François Bayrou
François Bayrou

J'ai un message pour ces grandes puissances médiatiques : vous n'êtes pas les patrons de la France. Il est clair que vous avez envie que le deuxième tour oppose Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal, que cela vous arrangerait pour le présent et pour l'avenir, que vous déroulerez le tapis rouge à vos deux favoris. Mais nous, Français, nous sommes un peuple de citoyens : nous ne céderons pas

à votre matraquage.

Titus Burckhardt
Titus Burckhardt

Lorsque la demeure islamique se remplit d’images et d’objets distrayants, et que l’on marche avec des souliers sur les tapis et les nattes, qui normalement sont réservés à la prière, l’unité de la vie islamique est rompue, et il en va de même quand les vêtements que l’on porte dans la vie courante ne sont plus adaptés aux rites de la shariah.
A ce propos, il faut remarquer que

l’art islamique ayant pour fonction essentielle de créer un cadre pour l’homme qui prie, le vêtement y occupe un rang qui n’est pas négligeable, comme le rappelle ce verset : « O fils d’Adam, revêtez vos parures (zeynatakum) en vous approchant d’une mosquée » (Coran, VII, 31). Le costume masculin des peuples de l’Islam comprend une multitude de formes, mais il exprime toujours

le double rôle que cette tradition impose à l’homme : celui de représentant et de serviteur de Dieu. De ce fait, il est à la fois digne et sobre, nous dirions même majestueux et pauvre en même temps. Il recouvre l’animalité de l’homme, rehausse ses traits, tempère ses mouvements, et facilite les différentes postures de la prière. Le vêtement européen moderne, au contraire, ne

fait que souligner le rang social de l’individu, tout en niant la dignité primordiale de l’homme, celle qui lui fut octroyée par Dieu.
"Valeurs pérennes de l’art islamique

Marcel Dieulafoy
Marcel Dieulafoy

Lorsque j’essaye de faire revivre dans ma pensée ces grandioses édifices, lorsque je vois ces portiques aux colonnes de marbre ou de porphyre poli, ces taureaux bicéphales dont les cornes, les pieds, les yeux et les colliers devaient être revêtus d’une mince feuille d’or, les poutres et les solives de cèdre de l’entablement et des plafonds, les mosaïques de briques semblables à de

lourdes dentelles jetées en revêtement sur les murs, ces corniches couvertes de plaques d’émaux bleu turquoise que termine un trait de lumière accroché à l’arête saillante des larmiers d’or et d’argent; lorsque je considère les draperies suspendues au devant des portes, les fines découpures des moucharabiés, les épaisses couches de tapis jetées sur les dallages, je me demande

parfois si les monuments religieux de l’Égypte, si les temples de la Grèce eux-mêmes devaient produire sur l’imagination du visiteur une impression aussi saisissante que les palais du grand roi.

T.S. Eliot
T.S. Eliot

LE CHOEUR

L'oiseau chante-t-il dans le Sud ?
Seule crie la mouette, chassée vers le continent par la tempête.
Quel indice avons-nous du printemps de l'année ?
Seulement la mort des vieillards ; pas un mouvement, pas un bourgeon, pas un souffle.
Les jours commencent-ils à grandir ?
Plus long et plus sombre le jour, plus courte et plus froide la nuit.

L'air immobile est étouffant : les vents sont tapis au levant,
La corneille affamée, attentive, attend dans les champs ;
Dans le bois le hibou s'exerce au cri sourd de la mort.
Quels indices avons-nous de l'amer printemps ?
Les vents tapis au fond de l'orient.

Arthur C. Clarke
Arthur C. Clarke

Le tapis mouvant n’était plus qu’à une centaine de mètres. Hutchins ne desserrait toujours pas les dents. N’y tenant plus, Jerry se risqua à poser la question qui lui brûlait les lèvres.
-Mais enfin, qu’est-ce que c’est ?
Hutchins s’anima soudain, telle une statue qui s’éveille à la vie.
-Excusez-moi, mon vieux, je vous avais complètement oublié. Une

plante, naturellement. Tout au moins, c’est encore ce nom-là qui lui convient le mieux.
-Mais cela bouge !
-Et alors ? Sur Terre également, les plantes bougent. Vous n’avez jamais vu un film accéléré sur la croissance du lierre ?

Carl Sagan
Carl Sagan

Dieu est pour vous le tapis sous lequel vous balayez tous les mystères de l'Univers, tous les défis jetés à notre intelligence. Vous cessez simplement de réfléchir et vous dites : Dieu l'a fait !

Julia Kristeva
Julia Kristeva

« Racontons [hagamos cuenta] pour mieux comprendre... »

THERESE D’AVILA, Le Château intérieur.

Ah, le jardin, paradis des rêveurs, des astronomes persans, des poètes amoureux, des quêteurs du Graal, de Béatrice, de Molly Blum, des fleurs... Vous aussi, Thérèse ? « Libertin comme une tulipe ! à la fois infidèle et croyante ! » (Omar Khayyam) ; « Ô fleurs

perpétuelles / de la liesse éternelle, qui faites / Qu’en un parfum je sens tous les parfums » (Dante) ; « Mignonne, allons voir si la rose » (Ronsard) ; « Donne-moi la fleur. Je connais un talus où s’épanouit le thym sauvage, l’oreille d’ours et la violette inclinée » (Shakespeare) ; « J’ai puni sur une fleur l’insolence de la nature » (Baudelaire) ; « Rose, ô

contradiction, volupté de n’être le sommeil de personne sous tant de paupières » (Rilke) ; « Quoique traversée de téléphones, de journaux, d’ordinateurs, de radios, de télévisions, je peux regarder ici, tout de suite, des dizaines de papillons blancs butinant des roses sur fond d’océan. Seule triomphe l’Oeuvre, immense fleur » (Sollers).

Je reviens au jardin des

béguines, qui fut bel et bien un jardin : joie, ravissement, rose mystique où triomphe une extase défiant les mots. Mais il est surtout secret et muet — de l’autre côté de la passion de l’homme, une simplicité de fleurs, émaux et camées, fils colorés tressant des figures. Une géométrie du sensible, métaphores du corps morcelé saisi par une pensée avant la pensée. Gouttes

rouges de ton sang, de mon sang, battements intimes de mon être, balises de l’Être. Nature ou abstraction, cette décoration se dérobe aux arguties des humains : en deçà ou au-delà de l’anthropomorphe, elle manifeste la simplicité d’une communion avec le cosmos aussi bien qu’avec la culture dans ce qu’ils ont de plus rudimentaire, de plus rebelle à l’interprétation. La

simplicité de ces fleurs, de ces pierres, de ces tapisseries n’est pas « pauvre », mais sa richesse a l’immédiateté d’une évidence qui suspend le commentaire. Elle ne discute pas avec le bonheur ou le malheur, elle se contente d’apparaître, d’indiquer ce qui sera pour vous — visiteurs ou interprètes — une série de questions : « que signifie ce bouquet ? » ; « d’où

vient cette pierre ? » ; « à qui appartient ce blason ? » ; « pourquoi cette pluie de sang détachée de sa source ? » Ici, face à face avec le tapis de fleurs, quelque chose demeure secret, non par souci de se cacher, mais parce que la rose d’Angelus Silesius est sans pourquoi.

Pourtant, lorsque le reliquaire accumule les flacons et les étuis, lorsque le jardin secret

bourgeonne de fleurs réservées ou écloses, le secret commence à se trahir : il avoue — presque — sa doublure sexuelle, l’image d’un corps qui s’exhibe ou, au contraire, se punit pour enfin mériter le jardin, l’Eden.

L’amour mystique de ces femmes qui nous ont précédés aurait connu — si l’on en croit les tableaux et objets présentés dans ce catalogue qui me

restera de Bruno - des passions paroxystiques, des dédoublements insoutenables, des intimités partagées et cependant indemnes. Elles ont trouvé dans l’amour mystique un continent — un continent-contenant — à la fois externe et interne aux sociétés laïques et religieuses de leur temps. Elles sont cloisonnées des uns et des autres, non pour échapper à l’exclusion, à l’horreur

ou au mal, mais pour mieux les affronter, les consommer en se consumant. Tel fut le chemin de leur bonheur.

Le jardin de Thérèse est tout autre. Pas vraiment « poétique », comme chez les maîtres de l’érotisme floral, ni même « contenant », comme dans les enclos des béguines. Les fleurs n’y sont que mentionnées, sans plus, elles n’ont pas de noms bourgeonnants pour

Thérèse. Ni pétales, ni plumes, ni ailes, ni perles, aucun bric-à-brac agricole, horticole ou ménager. Vision d’intellectuelle avant la lettre ? Réminiscence de la sèche terre castillane ? Pas seulement. Du jardin, l’écriture de Thérèse ne recueille - car elle ne désire - que l’abondance de l’eau, et une seule fleur : son corps à elle. Noyée dans les ondes électriques de son

cerveau épileptique, ou imbibée de la peau aux entrailles par la nuée du divin Epoux, cette femme n’écrit qu’un seule jardin qui vaille, celui des sensations élucidées : le jardin de son introspection à l’infini, avec l’Infini ; La fleur devient alors un chemin de perfection qui ne cesse d’explorer les demeures du château translucide qu’elle est aussi. Une fois installée

dedans — dans la fleur, le chemin, le château — la plume à la main, l’auteur va monter en carosse et en charrette, elle prendra les rênes d’un cheval, d’un âne, qu’importe. Pour conquérir l’austère terre d’Espagne et en faire un autre jardin, physique et politique celui-ci, le jardin de son Carmel réformé. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie     

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Tomas Tranströmer
Tomas Tranströmer

AIR MAIL


À la recherche d'une boîte aux lettres
je portais l'enveloppe par la ville.
Ce papillon égaré voletait
dans l'immense forêt de pierre et de béton.

Le tapis volant du timbre-poste
les lettres titubantes de l'adresse
tout comme ma vérité cachetée
planaient à présent au-dessus de l'océan.

L'Atlantique

argenté et reptile.
Les barrières de nuages. Le bateau de pêcheurs
tel un noyau d'olive qu'on recrache.
Et la cicatrice blafarde du sillage.

Le travail avance lentement ici-bas.
Je lorgne souvent du côté de l'horloge.
Dans le silence cupide
les ombres des arbres sont des chiffres obscurs.

La vérité repose par terre
mais

personne n'ose la prendre.
La vérité est dans la rue.
Et personne ne la fait sienne.

p.292-293

Tomas Tranströmer
Tomas Tranströmer



À la recherche d’une boîte aux lettres
je portais l’enveloppe par la ville.
Ce papillon égaré voletait
dans l’immense forêt de pierre et de béton.

Le tapis volant du timbre-poste
les lettres titubantes de l’adresse
tout comme ma vérité cachetée
planaient à présent au-dessus de l’océan.

Tomas Tranströmer
Tomas Tranströmer

Un garçon court avec un fil invisible qui monte droit au ciel
où planent ses rêves les plus fous, comme un cerf volant plus grand que les faubourgs.

Plus loin encore, d’une colline, on aperçoit le tapis infiniment bleu des conifères
où l’ombre des nuages
est restée à l’arrêt.
Non, elle vole vers nous.