On ne peut pas, dans le monde actuel, vivre à la fois sans littérature et sans bases scientifiques un petit peu sérieuses.
En effet, l'Eglise n'a pas condamné la théorie de Copernic, qui s'appuyait lui-même sur Icetus de Syracuse, jusqu'à ce que Galilée, quatre-vingts ans plus tard, sans apporter de preuve décisive à l'appui de la nouvelle théorie, décide de placer sur le plan théologique la querelle de l'ordre géocentrique ou héliocentrique du monde, en défiant la Curie par de violentes attaques de
prendre positions sur le problème. Le pape Urbain VIII proposa de définir le système héliocentrique comme une thèse mathématique possible, mais pas nécessairement comme celle qui garantissait la vérité définitive. Loin de se ranger à cette suggestion, Galilée répliqua en publiant son Dialogo sui Massimi Sistemi, dans lequel il présentait le pape comme un simple d'esprit. D'où ce
procès tristement célèbre, au cours duquel Galilée ne prononça nullement son fameux "Eppur si muove" (Et pourtant, elle se meut), mais abjura toutes ses déclarations pour avoir le droit de continuer à vivre en paix et dans l'honneur. La postérité littéraire de Galilée pris comme héros a fait naître chez plusieurs dignitaires de l'Eglise une sorte de sentiment de culpabilité qui les
rend étrangement désarmés devant les théories scientifiques modernes même lorsque celles-ci sont en contradiction flagrante avec les vérités de la foi et de l'entendement. On a l'habitude de dire que l'Eglise n'a pas à se mêler de problèmes scientifiques; le cas même de Galilée prouve justement que la nouvelle science rationaliste de la Renaissance prétendait à la vérité absolue et
se présentait donc comme une seconde religion. p135
Tel est le type de société que ces gens s'apprêtent à construire, si nous n'y mettons pas le holà tant que qu'il en est encore temps. Tout, qu'il s'agisse de choses tolérables ou intolérables, y sera subordonné à un seul usage, usage que nos ancêtres appelaient usance ou usure. Ses réalisations artistiques, bonnes ou mauvaises, serviront de réclames aux usuriers; sa littérature, bonne
ou mauvaise, sera patronnée par des usuriers; ses critères scientifiques répondront aux besoins des usuriers; sa religion sera suffisamment charitable pour leur accorder son pardon; son système pénal suffisamment dissuasif pour faire taire toute voix qui se mêlerait de critiquer la pratique de l'usure. Cette société aura peut-être pour dénomination : socialisme, mais son véritable nom
sera : esclavage.
J’ai rencontré souvent dans tous les domaines l’hostilité des « scientifiques ». Pourtant, une fois, Louis Renou, agacé des remarques faites contre l'« amateur » que j’étais, protesta publiquement : « Daniélou ne connaît pas nos méthodes mais quand je ne comprends pas un texte, c’est à lui que je le demande. » Après quoi, les indianistes français me laissèrent plus
tranquille.
Contre cette idée de l’originalité et l’imprévisibilité absolues des formes toute notre intelligence s’insurge. Notre intelligence, telle que l’évolution de la vie l’a modelée, a pour fonction essentielle d’éclairer notre conduite, de préparer notre action sur les choses (…) Elle cherche le même, afin de pouvoir appliquer son principe que « le même produit le même ». En
cela consiste la prévision de l’avenir dans le sens commun. La science porte cette opération au plus haut degré d’exactitude et de précision.(…) Elle ne peut opérer que sur ce qui est censé se répéter, c’est-à-dire sur ce qui est soustrait, par hypothèse à l’action de la durée. Ce qu’il y a d’irréductibilité et d’irréversible dans les moments successifs d’une
histoire lui échappe. Il faut pour se représenter cette irréductibilité et cette irréversibilité, rompre avec des habitudes scientifiques qui répondent aux exigences fondamentales de la pensée, faire violence à l’esprit, remonter la pente naturelle de l’intelligence. Mais là est précisément le rôle de la philosophie.
(Chapitre 1 - De l'évolution de la vie - Mécanisme
et finalité) + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         30
« La division du travail intellectuel, perfectionnée de plus en plus, est un des attributs caractéristiques les plus importants de la philosophie positive. [...]
Mais, tout en reconnaissant les prodigieux résultats de cette division, tout en voyant désormais en elle la véritable base fondamentale de l’organisation générale du monde savant, il est impossible, d’un autre côté, de
n’être pas frappé des inconvénients capitaux qu’elle engendre, dans son état actuel, par l’excessive particularité des idées qui occupent exclusivement chaque intelligence individuelle. [...]
De l’aveu de tous, les divisions établies pour la plus grande perfection de nos travaux, entre les diverses branches de la philosophie naturelle, sont finalement artificielles. [...]
Craignons que l’esprit humain ne finisse par se perdre dans les travaux de détail. [...]
Le véritable moyen d’arrêter l’influence délétère dont l’avenir intellectuel semble menacé, par suite d’une trop grande spécialisation des recherches individuelles, ne saurait être, évidemment, de revenir à cette antique confusion des travaux, qui tendrait à faire rétrograder
l’esprit humain, et qui est d’ailleurs, aujourd'hui, heureusement devenue impossible. Il consiste, au contraire, dans le perfectionnement de la division du travail elle-même. Il suffit, en effet, de faire de l’étude des généralités scientifiques une grande spécialité de plus. [...] »
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Et oui j'écris mes propres discours. Mais comme je sais qu'ils vont toucher beaucoup de monde, je demande souvent conseil. Il y a quelques scientifiques auxquels je demande régulièrement de l'aide sur la manière de m'exprimer sur certaines questions complexes.
Certains me disent que je ferais mieux d'aller à l'école. Que je ferais mieux d'étudier et de devenir à mon tour scientifique du climat, pour "résoudre la crise climatique". Mais la crise climatique a déjà été résolue. Oui, nous avons déjà tous les faits et les solutions. Tout ce dont nous avons besoin, c'est de nous réveiller et de changer.
...
Quel est l'intérêt de
suivre les enseignements du système scolaire quand les plus grands scientifiques issus de ce même système scolaire ne sont pas écoutés par nos politiques et nos sociétés?