inlassablement depuis l'au-delà, et nous tend le
miroir de notre propre bêtise.
(contribution de Pascal Bruckner) + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         70
Supposons maintenant que la mare représente une boîte absolument vide, à l’exception d’un électron solitaire figuré par le poisson […]. Le dispositif de pêche […] symbolise une sonde introduite dans la boîte et pouvant, d’une façon ou d’une autre, interagir avec l’électron et produire alors un signal visible par un observateur. Quand le signal apparaîtra, l’observateur
normalement constitué en conclura que l’électron a rencontré la sonde, et qu’auparavant, il se déplaçait dans la boîte. Il aura tort. Avant d’interagir, l’électron occupait toute la boîte, avec une probabilité plus ou moins grande d’être détecté en tel ou tel endroit. C’est comme si avant de mordre le poisson occupait toute la mare, avec des endroits où il était plus
dilué et d’autres où il était plus concentré.
Si le débat philosophique traditionnel se poursuit à travers la physique quantique, il est complètement renouvelé, et la variante couramment dite « rationnelle » du matérialisme, c’est-à-dire la variante locale et déterministe, a été radicalement éliminée.