Nous les coureux, les Bohèmes, les camps-volants, les nomades, les caraques, les Roms, les Manouches, les Yéniches, les Sinté, les Gitans, appelez nous comme vous voudrez - c'est ainsi - , nous sommes les survivants d'un long destin de sang. Peuple dénigré, livré aux préjugés à la discrimination, nous avançons depuis longtemps sur des chemins hasardeux.
Youpee, le soleil brillait pour tout le monde. Juliette avait ouvert en grand les fenêtres de l'appartement. Les vibrations des bafles entrèrent sans façon. les derniers tubes- Made in Normandie en l'occurrence- visitèrent l'espace. C'est que tous les commerçants étaient sur les dents pour la quinzaine commerciale.
Tom chaussait du 48 et tout à l'avenant... comprenez ma nostalgie.
Jamais les arbres ne ramassent leurs feuilles, savait Bazelle.
Automne après automne, elle sentait s'alourdir le poids de ses hanches et tandis que d'âge en âge son esprit ressassait, elle se persuadait qu'à trop oublier qui l'on est, on s'efface, on s'amenuise.
Il s'enferma dans la cabine de l'ascenseur et, tandis qu'il montait vers le premier étage, il se mit à siffler Trouble in mind, par ce vieux Mance Lipscomb, un nègre du brazos Bottoms. Toute l'histoire du coton.
Haïm adorait quand monsieur Bing lui racontait les Etats-Unis du Sud.
C'étaient des histoires qui commençaient invariablement par un soleil rouge, un air de banjo, un pet
extraordinaire.
Et une bière d'exportation.
- Respire jeune Cornélius ! Va chercher ton violon... Au creux de la vague, la musique est un grand réconfort.
Puisque je suis le triste héros de cette histoire, je vais me mettre à la parade, vous raconter avec ma jeune expérience tout ce qui glue le long du macadam, tout ce qui poisse, transperce jusqu'à l'os... o brisedo, la pluie... o sil, le froid... l'averse qui fait claquer des dents, l'asphalte qui glisse - noire, luisante, assassine. Les éclairages froids des néons, encore plus glaciaux
depuis qu'il flotte dans arrêt. Les ombres qui s'allongent sur un monde qui pue atroce et ne prête qu'aux riches.
"Elle est restée là pendant deux journées entières. Là, c'est-à-dire dans sa chambre-bibliothèque. Elle est restée là où sa mère lui apporte ses repas. Elle ne touche guère à la nourriture. Elle donne l'impression de retenir sa respiration comme si elle s'apprêtait à entendre une voix d'en-haut.
Son père ne lui rend plus visite.
Le docteur lui a fait passer par Astrid
le journal du vendredi. On y relate le crime de l'Hôtel de Louksor.
Les chroniqueurs de l'Yonne Républicaine s'interrogent: "crime rituel ou crime sexuel? l'assassinat du footballeur auxerrois jette la population sportive dans la consternation. La police oriente son enquête du côté des milieux homsexuels."
Elle ne réagit pas. Elle ne se sent pas concernée. Elle est inerte,
prostrée, consumée, enroulée dans sa couverture. Elle attend on ne sait quoi au juste. Son abdomen lui fait toujours aussi mal. Les yeux sur le vague, elle passe de longues heures avec son coussin plaqué contre elle. "
La santé c'est une chose. Mais la perte de l'amour, c'est de la gangrène à l'état ras. Un mal pernicieux qui ne se lit pas sur la feuille de température, un truc qui hurle pendant des semaines. Qui se mesure à l'humeur. Parce que dès que vous êtes seul, vous morflez. Dès que vous fermez les paupières, vous repensez à votre histoire d'amour prise dans les glaces.
Quelque part dans un sous-marin ou une tombe, Edmond Grignard s'éveille. Le silence commence à monter à l'assaut du quinquagénaire. Les battements de son cœur, les flux de son sang, la cadence de sa respiration rythment son angoisse. Un point familier lourd et mortel s'installe dans sa poitrine et cherche à l'asphyxier. La sueur trempe le creux de son dos. Dans sa poche, il trouve la boîte
qui contient ses pilules. Le couvercle résiste puis cède. Un geste maladroit et les petites billes roulent dans tous les sens. A quatre pattes, dans le noir, Edmond cherche sa vie qui lui échappe (p.153)