Gabriele d'Annunzio
Gabriele d'Annunzio

La Foscarina regarda la rieuse avec étonnement, car elle l’avait oubliée; et cette femme, assise là sur ce banc de pierre jauni par les lichens, avec ces mains tordues, avec cette scintillation d’or et d’ivoire entre les lèvres minces, avec ces petits yeux glauques sous les paupières flasques, avec cette voix enrouée et ce rire clair, la fit penser à une de ces vieilles fées

palmipèdes qui vont par la forêt suivies d’un crapaud obéissant.

Alfred Hitchcock
Alfred Hitchcock

Kessler ouvrit la porte du bungalow privé de Groman et ils entrèrent. Gorman s'assit, alluma une cigarette, regarda autour de lui, plein de reconnaissance timide, et sembla incapable d'un commentaire bien à propos.
"Eh bien, Richard, voici ton chez-toi pour quelque temps. Je suis sûr que tu le trouveras plus confortable et mieux que les conditions de l'extérieur."

Alfred Hitchcock
Alfred Hitchcock

« Le break du faux marchand de glace est garé là-bas, sur la route, et j’ai l’impression qu’Hubert essaye de se cacher entre les arbres. »

Hannibal regarda dans la direction qu’indiquait Bob et sourit.

« Tu as raison. Hubert est aussi bien caché qu’une baleine dans une baignoire. Il se montre tout le temps pour vérifier que personne ne peut le voir ! »

John Galsworthy
John Galsworthy

Il la regarda encore, repliée sur elle-même comme un oiseau qui meurt d'un coup de plomb et dont on voit haleter la poitrine, à mesure que l'air se retire : ses pauvres yeux vous regardent, vous qui l'avez tiré, de ce regard lent et doux qui ne voit pas, et qui dit adieu à tout ce qui est bon : le soleil, le ciel et l'amour.

Chrystine Brouillet
Chrystine Brouillet

Frédéric regarda ses pieds un long moment, attendant la décision finale. Il en avait assez d’être trop jeune. Pourquoi est-ce que ça prenait autant de temps pour vieillir?

Chrystine Brouillet
Chrystine Brouillet

Victor Duchesne venait de se réveiller et il regardait ses mains ; elles auraient dû être douloureuses mais il ne souffrait pas. Il ne savait pas si c’était l’effet de l’adrénaline ou parce qu’il avait fumé du bon stock après avoir donné une petite leçon à Fabien Marchand. Ou s’il avait rêvé. Non, il ne rêvait pas, il ne se souvenait pas de chaque seconde, tout s’était

passé trop vite, mais il se rappelait parfaitement le son sourd de ses poings quand il frappait Marchand, ses cris, puis ses gémissements. Il avait savouré chaque instant, répétant à Marchand qu’il n’était qu’un trou du cul, que personne n’avait le droit de jouer dans ses plates-bandes. Si Frank Potvin n’était pas intervenu quand Marchand avait perdu conscience, il serait encore

à le battre, tellement il avait aimé la sensation de puissance qu’il avait ressentie. À cause du bruit des os fracturés. Duchesne avait eu l’impression qu’il n’avait jamais entendu aussi distinctement ce son particulier.

Frank Potvin l’avait arraché à Marchand, l’avait entraîné, poussé vers sa moto avant de faire démarrer la sienne. Il ne servait plus à rien de

traîner dans le coin. Ils devaient rouler, rentrer chez eux.

Victor Duchesne agita ses mains, les pliant, les dépliant ; est-ce qu’elles enflaient ? Il regarda autour de lui. Où était-il ? Sûrement pas dans sa chambre à Stoneham. Il y avait une fenêtre dans sa chambre, une belle grande fenêtre qui donnait sur une cour immense. Il n’y avait pas de fenêtre là où il se

trouvait. Il n’était pas couché non plus sur son lit. Où était-il ? Il sentit la bile remonter dans sa gorge alors qu’il prenait conscience de l’odeur d’urine de la cellule. Il était en cellule. Que faisait-il là ? Il n’y avait personne sur les berges de la Saint-Charles quand il avait battu Marchand. Ça, il s’en souvenait. Frank le couvrait. Où était Frank ? Que s’était-il

passé ? Il tituba jusqu’à la porte, tambourina pour qu’on lui ouvre. Il voulait rentrer chez lui. Tout de suite.

Il y retourna dix heures plus tard. Entre-temps, il avait appris qu’on l’avait arrêté pour excès de vitesse sur le boulevard des Chutes, que son comportement avait paru suspect, erratique aux patrouilleurs qui l’avaient appréhendé et qui avaient trouvé deux

joints dans les poches de son blouson de cuir. C’était René Lalonde, l’avocat de son père, qui le lui avait dit en venant le chercher. Il lui avait aussi dit que Louis Fournier était vraiment furieux d’avoir dû solliciter ses services. Et maintenant, après avoir tant souhaité rentrer à la maison, Victor redoutait la colère de Louis Fournier. Il ne pourrait pas lui expliquer pourquoi

il roulait si vite sur le boulevard des Chutes, il n’en savait rien. Tout ce qu’il savait, c’est que son père l’engueulerait, hurlerait que s’il se plantait avec sa moto, il ne lui en achèterait certainement pas une autre. Ça ne lui avait pas suffi de bousiller une Harley, l’année précédente ? Sa mère s’en mêlerait, gémirait qu’il finirait par se tuer. Tout le monde

crierait, alors que Victor n’aspirait qu’à une chose, fumer un joint pour se détendre et oublier cette nuit en cellule. Il regrettait de ne pas pouvoir révéler à son père qu’il avait corrigé Fabien Marchand. Il aurait dû être fier de lui, fier qu’ils se ressemblent, et le féliciter de ne pas s’être laissé marcher sur les pieds, mais Louis Fournier le frapperait s’il

apprenait qu’il dealait. Il le frapperait en hurlant qu’il lui donnait assez d’argent pour qu’il n’ait pas besoin de se livrer à ce trafic imbécile. Pourquoi ne s’apercevait-il pas qu’il avait vieilli, qu’il n’était plus un gamin à qui on peut tout interdire ? Il ne saisissait pas encore que Victor pouvait être un fameux bras droit.

Repenser aux cris, aux

supplications de Fabien Marchand, à l’image de son ennemi recroquevillé pour échapper à ses coups rasséréna Victor. Quand on saurait ce qui lui était arrivé, plus personne n’oserait empiéter sur le territoire de Vic Duchesne. Seul son père s’entêterait à ne pas comprendre qu’il veuille gagner de l’argent. Au lieu de ça, Fournier le forçait à étudier, il voulait qu’il se

rende aux HEC. Alors que lui-même n’avait pas fini son cinquième secondaire. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          10

Chrystine Brouillet
Chrystine Brouillet

Delphine se demandait comment elle avait pu vivre sans Edward. Avant Edward.Il s'étira, ouvrit un œil. La troisième paupière laissa apparaître une pupille d'un noir absolu tranchant sur un iris d'un vert très pâle moucheté de gris cendré et de champagne, ou de ce jaune unique des vins de Jura. Il regarda Delphine avec bienveillance, elle n'allait pas tarder à lui gratter le ventre, lui

masser le dos les pattes et lisser son museau de la pointe du nez jusqu'aux oreilles. Elle compterait machinalement ses vingt-quatre vibrisses et lui dirait qu'il était le plus beau chat du monde.

Chrystine Brouillet
Chrystine Brouillet

Victor Duchesne venait de se réveiller et il regardait ses mains ; elles auraient dû être douloureuses mais il ne souffrait pas. Il ne savait pas si c’était l’effet de l’adrénaline ou parce qu’il avait fumé du bon stock après avoir donné une petite leçon à Fabien Marchand. Ou s’il avait rêvé. Non, il ne rêvait pas, il ne se souvenait pas de chaque seconde, tout s’était

passé trop vite, mais il se rappelait parfaitement le son sourd de ses poings quand il frappait Marchand, ses cris, puis ses gémissements. Il avait savouré chaque instant, répétant à Marchand qu’il n’était qu’un trou du cul, que personne n’avait le droit de jouer dans ses plates-bandes. Si Frank Potvin n’était pas intervenu quand Marchand avait perdu conscience, il serait encore

à le battre, tellement il avait aimé la sensation de puissance qu’il avait ressentie. À cause du bruit des os fracturés. Duchesne avait eu l’impression qu’il n’avait jamais entendu aussi distinctement ce son particulier.
Frank Potvin l’avait arraché à Marchand, l’avait entraîné, poussé vers sa moto avant de faire démarrer la sienne. Il ne servait plus à rien de

traîner dans le coin. Ils devaient rouler, rentrer chez eux.
Victor Duchesne agita ses mains, les pliant, les dépliant ; est-ce qu’elles enflaient ? Il regarda autour de lui. Où était-il ? Sûrement pas dans sa chambre à Stoneham. Il y avait une fenêtre dans sa chambre, une belle grande fenêtre qui donnait sur une cour immense. Il n’y avait pas de fenêtre là où il se trouvait.

Il n’était pas couché non plus sur son lit. Où était-il ? Il sentit la bile remonter dans sa gorge alors qu’il prenait conscience de l’odeur d’urine de la cellule. Il était en cellule. Que faisait-il là ? Il n’y avait personne sur les berges de la Saint-Charles quand il avait battu Marchand. Ça, il s’en souvenait. Frank le couvrait. Où était Frank ? Que s’était-il passé ?

Il tituba jusqu’à la porte, tambourina pour qu’on lui ouvre. Il voulait rentrer chez lui. Tout de suite.
Il y retourna dix heures plus tard. Entre-temps, il avait appris qu’on l’avait arrêté pour excès de vitesse sur le boulevard des Chutes, que son comportement avait paru suspect, erratique aux patrouilleurs qui l’avaient appréhendé et qui avaient trouvé deux joints dans

les poches de son blouson de cuir. C’était René Lalonde, l’avocat de son père, qui le lui avait dit en venant le chercher. Il lui avait aussi dit que Louis Fournier était vraiment furieux d’avoir dû solliciter ses services. Et maintenant, après avoir tant souhaité rentrer à la maison, Victor redoutait la colère de Louis Fournier. Il ne pourrait pas lui expliquer pourquoi il roulait

si vite sur le boulevard des Chutes, il n’en savait rien. Tout ce qu’il savait, c’est que son père l’engueulerait, hurlerait que s’il se plantait avec sa moto, il ne lui en achèterait certainement pas une autre. Ça ne lui avait pas suffi de bousiller une Harley, l’année précédente ? Sa mère s’en mêlerait, gémirait qu’il finirait par se tuer. Tout le monde crierait, alors

que Victor n’aspirait qu’à une chose, fumer un joint pour se détendre et oublier cette nuit en cellule. Il regrettait de ne pas pouvoir révéler à son père qu’il avait corrigé Fabien Marchand. Il aurait dû être fier de lui, fier qu’ils se ressemblent, et le féliciter de ne pas s’être laissé marcher sur les pieds, mais Louis Fournier le frapperait s’il apprenait qu’il

dealait. Il le frapperait en hurlant qu’il lui donnait assez d’argent pour qu’il n’ait pas besoin de se livrer à ce trafic imbécile. Pourquoi ne s’apercevait-il pas qu’il avait vieilli, qu’il n’était plus un gamin à qui on peut tout interdire ? Il ne saisissait pas encore que Victor pouvait être un fameux bras droit.
Repenser aux cris, aux supplications de Fabien

Marchand, à l’image de son ennemi recroquevillé pour échapper à ses coups rasséréna Victor. Quand on saurait ce qui lui était arrivé, plus personne n’oserait empiéter sur le territoire de Vic Duchesne. Seul son père s’entêterait à ne pas comprendre qu’il veuille gagner de l’argent. Au lieu de ça, Fournier le forçait à étudier, il voulait qu’il se rende aux HEC. Alors

que lui-même n’avait pas fini son cinquième secondaire.Vic alluma une cigarette, nota que le bout de ses doigts était encore sombre, même s’il s’était lavé les mains pour faire disparaître l’encre qui avait servi à prendre ses empreintes. Heureusement qu’il avait dix-sept ans, son dossier serait effacé à sa majorité. C’était presque certain, d’après maître Lalonde. Et

puisque ce dernier le représentait, il n’avait rien à craindre ; son père n’engageait jamais des « deux de pique ». C’était juste un mauvais quart d’heure à passer. Le pire qu’il pouvait arriver, c’est que son père le prive de sa moto pendant un bout de temps. Jusqu’à ce que sa mère se lasse de le conduire en ville. La sanction serait vite levée. + Lire la

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Chrystine Brouillet
Chrystine Brouillet

Il blêmit, maudissant la langue française qui donne plusieurs sens à un mot. La chaleur l’écrasait subitement. Il regarda le Saint-Laurent pour y puiser quelque réconfort, mais le fleuve étale brillait comme un mirage dans un désert. Pas étonnant : il n’y avait plus que des mirages dans sa vie.

François Mauriac
François Mauriac

Noémie, en sa longue chemise, récitait sa prière devant les étoiles. Ses orteils aimaient le froid carrelage ; elle offrait sa douce gorge à l'apitoiement de la nuit. Elle n'essuyait pas cette larme qui roulait à portée de sa langue mais la buvait. Le frémissement du tilleul et son odeur rejoignaient la voie lactée. Sur cette route du ciel, ses rêves un peu fous ne vagabondaient plus.

Les grillons qui crépitaient au bord de leur trou, lui rappelaient son maître. Un soir, étendue sur ses draps et toute livrée à la nuit chaude, elle sanglota d'abord à petit bruit, puis gémit longuement et regarda avec pitié son chaste corps intact, brûlant de vie mais d'une végétale fraîcheur.