Pourquoi diable un criminel armé d'un pistolet éprouverait-il le besoin d'un tisonnier ? Et, ce qui est vrai pour un criminel ordinaire, l'est encore plus pour un mari ou un amant rendu fou furieux par la jalousie. Non, ce tisonnier devait avoir une raison précise… Une raison toute simple, quand on y réfléchit !
Boïeldieu, dans cette conversation naïve, ne fit pourtant que résumer les idées françaises de cette époque sur l’art musical. Oui, c’est bien cela, le gros public, à Paris, voulait de la musique qui berçât, même dans les situations les plus terribles, de la musique un peu dramatique, mais, pas trop claire, incolore, pure d’harmonies extraordinaires de rhythmes insolites, de formes
nouvelles, d’effets inattendus ; de la musique n’exigeant de ses interprètes et de ses auditeurs ni grand talent ni grande attention. C’était un art aimable et galant, en pantalon collant, en bottes à revers, jamais emporté ni rêveur, mais joyeux et troubadour et chevalier français... de Paris.
On voulait autre chose il y a quelques années : quelque chose qui ne valait
guère mieux. Maintenant on ne sait ce qu’on veut, ou plutôt on ne veut rien du tout.
Où diable le bon Dieu avait-il la tête quand il m’a fait naître en ce plaisant pays de France ?... Et pourtant je l’aime ce drôle de pays, dès que je parviens à oublier l’art et à ne plus songer à nos sottes agitations politiques. Comme on s’y amuse parfois ! Comme on y rit ! Quelle
dépense d’idées on y fait ! (en paroles du moins.) Comme on y déchire l’univers et son maître avec de jolies dents bien blanches, avec de beaux ongles d’acier poli ! Comme l’esprit y pétille ! Comme on y danse sur la phrase ! Comme on y blague royalement et républicainement !... Cette dernière manière est la moins divertissante. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Tout absorbé que je fusse par cette scène si belle de naturel et de sentiment de l’antique, il me fut impossible de ne pas entendre le dialogue établi derrière moi, entre mon jeune homme épluchant une orange et l’inconnu, son voisin, en proie à la plus vive émotion :
— Mon Dieu ! monsieur, calmez-vous.
— Non ! c’est irrésistible ! c’est accablant ! cela
tue !
— Mais, monsieur, vous avez tort de vous affecter de la sorte. Vous vous rendrez malade.
— Non, laissez-moi... Oh !
— Monsieur, allons, du courage ! enfin, après tout, ce n’est qu’un spectacle... vous offrirai-je un morceau de cette orange ?
— Ah ! c’est sublime !
— Elle est de Malte !
— Quel art
céleste !
— Ne me refusez pas.
— Ah ! monsieur, quelle musique !
— Oui, c’est très-joli.
Pendant cette discordante conversation, l’opéra était parvenu, après la scène de réconciliation, au beau trio : «Ô doux moments !» ; la douceur pénétrante de cette simple mélodie me saisit à mon tour ; je commençai à pleurer, la tête cachée
dans mes deux mains, comme un homme abîmé d’affliction. À peine le trio était-il achevé, que deux bras robustes m’enlèvent de dessus mon banc, en me serrant la poitrine à me la briser ; c’étaient ceux de l’inconnu qui, ne pouvant plus maîtriser son émotion, et ayant remarqué que de tous ceux qui l’entouraient j’étais le seul qui parût la partager, m’embrassait avec
fureur, en criant d’une voix convulsive : — «Sacrrrrre-dieu ! monsieur, que c’est beau ! ! !» Sans m’étonner le moins du monde, et la figure toute décomposée par les larmes, je lui réponds par cette interrogation :
— Êtes-vous musicien ?...
— Non, mais je sens la musique aussi vivement que qui que ce soit.
— Ma foi, c’est égal, donnez-moi
votre main ; pardieu, monsieur, vous êtes un brave homme !
Là-dessus, parfaitement insensibles aux ricanements des spectateurs qui faisaient cercle autour de nous, comme à l’air ébahi de mon néophyte mangeur d’oranges, nous échangeons quelques mots à voix basse, je lui donne mon nom, il me confie le sien[19] et sa profession. C’était un ingénieur ! un mathématicien ! !
! Où diable la sensibilité va-t-elle se nicher ! + Lire la suiteCommenter  J’apprécie         00
Les hommes avec qui je m'entretenais alors étaient des artisans rangés et paisibles, dont les mœurs douces et un peu molles étaient encore plus éloignées de la cruauté que de l’héroïsme. Ils ne rêvaient pourtant que destruction et massacre. Ils se plaignaient qu’on n’employât pas la bombe, la sape et la mine contre les rues insurgées et ne voulaient plus faire de quartier à
personne ; déjà, le matin, j’avais failli voir fusiller devant moi sur les boulevards un pauvre diable qu’on venait d’arrêter sans armes, mais dont la bouche et les mains étaient noircies par une substance qu’on supposait être et qui était sans doute de la poudre. Je fis ce que je pus pour calmer ces moutons enragés.
Mon Jeannot,
Le beau dimanche approche. Même s’il pleut, ce sera un beau dimanche. Voilà le prodige de notre rêve et que les circonstances rendent si merveilleux. Je n’existe que par toi et par ces visites — je n’écoute plus la ville et son brouillard d’idées. Tout me semble clair et pur à cause de ton soleil et de ton espoir. C’est toi qui as raison. C’est ton
étoile qui donne la chance et la joie. C’est le reste qui s’embrouille et trébuche dans les ténèbres.
Cela m’amuse de penser que tu t’accuses de bêtise ! Toi le sage. Toi le seul qui sache et qui vive au-dessus et au-dessous de la bêtise. Je me sens si lourd et si balourd à côté de toi. Sans ta légèreté, sans ta force, je serais une loque et je me laisserais prendre par
l’ankylose. Mais je n’ai qu’à « voir » ta figure, tes mèches, ta casquette, tes bottes et 107 pour chasser le diable et retrouver le cortège des anges.
Mon Jeannot, je te bénis, je te remercie de m’aimer et de me transformer. Je t’embrasse du fond de l’âme.
Prières en flammes
Ici c'est l'Enfer pour moi
Le Diable est dans mon lit
Le Diable est dans cette bouteille
Le Diable est dans ma tête
Je te reverrai au Ciel
Si tu porte cette robe
(encore un verre, mon ami)
Là où mon cœur est prisonnier des glaces
Les prières soudain s'enflamment
Prières en flammes.
(Prayers on fire)
- Quand il montera à bord, murmura le capitaine Saunders en attendant que s'éjecte la rampe de débarquement, comment diable vais-je l'appeler ?
Dans un silence soucieux, l'officier de navigation et le copilote considérèrent ce grave problème d'étiquette.
Puis Mitchell éteignit le tableau de bord principal et, privés d'énergie, les innombrables circuits du vaisseau sombrèrent
dans l'inertie.
- Conformément au protocole, dit-il avec une nonchalance affectée, la réponse correcte est "Votre Altesse Royale".
- Pouah ! éructa Saunders. Vous me voyez en train d'appeler qui que ce soit de la sorte ?....
(extrait de "Le réfugié" -première nouvelle du recueil "L'étoile" publié chez "J'ai Lu" en 1979)