Martine Laffon
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« Depuis le début de la guerre, bien que de milieux différents, ils étaient devenus proches. Blanchard, paysan de la Beauce, costaud, trapu, la moustache brune ne bataille, ne se faisait aucune illusion sur l’humanité. Il essayait souvent de convaincre Drouault, l’instituteur parisien raffiné, épris de poésie et de littérature, empreint d’idéalisme avec un sens exacerbé du devoir,

de l’imbécillité de la vie et de la terre toute entière. (p.19)

Martine Laffon
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"Ulysse a besoin de temps pour revenir à Ithaque, son île natale. Ce sera pareil pour nous."

Martine Laffon
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Les héros meurent à la guerre, sur le champ de bataille, ils font leur devoir de soldats et s'écroulent pour la patrie. Mais les salauds de lâches sont encore vivants. Pourtant, Ulysse était rentré chez lui et c'était un héros. Personne ne l'avait reconnu sauf son chien. (...)
Il se bouchait les oreilles chaque fois que sa mère l'appelait en criant: "Jean-Jean, tu es là?" Il avait

l'impression qu'elle lui reprochait de ne pas pouvoir porter le deuil, comme toutes ces femmes admirables dont le fils avait été tué au front. (p.115)

Martine Laffon
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140 000 Chinois, travailleurs civils et volontaires, furent envoyés durant la première guerre mondiale en France, comme main d’œuvre, de 1916 à 1918.
40 000 furent recrutés par les autorités françaises, et furent répartis dans toute le France dans les usines, les ports ou les mines, les exploitations agricoles ou forestières.
100 000 furent incorporés sous autorité

britannique (Chinese Labour Corps), pour des travaux pénibles de terrassement, dans la zone du front, ou à l'arrière, et aussi pour travailler dans les usines d'armement. Certains creusèrent des tranchées ou construisirent des abris militaires, réparèrent les routes ou des voies de chemin de fer. Les camps étaient situés à l'arrière, non loin du front, et principalement dans le Nord de

la France. Leur contrat de travail stipulait que les travailleurs chinois ne pouvaient pas participer aux travaux militaires et devaient rester au minimum à 16 km du front. Plusieurs camps furent bombardés par les Allemands.
La Chine jusqu'alors neutre depuis le début des hostilités européennes, entra officiellement en guerre contre l'Allemagne en 1917; elle espérait grâce à l'effort

de guerre fourni par ses travailleurs, obtenir la restitution des territoires du Shandong passés sous le contrôle allemand à la fin du XIXè siècle. Mais "les alliés décidèrent de livrer au Japon les concessions allemandes de la province du Shandong d'où venait la majorité des travailleurs", ce qui déclencha, en 1919, de nombreuses protestations et manifestations patriotiques dans cette

province, prolongées par l'idée qu'il était urgent de construire une Chine désormais moderne et puissante. Le parti communiste chinois naîtra en juillet 1921. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          180

Martine Laffon
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Combien d'années, combien de saisons à se battre?
Ils allaient repartir au front, à l'assaut, sous les balles et les obus, la peur au ventre. Maintenant, il en était certain, il ne reverrait jamais les blés murs de la Beauce en été, et il n'entendrait plus, sans doute, le chant du rossignol à la tombée du soir et tout ce qu'il aimait parce que c'était chez lui, parce que c'était

sa terre. C'était bête, il n'avait jamais connu ça avant, ce sentiment là, l'angoisse terrible de mourir pour rien, d'être sacrifié.

Martine Laffon
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Archi s'endormit...
La nuit et la neige glissaient sans bruit sur le toit
De sa maison.
Et ziiiiiip !
Elles lui tricotaient des rêves...ziiiiiip !

Martine Laffon
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Quand elle est arrivée ici, Louise, on lui a donné un tablier bleu comme aux autres, elle n'a rien dit, ni merci, ni rien. Depuis, toute la journée elle fixe un point n'importe où, sur le mur, au plafond, par terre, la tache sale au pied du lit, et elle croit voir sa maison aux volets verts, le potager au fond du jardin, les bordures de thym et de sariette, et les touffes de romarin...

Louise se balance sans rien dire, son regard perdu suit le tour et les détours de sa vie. Une petite vie de rien avec un rien de bonheur pas plus grand qu'une graine de capucine.

Martine Laffon
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Partout, dans les villages, de tribu en tribu, on raconta les exploits de Maghan Diawara, "le grand chasseur qui ne revient jamais bredouille car son cœur est en paix avec tous."...
Ce qui est dit est dit, cette histoire, là où je l'ai prise je la remets, et les griots savent qu'elle est vraie.

Martine Laffon
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« Drouault repartait quand Li Jian le rattrapa par la manche. Il lui sourit, gêné. Comment cet homme, qui avait tant de compassion pour les autres sortirait-il de cette guerre ? Ou plutôt...pensa Li Jian, qu'est-ce qui le ferait tenir ? Leurs regards se croisèrent et, tout à coup, ils tombèrent dans les bras l'un de l'autre, comme des camarades, et Drouault lui donna le poème. Ils se

séparèrent ainsi ; l'un avec le dessin d'une pie, ignorant qu'elle était le symbole du bonheur, l'autre avec deux strophes de Baudelaire qu'il ne savait pas lire. »

Martine Laffon
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Blanchard en avait rêvé de ces soirées paisibles, après une longue journée à travailler sa terre. Et aux sifflements des obus, il avait opposé courageusement le chant du rossignol qui, dans le verger, lançait ses trilles amoureux. Un tableau idyllique, une image sacrée, pour ne pas sombrer. Mais il ne retrouvait rien de ce qu'il avait imaginé.
[...] Trois ans de combats, déjà.

Blanchard était foutu, bousillé, cassé, incapable de retrouver sa place dans un monde qui n'était plus le sien. Un matin, il était allé acheter du pain au village et la vendeuse lui avait juste demandé "Comment ça se fait que vous n'êtes pas mort ?" (p. 114-115)

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- Ne tirez pas ! intervient-il. Ce sont des travailleurs chinois recrutés pour l'effort de guerre. Ils vont déblayer les routes pour nos soldats !

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Quand il n'y aura plus d'hommes de quinze à quarante-neuf ans à mobiliser, qu'est-ce qu'ils feront ? Ils enverront les femmes et les enfants ? (p. 102)

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Méfie-toi Achille, ce que l'on me refuse, je le prends tout seul.

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La chanson de Craonne - 1917

Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé,
On va r'prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personn' ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots.
Même sans tambour, même sans

trompette,
On s'en va là haut en baissant la tête.

Refrain
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne, sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car

nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés !

C'est malheureux d'voir sur les grands boul'vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la mêm' chose.
Au lieu de s'cacher, tous ces embusqués,
F'raient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendr' leurs biens, car nous n'avons

rien,
Nous autr's, les pauvr's purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr' les biens de ces messieurs-là.

au Refrain

Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le

silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.

Refrain
Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront,
Car c'est pour eux qu'on crève.

Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s'ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l'plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau !
+ Lire la suiteCommenter  J’apprécie          70

Martine Laffon
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[...]cela fait longtemps qu'elle a décidé de ne plus parler. A quoi ça sert ? Il n'y a personne pour partager son temps, personne pour l'écouter jusqu'au bout de son rêve. Alors, c'est si facile de rentrer en soi, tout au fond de soi-même. Ça ne fait de mal à personne, et on peut tout inventer : le ciel, la mer, les mouettes, et la fenêtre ouverte.

Martine Laffon
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Bude rit bizarrement, toussa et jeta son mégot dehors.
- Ils t'apprennent pas ça au lycée ? On finit tous dans le trou. Grouille-toi, je vais pas passer toute l'essence du pick-up à t'attendre.
Marco attrapa sa sacoche, prit le journal, le glissa à l'intérieur d'un de ses bouquins et sortit en claquant la porte. Il monta à côté de son père. Sa vieille canadienne sentait le

tabac et l'huile rance, quelque chose d'écoeurant. Le bruit du pick-up leur évita de se parler.
Marco regardait par la vitre embuée ses chevaux dans les prés. Le froid était venu tôt cette année. Ils galopaient pour se réchauffer. Marco leur fit un petit signe de la main. Ils lui répondirent par un étrange hennissement. C'était un rituel qu'il n'oubliait jamais ; une façon de se

reconnaître, de se dire bonjour aussi.
Bude tournait les boutons de la radio pour capter la fréquence de la météo. Il ne remarquait plus la complicité de son fils avec ses chevaux. Pour lui, ça ne rapportait pas assez et ça prenait l'herbe des moutons. Pourtant Jeffy, la mère de Marco, en avait élevé pendant des années. Marco était monté dessus avant même de savoir marcher et

parfois il se demandait si, dans une première vie, il n'avait pas été cheval lui-même. Il se sentait si proche d'eux. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          60

Martine Laffon
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Chaque personne possède environ cent vingt mille cheveux. Ceux-ci poussent d'à peu près 1 centimètre par mois. Ainsi c'est 12 kilomètres de cheveux qui nous poussent en moyenne sur la tête tous les ans!

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"La voie n'est jamais tracée d'avance. Elle se trace à mesure que l'on chemine" - Zhuangzi

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Dans ces moments-là, Blanchard le détestait, il avait l'impression que Drouault se complaisait dans une sorte de déchéance grossière, niant ce qu'il avait été pour oublier ce qu'il était devenu. Boire, c'était sa façon de se suicider pour que la corrida s'arrête, enfin.

Martine Laffon
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Rien à faire, grogne Poséidon, voilà un son de trompe auquel je ne m'habituerai jamais et dire que c'est moi qui lui ai donné ce coquillage ! Il faut vraiment que les Néréides, les sœurs de ma belle Amphitrite, lui apprennent à en jouer avant que j'aie les oreilles cassées.