Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

Ce que j'envie , c'est la liberté de se promener tout seul, d'aller et venir,, de s'assoir sur les bancs du jardins des Tuilerie (...), de se promener le soir dans les vieilles ruelles (...), voilà la liberté sans laquelle on ne peut pas devenir un vrai artiste.
2 janvier 1879

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

mardi 16 avril 1876
Quoi que je devienne, je lègue mon journal au public.
Tous les livres qu’on lit sont des inventions, les situations y sont forcées, les caractères faux, tandis que ceci, c’est la photographie de toute une vie. Ah ! direz-vous, cette photographie est ennuyeuse, tandis que les inventions sont amusantes. Si vous dites cela, vous me donnez une bien petite

idée de votre intelligence.
Je vous offre ici ce qu’on n’a encore jamais vu. Tous les mémoires, tous les journaux, toutes les lettres qu’on publie ne sont que des inventions fardées et destinées à tromper le monde.
Je n’ai aucun intérêt à tromper. Je n’ai ni acte politique à voiler, ni relation criminelle à dissimuler. Personne ne s’inquiète si j’aime

ou je n’aime pas, si je pleure ou si je ris. Mon plus grand soin est de m’exprimer aussi exactement que possible. Je ne me fais pas illusion sur mon style et mon orthographe. J’écris des lettres sans fautes, mais au milieu de cet océan de mots, j’en laisse échapper sans doute beaucoup. Je fais en outre des fautes de français. Je suis étrangère. Mais demandez-moi de m’expliquer dans

ma langue, je le ferais peut-être plus mal encore.
Mais ce n’est pas pour dire tout cela que j’ai ouvert le cahier. C’est pour dire qu’il n’est pas midi, que je suis livrée plus que jamais à mes tourmentantes pensées, que ma poitrine est oppressée et que je hurlerais volontiers. D’ailleurs, c’est mon état naturel.
lundi 3 juillet 1876
Laisser mon

journal ici, voilà une vraie peine.
Ce pauvre journal qui contient toutes ces aspirations vers la lumière, tous ces élans qui seraient estimés comme des élans d’un génie emprisonné, si la fin était couronnée par le succès, et qui seront regardés comme le délire vaniteux d’une créature banale, si je moisis éternellement !
Me marier et avoir des enfants ! Mais

chaque blanchisseuse peut en faire autant.
A moins de trouver un homme civilisé et éclairé ou faible et amoureux.
Mais qu’est-ce que je veux ? Oh ! vous le savez bien. Je veux la gloire !
Ce n’est pas ce journal qui me la donnera. Ce journal ne sera publié qu’après ma mort, car j’y suis trop nue pour me montrer de mon vivant. D’ailleurs, il ne serait

que le complément d’une vie illustre.
Une vie illustre ! Folie produite par l’isolement, les lectures historiques et une imagination trop vive !...
Je ne connais parfaitement aucune langue. La mienne ne m’est familière que dans les rapports domestiques. J’ai quitté la Russie à l’âge de dix ans, je parle bien l’italien et l’anglais. Je pense et j’écris en

français et encore je crois que je fais des fautes d’orthographe ! Et souvent les mots me manquent et je trouve avec un dépit à nul autre pareil ma pensée exprimée par un écrivain célèbre, avec facilité et grâce !
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Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

Il me semble que personne n'aime autant tout que moi : arts, musique, peinture, livres, monde, robes, luxe, bruit, calme, rire, tristesse, mélancolie, blague, amour, froid, soleil.., j'adore et j'admire tout... Tout se présente à moi sous des aspects intéressants et sublimes : je voudrais tout voir, tout avoir, tout embrasser, me confondre avec tout...

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

Une chaumière et son pied ! Voilà sa devise. Heureusement, je ne crois pas à ce qu'il dit, sans cela il me faudrait croire que je suis ce qu'il y a de plus merveilleusement étrange au monde.
Et tout cela au point de vue fraternel et artistique. que c'est un vrai charme. Quant à mon esprit, il ne m'en a rien dit brutalement et nettement, mais je suis autorisée à croire que je suis

prodigieusement amusante.

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

Lorsqu'elle aimera profondément, Marie aura dans ses « Carnets intimes» des cris d'amour autrement plus profonds et plus voluptueux. Elle a vingt et un ans, elle est plus que belle; elle possède ce charme indéfinissable qui surprend et qui subjugue les plus indifférents.

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

En amour, elle fut comme dans son art: d'une sincérité et d'une fougue bien faites pour scandaliser les poupées au coeur léger, qui ne comprendront jamais — et pour cause — l'histoire sentimentale de Marie.

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

Avant, je n'avais rien de plus pressé à faire que de me déclarer amoureuse d'un homme, maintenant je mourrais plutôt que de déclarer une pareille chose, parce que je connais mieux la valeur des mots, ou bien parce que je les comprends autrement.

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

Lundi 10 septembre. Demain matin nous partons. J'aime bien Schlangenbad. Les arbres sont superbes, l'air doux. On ne rencontre personne si on veut. Je connais tous les sentiers, toutes les allées. On serait heureux, si on pouvait se contenter de Schlangenbad. Mes mères ne me comprennent pas. Dans mon désir d'aller à Rome, elles voient les promenades du Pincio, l'Opéra, et «des leçons de

peinture». Et si je passais toute ma vie à leur expliquer mon enthousiasme, elle le comprendraient peut-être, mais comme une chose inutile, une fantaisie à moi. Les petites misères de tous les jours les ont absorbées. et puis on dit qu'il faut être né avec l'amour de tout cela, autrement on ne comprend jamais, quelque spirituel, distingué et excellent qu'on soit. Mais, n'est-ce pas moi.

plutôt qui suis bête ?
Je voudrais être fataliste.

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

Béni soit le jour où j'ai eu l'idée d'écrire. De cette façon, j'embrasse en une heure tout un hiver, toute une époque. C'est un enseignement souverain. Pourtant si j'avais mon journal, cette fois, à Rome je. serais tout autrement peut-être; je n'aurais pas été si indifférente si j'avais où développer les moindres choses. Dans ce cas donc mieux a valu ne pas écrire. J'avais soif de

revoir Rome, je l'ai revue, et je commence à avoir soif de nouveau.

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

J'ai rarement, ou, pour mieux dire, jamais commencé si bien l'année. Le matin, j'ai dessiné. Et, après-midi, nous sommes allés nous promener à pied dans les Champs-Elysées, moi, Dina et mon frère; puis en fiacre, et nous rions, car Paul, entré avec peine dans le coupé, ne pouvait plus en sortir, ses jambes et sa tête étaient déjà dans le vestibule quand ses pieds étaient sous la

banquette.

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

Je mourrai ou je parviendrai !
22 mars 1875

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

La journée est vite passée quand on dessine de huit heures à midi et d'une à cinq. Le trajet seul mange presqu'une heure et demie, et puis j'ai été un peu en retard, de sorte qu'il n'y eu que six heures de travail.
Quand je pense aux années des années entières que j'ai perdues! De colère on est tenté de tout envoyer au diable. Mais ce serait encore pis. Allons, être misérable et

abominable, sois contente d'être enfin arrivée à commencer? A treize ans j'aurais pu commencer Quatre ans !
J'aurais fait des tableaux d'histoire, si j'avais commencé il y a quatre ans. Ce que je sais ne fait que me nuire. C'est à refaire.

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

D'abord j'ai écrit très longtemps sans songer à être lue, et ensuite c'est justement parce que j'espère être lue que je suis absolument sincère. Si ce livre n'est pas l'exacte, l'absolue, la stricte vérité, il n'a pas raison d'être. Non seulement je dis tout le temps ce que je pense, mais je n'ai jamais songé un seul instant à dissimuler ce qui pourrait me paraître ridicule ou

désavantageux pour moi.

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

Toute jeune, elle se consacra à la peinture. Sa fortune et sa naissance furent des obstacles aussi réels que la trop grande misère d'aucuns. Peut-être est-il plus aisé de s'évader du gîte familial obscur et soucieux pour l'atelier, envisagé par la famille entière comme un temple, que de rompre farouchement avec une vie soyeuse où l'on n'a qu'à mouvoir sa grâce de jolie femme adulée.

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

Marie Bashkirtseff !... Que dit-il ?... Il sonne comme quelque chose de bizarre, de tourmenté, non qu'il ne promette un certain éclat : il a même une certaine allure, du bruit, de la fierté ; mais c'est saccadé et tracassé.

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

C'est une nature malheureuse que la mienne : je voudrais une harmonie exquise dans tous les détails de l'existence. Souvent, des choses qui passent pour élégantes et jolies, me choquent par je ne sais quel manque d'art, de grâce particulière... Des futilités ? Tout est relatif, et si une épingle nous fait autant de mal qu'un couteau, qu'est-ce que les sages ont à dire ?

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

Ce pauvre journal qui contient toutes ces aspirations vers la lumière, tous ces élans qui seraient estimés comme des élans d’un génie emprisonné, si la fin était couronnée par le succès, et qui seront regardés comme le délire vaniteux d’une créature banale, si je moisis éternellement ! Me marier et avoir des enfants ! Mais chaque blanchisseuse peut en faire autant. À moins de

trouver un homme civilisé et éclairé ou faible et amoureux. Mais qu’est-ce que je veux ? Oh ! vous le savez bien. Je veux la gloire ! Ce n’est pas ce journal qui me la donnera. Ce journal ne sera publié qu’après ma mort, car j’y suis trop nue pour me montrer de mon vivant. D’ailleurs, il ne serait que le complément d’une vie illustre.

Marie Bashkirtseff
Marie Bashkirtseff

Si j'allais mourir, comme cela, subitement, je ne saurais peut-être pas si je suis en danger, on me le cachera... Il ne restera bientôt plus rien de moi... rien... rien ! C'est ce qui m'a toujours épouvantée. Vivre, avoir tant d'ambition, souffrir, pleurer, combattre, et, au bout, l'oubli !... comme si je n'avais jamais existé... Si je ne vis pas assez pour être illustre, ce journal

intéressera toujours : c'est curieux, la vie d'une femme, jour par jour, comme si personne au monde ne devait la lire, et, en même temps, avec l'intention d'être lue.