Chil Rajchman
Chil Rajchman

Au bout de quelques minutes, des assassins entrent et nous ordonnent de chanter une chanson, une jolie chanson.
(…)
J'ouvre la bouche, faisant semblant de chanter. Mais il faut chanter, nous en avons l'obligation pour satisfaire ces assassins, pour leur plaisir.

Chil Rajchman
Chil Rajchman

Il est impossible de boire une goutte d'eau, la soif nous enflamme les lèvres. Inutile de demander ni de pleurer : la seule chose que l'on obtient, ce sont des coups.

Chil Rajchman
Chil Rajchman

Une jeune femme est assise devant moi. Je lui coupe les cheveux, elle me prend la main et me demande de me souvenir que, moi aussi, je suis juif. Elle sait qu'elle est perdue, mais souviens-toi, dit-elle, tu vois ce que l'on fait de nous. je te souhaite de survivre afin que tu puisse venger notre sang innocent, qui ne connaîtra pas le repos ...

Chil Rajchman
Chil Rajchman

(…) les malheureux survivants de cette première journée se sont regroupés pour la prière du soir. A la fin de l'office, ils récitent, en larmes, le kaddish, la prière des morts. (…) Je sors de mes gonds et leur crie :
"A qui s'adresse votre prière ? Vous y croyez encore ? En quoi croyez-vous, qui remerciez-vous ? Vous louez le Seigneur pour Sa clémence, vous Le louez de vous

avoir pris frères et soeurs, pères et mères. C'est de ça que vous Le remerciez ? Non ! Ce n'est pas vrai. Dieu n'existe pas. S'Il existait, Il verrait notre détresse, Il Se ferait témoin de cette terrible injustice, le meurtre d'innocents, de bébés tout juste sorts du ventre de leur mère, de gens qui voulaient seulement travailler honnêtement et se rendre utile. Et vous, témoins vivants

de cette horreur, vous rendez grâce, mais à qui ? "

Chil Rajchman
Chil Rajchman

Le sang des dizaines de milliers de victimes ne peut reposer en paix. Il remonte à la surface.

Chil Rajchman
Chil Rajchman

Une jeune fille qui doit avoir dix-huit ans surgit, elle invective les autres femmes : "Mais qu'avez-vous? Vous n'avez pas honte ? Pour qui pleurez-vous ? Vous devriez plutôt rire ! Afin que nos ennemis voient que nous n'allons pas à la mort en froussardes. Vous voyez bien qu'ils jouissent de nos larmes ! "

Chil Rajchman
Chil Rajchman

Oui, j'ai survécu et je suis libre, mais à quoi bon ? Je me le demande souvent. Pour raconter l'assassinat de millions de victimes innocentes, pour témoigner du sang innocent, versé par ces assassins.
Oui, j'ai survécu pour témoigner de ce grand abattoir : Treblinka.

Chil Rajchman
Chil Rajchman

Où suis-je ? Je suis en enfer, un enfer peuplé de démons. Nous attendons la mort qui peut venir à chaque instant, au mieux d'ici quelques jours. Et pour quelques jours de survie, nous devons nous salir les mains et assister ces bandits dans leur besogne. Non, nous n'avons pas le droit !

Chil Rajchman
Chil Rajchman

La terrible beauté et la puissance de ce court récit résident dans le flou halluciné qui rend compte de ce que fut la vie à Treblinka, sans que d'autres témoignages ou des connaissances savantes interfèrent. Des hommes courent sans cesse sous les coups de fouet, coupent des cheveux de femmes, arrachent des dents de cadavres, courent encore en transportant des corps décomposés.


Annette Wieviorka, dans la Préface

Chil Rajchman
Chil Rajchman

C''est ainsi qu'ont défilé des centaines de femmes dans un vacarme de cris et de sanglots. Moi, j'étais devenu l'automate qui les avait dépouillées de leur chevelure.

Chil Rajchman
Chil Rajchman

Je prends le temps de réfléchir et réalise l'horreur, l'enfer. Les assassins nous obligent à raser nos soeurs quelques minutes avant de les envoyer à la mort, et nous, morts en sursis, nous obéissons sous l'autorité du fouet. On nous a ôté l'entendement, pour ces assassins nous ne sommes que des outils.

Chil Rajchman
Chil Rajchman

(…), les auteurs s'effacent devant ce qu'ils veulent décrire. La violence, la crudité du récit, l'absence d'indulgence ou de travestissement sur ce qu'ils firent ne s'expliquent que par l'incertitude sur leur propre survie. Ce dont ils témoignent prime sur le désir de construire une image de soi, ou de susciter sympathie ou apitoiement.


Annette Wieviorka, dans la Préface

Chil Rajchman
Chil Rajchman

La vie est très dure, nous sommes sales en permanence. Nous devons travailler de six heures du matin à six heures du soir. Après le travail, nous sommes si fatigués que nous nous effondrons à moitié morts à même le sol. Dans la baraque, il n'y a pas d'eau. (…) nous sommes enfermés dans notre baraque entourée de fils barbelés et surveillée par une garde spéciale.
(…) Nous

sommes comptés trois fois par jour. Nous sommes frappés et cognés en permanence. Nous avons mal partout, mais nous ne déclarons jamais aucune maladie. Quand des nouveaux arrivent, ils ignorent qu'il ne faut pas être malade.

Chil Rajchman
Chil Rajchman

Oui, j’ai survécu pour témoigner de ce grand abattoir : Treblinka.

Chil Rajchman
Chil Rajchman

Devant les tas, des gens trient. Je me rends compte qu'ils sont tous juifs et, en courant devant eux, je demande : "Mes frères, dites-moi ce qui se passe." Mais je n'obtiens aucune réponse. Ils détournent la tête pour ne pas répondre. Je leur demande à nouveau : "Dites-moi, que se passe-t-il ici?" Quelqu'un me répond : "Mon frère, ne te pose pas de questions : nous sommes perdus ! "

Chil Rajchman
Chil Rajchman

Oui j'ai survécu pour témoigner de ce grand abattoir: Treblinka