Pascal Ory
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Tous les fascistes français de 1940 ne jouèrent pas la carte de la collaboration, mais les collaborationnistes de 1944 étaient tous devenus des fascistes.

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Il y eu bien en 1940, un "consensus" français à la dictature.

La parole collaboratrice s'est constituée sur fond de silence, le silence des garants convenus de la démocratie française, depuis les grands corps de la République jusqu'à son intelligentsia justificatrice, depuis les classes moyennes du radicalisme bon teint jusqu'au prolétariat des espoirs ultimes.

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Une anecdote veut qu'en arrivant à Paris, le premier gouverneur allemand ait eu en poche une lettre qui lui assignait deux objectifs non militaires à contrôler en priorité.
L'Hôtel de ville et la NRF. La deuxième partie de ce programme a été remplie, sans difficultés insurmontables.

Passant de la partie au tout du monde littéraire français, on peut se demander si la

réussite n'a pas été plus satisfaisante encore.

Pascal Ory
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Qu’est ce qu’une nation ?
Ma réponse tient en six mots : c'est un peuple qui devient le Peuple. Une série de rapports de force, de dispositifs géographiques, de mouvements de population puisque ces peuples peuvent être nomades (...) Font qu'un beau jour, puisque dans la mythologie nationale c'est indispensable, mythologie, ce n'est pas du tout négatif car c'est cela qui

construit les communautés quel qu'elles soient, ça rencontre la grande Invention politique moderne entre le 16e et le 18e siècle qui est la souveraineté populaire . Et cela se passe sous nos yeux en ce moment avec la Catalogne, la Nouvelle-Calédonie, l'Écosse ou le Kurdistan.

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En 1942, symbole suprême, la rédaction [de Je suis partout] émigre du quartier d'Alésia à la rue de Rivoli. Malgré l'abandon de Pierre Gaxotte, l'équipe est, il est vrai, plus dynamique que jamais. Elle perd Claude Roy, passé insensiblement à la Résistance et au communisme, mais elle gagnera d'autres jeunes, Claude Maubourguet, F.-C. Bauer, Michel Mohrt, Lucien Combelle surtout, ancien

secrétaire de Gide. Elle s'assure plus que jamais les signatures d'Anouilh (leocadia) et de Marcel Aymé (Travelingue), de Drieu et de La Varende.

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La religion de l'art est ce qui reste quand on a tout oublié des autres. "Créateur" : au temps du Bernin, on écrivait ce mot avec une majuscule, et il était bien certain qu'il n'y en avait qu'un. Aujourd'hui, il peut s'appeler aussi bien Samuel Beckett que Karl Lagarfeld ; au reste pourquoi pas ? Il n'y a pas de religion de l'Art, il n'y en a que des preuves, et elles sont maintenant partout,

de Rome à Kyoto, d'Ispahan à Machu Picchu, du Louvre au Madison Square Garden. L'art est une religion moderne en ce qu'elle a pour centre moins le dieu que l'artiste. La religion moderne est polythéiste. Elle reconnait en chaque oeuvre une part de divinité [...]. Devant cette pyramide d'Egypte, ce tableau du Caravage, ce poème de Rimbaud, ce film d'Orson Welles, ce solo de Janis Joplin, les

fidèles se recueillent, ils entrent en oraison.

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Si certains soixante-huitards se sont perdus, globalement ils n'ont pas perdu.

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Le personnage de Marc Augier, le futur Saint-Loup, résume un peu tous ces destins, dans la mesure où il s'est trouvé là pour en chanter les premiers jours comme les derniers. En 1936, c'est encore l'une des voix les plus caractéristiques du Front populaire puisqu'il est le rédacteur en chef de la revue du CLAJ (Centre Laïc des Auberges de la Jeunesse), le Cri des auberges, où il célèbre

la santé du corps, l'excellence du plein air, l'internationale de la jeunesse.

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Lorsque, quatre ans plus tard, le 10 mai 1939, Marcel Roy, de la Fédération des métaux CGT , énonce encore le vieil adage : " Mieux vaut la négociation que la guerre", Hitler a, entre-temps, annexé et Nazifié sans coup férir l'Autriche, les Sudètes, la Bohême-Moravie et parle maintenant de Dantzig.

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Pour un Lafont (Henri Chamberlain), gérant à la veille de la débâcle du mess de l'Amicale de la préfecture de police, c'est le moment de compenser une enfance sans pitié et un casier judiciaire chargé. L'astuce qu'il a dû affiner pour survivre, les bonnes relations qu'il a pu lier avec les malfrats, il va désormais les utiliser au service d'une force triomphante et de sa propre gloire. A

son zénith, "Monsieur Henri" roulera en Bentley, s'entourera d'orchidées et de comtesses, et ses derniers mois seront hantés de rêves mégalomaniaques caractérisés.

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Aspirant au changement face aux insuffisances étalées du système capitaliste et du régime républicain, en ajoutant la " liberté" au " pain " et à la " paix ", le Front populaire présentait une option.

Il était inévitable que ses adversaires missent " l'ordre " à la place.

Pascal Ory
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Dans les colonnes d'une presse zélée où, à côté des classiques et romanesques Film complet (125000 exemplaires au printemps 1941) ou Vedettes, s'illustre le corporatif le Film, sans oublier les chroniques cinématographiques des organes d'information, Zarah Leander remplace Marlène Dietrich, les comédies viennoises tâchent de faire oublier les musicals américains et de "charmantes

idylles berlinoises" la guimauve judéo-ploutocratique. La mise au service de la propagande est sans ambiguïté quand, dans le flot des titres à louanger, figurent soudain l'anglophobe Président Krüger, de Hans Steinhoff, présenté en septembre 1941 à Paris, le jeune Hitlérien (Quex) en 1933, "chef-d'œuvre du cinéma politique" pour le critique italien fasciste Lo Duca, ou l'antisémite

Juif Süss (1940) de Veit Harlan, présenté en février 1941. Toutes versions diffusées évidemment en langue française, doublées par des comédiens connus.

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En jugeant, dès 1974 (dans 'Faire de l'histoire') que l'histoire des mentalités "semble déjà passée de mode", le médiéviste Jacques Le Goff rend sans doute compte d'un désintérêt, dont ne témoigne aucunement la bibliographie, qui continue, au contraire, à faire ample moisson de travaux sur de tels objets - comme en témoigne, à titre d'exemple, l'oeuvre de Robert Muchembeld

[Muchembeld, 1988]-, que d'une insatisfaction épistémologique devant une démarche qui a pu chercher, par exemple, à établir un lien au sein du baroque européen entre 'mentalité pathétique' et 'révolution sociale' (Mandrou). La démonstration par un Alain Corbin à partir du 'Miasme et le jonquille' [Corbin, 1982] ou un Robert Darnton à partir du 'Grand massacre des chats' [Darnton, 1984]

qu'une enquête novatrice sur les sensibilités pouvait faire peu de cas de l'oubli quantitatif comme de la perspective sociologique accéléra le déclin de la formule, sans invalider le questionnement.

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-Vous outragez la sensibilité du public ! Et les enfants, vous avez pensé aux petits enfants ?

- Eh bien, interdisez les spectacles obscènes : les parades militaires, les publicités mensongères, les matchs de boxe...

- Vous mélangez tout. Le sexe est sale. Les parties honteuses, les jambes, les cuisses, le ventre, la poitrine, les oreilles, la bouche... et puis les

pensées qui y pensent et puis les pensées qui n'y pensent pas mais qui y pensent quand même.

- Et puis la vôtre, à ce que je comprends, qui y pense toujours. (p.95/96)

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Croire à l'absence des dieux, c'est toujours croire. Je ne crois pas, je respire ; mon corps respire qu'il n'y a pas de dieu et ma tête conclut que c'est bien dommage.Mais ce n'est pas ma faute s'Il s'obstine à ne pas exister. (p.19/20)

Pascal Ory
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Le système technique d'une époque est beaucoup plus l'enfant de la société que l'inverse. Chaque société, à chaque époque, se donne les moyens techniques correspondant à sa représentation du monde, et ce n'est que dans un second temps que ces moyens modèlent, à leur tour, notre représentation du monde.

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Lainé mobilise dès lors l'attention et tente, à l'échelle des enjeux du séparatisme breton, de se faire confirmer comme Darnand par une légitimité civile sa prépondérance armée. Il s'assure en janvier 1944 le delphinat de Debauvais, agonisant à Colmar et dont le testament politique appelle à "revenir à 40" : " Nous combattons aux côtés de l'Allemagne parce qu'elle défend des

valeurs de civilisation qui sont les nôtres contre la liquidation individualiste et le matérialisme communiste ou anglo-saxon".

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Nous reviendrons plus loin sur le PPF de l'occupation, la personnalité de son chef et de ses responsables. Le financement occulte du mouvement par l'Italie fasciste ne méritait pas non plus qu'on s'y arrête - trois banques israélites figurent aussi parmi les bailleurs de fonds.

Pascal Ory
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Sommaire

1. Fondements de la pensée politique moderne (Les Temps modernes)
1.1. XVIIe siècle : apogée et crise des absolutismes ("Etat")
1.1.1. De Hobbes à Locke
1.1.2. Critiques théoriques et pratique de l'absolutisme
1.1.3. La politique rêvée
1.2. Politique des Lumières ("Bonheur")
1.2.1. Despotisme éclairé ?
1.2.2. Montesquieu

1.2.3. Rousseau, rousseauismes
1.3. Le choc révolutionnaire ("Nation")
1.3.1. La Révolution "modérée"
1.3.2. Le radicalisme révolutionnaire
1.3.3. La Contre-Révolution
2. Trois voies qui s'ouvrent (La révolution industrielle)
2.1. Le libéralisme ("Liberté")
2.1.1. Le Royaume-Uni, conservatoire du libéralisme
2.1.2. Le libéralisme

français à l'épreuve du pouvoir
2.1.3. Tocqueville
2.2. Le socialisme sans Marx ("Egalité")
2.2.1. La théorie politique face à la société industrielle
2.2.2. Les premiers socialistes
2.2.3. Proudhon et son héritage
2.3. L'hégélianisme ("Histoire")
2.3.1. La pensée du politique chez Hegel
2.3.2. La gauche hégélienne
2.3.3.

Formation de la pensée de Marx
3. Solutions du XIXe siècle (L'apogée de l'Europe)
3.1. La révolution sociale ("Prolétariat")
3.1.1. Marxisme de Marx, marxisme d'Engels
3.1.2. Le débat marxiste au tournant du siècle
3.1.3. Anarchisme et syndicalisme révolutionnaire
3.2. Le progrès ("Progrès")
3.2.1. D'Auguste Comte au positivisme républicain

3.2.2. Un démocratisme libéral
3.2.3. Théories socio-politiques de la lutte pour la vie
3.3. Trois réflexions en marge ("Communauté")
3.3.1. L'individualisme radical : Stirner et Nietzsche
3.3.2. Essai d'une politique chrétienne en Europe jusqu'en 1914
3.3.3. La nouvelle droite de la fin de siècle
4. Les nouvelles synthèses du XXe siècle (Les guerres

du XXe siècle)
4.1. Sous le signe de la révolution russe ("Internationalisme")
4.1.1. Lénine et le léninisme
4.1.2. Le stalinisme, avant, pendant et après Staline
4.1.3. Le débat marxiste à la lumière russe
4.2. La solution fasciste ("Autorité")
4.2.1. Le fascisme italien
4.2.2. L'hitlérisme et ses antécédents allemands
4.2.3. Les

convergences fascistes
4.3. La remise en question du modèle libéral ("Démocratie")
4.3.1. "Troisièmes voies" à la française
4.3.2. Théorie et pratique de la social-démocratie
4.3.3. Le keynésianisme, avec et sans Keynes
5. L'éclatement (La décolonisation)
5.1. Tiers monde et tiers mondisme ("Indépendance")
5.1.1. Nationalisme et socialisme.

Fanon
5.1.2. Mao et alentours
5.1.3. Théories politiques de l'Islam contemporain
5.2. Nouvelles questions au politique ("Autonomie")
5.2.1. Psychanalyse et politique
5.2.2. Politique des libérations sexuelles
5.2.3. Une "pensée 68" ?
5.3. Interrogations occidentales ("Individu")
5.3.1. Critiques du "totalitarisme"
5.3.2. Libéralismes

classique et renouvelé
5.3.3. Situation idéologique de cette fin de siècle + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          50

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Le gastronome, dans son type achevé, n'est pas cuisinier de profession. Il est homme de lettres, au moins en amateur. Sa vraie table n'est pas celle où il mange mais son bureau où il écrit, tout bien pesé et digéré, la chronique ou le traité. (...) On ne parle pas la bouche pleine, a édicté la civilisation des moeurs; on ne parle pas à table, ont même prescrit saint Benoît et, dans

une autre perspective, certains codes stricts de la bourgeoisie triomphante; mais après, on peut se rattraper, conformément au mot attribué à Talleyrand énonçant que, après le détail à l'oeil, à l'oreille et au nez des caractéristiques d'un bon vin, l'étape suivante n'était pas de le boire mais d' "en parler". Les hommes de l'art, au sens ancien d' "arts et métiers", entendons les

cuisiniers, ont parfois noté, et moqué, l'incompétence technique de Monselet ou de Curnonsky, voire de Brillat-Savarin, sans parler du baron Brisse. Mais c'est que le gastronome sera non celui qui sait le plus, mais celui qui parle le mieux. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          40