Sandro Veronesi
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Ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre. À vrai dire, personne n’est fait pour personne, et des gens comme Marina Molitor ne sont même pas faits pour eux‑mêmes.

Sandro Veronesi
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(...) il passait dans la partie alimentation est volait de quoi manger. C'était un jeu d'enfant parce que dans cet endroit on se servait tout seul et qu'on partait payer à la caisse. C'est-à-dire, les cons ou les riches allaient payer : les gens comme lui ou Maddalena se dirigeaient droit vers la sortie, butin dans le slip et personne ne remarquait rien.

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" je n'ai pas envie de dire qu'on vit mieux ici qu'en Calabre.
_ Alors pourquoi tu restes ?
_ Parce qu'on vit mieux ici qu'en Calabre, s'esclaffait Rase-Meche. Sauf que je n'ai pas envie de le chanter sur les toits."

Sandro Veronesi
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... c'est le jour zéro et en conclusion soit on est le voyageur que j'ai toujours été qui accuse le paysan de ne rien savoir soit on est le paysan que je serai dorénavant et qui gentiment et en continuant à piocher lui répond oui monsieur c'est vrai monsieur moi je ne sais rien monsieur mais celui qui s'est perdu c'est vous.

Sandro Veronesi
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[Adele, qui vient d'accoucher, à son père:]
"Tu as vu, papa? Beau début. L'Homme du Futur est une femme."

Sandro Veronesi
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Pommette, commissure de la bouche, lobe de l'oreille, boucle d'oreille...
Je suis en train d'embrasser des détails.
Je garde les yeux ouverts, je veux voir ce que j'embrasse : ce sont des détails d'une blancheur émouvante, des parties du corps marginales, hors échelle, parce que désormais cette femme ne tient plus tout entière dans mes yeux : comme si elle était devenue infinie,

imaginaire.

Sandro Veronesi
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Tout propos d'ailleurs, même le plus ridicule, prononcé peu avant la mort de quelqu'un, frôle la frontière obscure de la prophetie, mais il ne faut jamais oublier que le temps ne s'écoule que dans un sens, et que ce qu'on voit en le remontant est trompeur. Le temps n'est pas un palindrome : en partant de la fin et en le parcourant à l'envers dans son entier, il semble prendre d'autres

significations, inquiétantes, toujours, et il ne faut pas se laisser impressionner.

Sandro Veronesi
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(...) il n'y avait rien de sportif dans ses talents de footballeur qui se manifestaient au cours de leurs petits matches et que les gamins de bonnes familles lui enviaient, parce que, avec les mêmes talents, eux auraient pu entrer dans un club et commencer une grande carrière : pour lui, ce n'était qu'une façon d'exister - la seule qu'il connaissait.

Sandro Veronesi
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J'ai pensé aux abeilles, aux colibris, qui pour s'immobiliser dans l'air doivent agiter leurs ailes à une rapidité incroyable. C'est le cas de mon personnage qui, pour s'immobiliser, a besoin d'une agitation intérieure incessante.

Le Monde des Livres 25 avril 2008, à propos de Pietro Palladini, le héros de son roman Chaos calme.

Sandro Veronesi
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[il] proposa ensuite de participer, joua, se défoula et se donna en spectacle, renouant ainsi à taper dans le ballon, avec le plaisir inégalable de se sentir supérieur - seule véritable satisfaction qu'il eût jamais connue; et il lui sembla possible, mais oui, de continuer sa vie de résidu sans être obligé de renoncer à ces petits triomphes.

Sandro Veronesi
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Le jugement qui accompagne nos actions ne qualifie que ce que nous sommes, pas ce que nous étions avant.

Sandro Veronesi
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Vois-tu, à l'université, j'ai fait des etudes de physique. Et je me suis souvenu avoir appris qu'un atome, en passant d'un état à l'autre émet une particule de lumière appelée photon. Et surtout je me suis rappelé la question qu'on m'a posée à l'examen sur ce sujet : d'où sort ce photon? Comment apparait-il? Où etait-il avant? Ce n'était pas dit dans notre cours : c'était une façon

de voir si j'avais réfléchi. Et moi qui n'avait pas reflechi, j'ai dit une bêtise : j'ai dit que le photon se trouve déjà dans l'atome. Alors on n'a expliqué que non, le photon n'est pas du tout dans l'atome. Le photon apparait au moment même où a lieu la transition de l'électron, et il apparait précisément à cause de cette transition. Tu comprends? C'est une notion très simple : les

sons que ma voix produit en ce moment ne se trouvaient pas en moi.
Voici comment j'ai reussi à me résigner à la malhonneteté de Jean-Claude sans devoir effacer trente ans de ma vie : les actions qu'il a commises ces deux dernières années n'étaient pas en lui. Comme les photons, elles sont apparues à un moment bien précis, pour des causes bien précises. + Lire la

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Sandro Veronesi
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Les jours qui ont suivi le massacre ont été les pires de ma vie, et je m'en souviens à peine. Du moins comme jours, comme succession d'heures qui scandent le temps, je m'en souviens à peine : je me souviens plutôt de tout un ensemble d'angoisse, de déplacements, d'attentes, de peurs, de questions, de froid, de silence, de lassitude, de stupeur, d'impuissance, tout cela comme renversé

pêle-mêle dans ma vie, sans ordre, sans un véritable écoulement. Dévider cette pelote, faire la distinction entre l'avant et l'après et raconter ces jours-là en suivant un fil chronologique, ça m'est impossible : dans ma mémoire il ne s'agit désormais plus que d'un encombrement unique, comme si le temps s'était arrêté, voilà, à l'instant où j'étais descendu de cette motoneige, et

qu'à partir de là, ensuite, tout eût commencé à arriver simultanément.

Sandro Veronesi
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Je ne ferai plus rien dorénavant car en réalité quoi que je puisse faire, je leur faciliterais la tâche. Je resterai immobile, j'attendrai, je me montrerai, mais je serai comme ces étoiles qui sont déjà mortes et qui pourtant continuent à briller parce qu'elles sont très éloignées. Ma façon de travailler dorénavant sera de ne pas travailler. Ma façon de communiquer sera de ne pas

communiquer.

Sandro Veronesi
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Qu’est-ce qu’une fusion ? Une fusion est le conflit de deux systèmes qui en crée un troisième pour des finalités financières. Elle est conçue pour générer de la valeur, mais la génération de valeur est un concept bon pour les actionnaires, ou pour les banques d’affaires, pas pour les êtres humains employés dans les entreprises, pour qui au contraire la fusion est le plus violent

traumatisme qu’on puisse leur infliger au travail. (p. 167).

Sandro Veronesi
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Le message est de Lello, aucun doute. Preuve en est cette avalanche de points de suspension et les majuscules. Je n'ai jamais vu Lello utiliser de virgule ou de point, il ne connait que les points de suspension. Quand il écrit, on dirait un moteur qui n'aurait qu'une vitesse: il est tout de suite en surrégime (les majuscules) et doit vite débrayer (points de suspension).

Sandro Veronesi
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"Non, mais tu as vu cette bande de nazes?". Carlo explose tandis que nous descendons le chemin entre les dunes. Et c'est un vrai bonheur de le lui entendre le dire, car alors, je peux le dire moi aussi, nous pouvons en parler ensemble, et donc affirmer que, tout bien considéré, ces gens nous indiffèrent totalement, l'important c'est que nous soyons en vie, que nous soyons frères, que nous

ayons accompli ensemble un geste que personne d'autre ne pouvait accomplir, comme çà, par générosité, et que bientôt nous le racontions à des personnes qui nous attendent et qui nous aiment.

Sandro Veronesi
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Il ôta ses chaussures , étala une couche de gravier à l'intérieur, se rechaussa et se campa sur ses jambes de tout son quintal. Il sentit aussitôt une douleur aiguë. il fit deux ou trois pas , mais la douleur croissante le poussa à alléger d'instinct sa démarche, avec pour résultat qu'il semblait marcher sur des œufs. Alors il s'arrêta, prit une profonde inspiration et quand soudain il

repartit, sans précaution, à grandes enjambées vigoureuses comme à son habitude, la douleur devint insupportable. "Je la supporterai " se dit le père Spartacus et il continua , se dirigeant vers le sanctuaire pour préparer l'office du matin.

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San Giuda est un petit hameau de 42 âmes perdu dans les montagnes du nord de l'Italie. Chaque matin, à 10 heures, le traineau de Beppe Formento, qui tient un centre équestre de l'autre côté du bois, arrive avec ses quelques touristes, pour une visite éclair du village avant de repartir d'où il est venu. Tous les jours, sans exception. Imaginez donc la consternation des habitants lorsque,

par un matin de novembre, le traineau se présente vide sur la place du village, tiré par un seul des deux chevaux, terrorisé et les yeux révulsés.

Sandro Veronesi
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Non mais c’est écrit où qu’on ne sourit plus à un enfant de quatre ans? Ou alors vous ne lui souriez pas avant non plus, ça vaudrait mieux, non? Même quand il est dans son landau, nom de Dieu. Toi, la mère, tu te crèves la paillasse avec ton gosse, tu t’occupes de lui jour et nuit, tu te sacrifies, tu lui prodigues tous les soins, et tu ne demandes rien en échange, tu le fais,

c’est tout. Puis tu sors, tu l’accompagnes chez le médecin, tu l’accompagnes à la crèche, tu retournes le chercher, tu l’emmènes avec toi au supermarché, et tous les gens que tu rencontres, tous, même ces connards de touristes, quand ils te rencontrent avec lui, ils te sourient. Ils sourient à l’enfant, à cause de l’enfant, mais ils te sourient aussi à toi, ils sourient à ce

que vous êtes ensemble. [...] Ces sourires sont de l’énergie qu’on met à ta disposition, et tu t’habitues à en disposer, tu penses qu’en dépit de tout ce qui déconne dans ta vie, quand tu es avec lui, il y a de grands sourires pour toi.[...]

Mais soudain, d’un jour à l’autre, vous arrêtez : ça s’est passé avec Giovanni, quand il avait quatre ans et ça m’a

sacrément secouée. J’allais dans les magasins, je me promenais dans la rue, je venais vous voir, et personne ne me souriait plus. Alors quoi, avais-je envie de vous demander, il est trop grand? A quatre ans? + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          40