A Montaillou, la maison a son astre, sa bonne fortune " à laquelle les décédés participent encore". On sauvegarde cet astre et cette fortune en conservant dans la maison des fragments d'ongles et de cheveux du chef de famille décédé : cheveux et ongles, dans la mesure où ils continuent à pousser après le décès, sont porteurs d'énergie vitale, spécialement intense.
p. 60
Tout comme Racine, Pomponne et Fieubet, notre Saint-Simon, planète lointaine et cependant fidèle, se place en situation d'orbite autour de l'étoile port-royaliste, sans jamais venir néanmoins au plus près de cet astre brûlant, ou du moins de façon rarissime, car ce serait au risque de s'y consumer.
LE PAPILLON
…
V
Un paysage, toi ?
Prenant la loupe,
verrai-je quelque troppe
légère dans les bois ?
Le jour y brillerait ?
La nuit y règne ?
Quel astre baigne
de clairs ou sombres rais
et terre et ciel ?
Dis, quels visages
reflètent ces images
en lieu mortel ?
VI
Ma joie est de penser
que te composent
visage, étoile, chose,
mais par pincées.
Quel joaillier sérieux
mit en pâture
ces pauvres miniatures
en ces bas lieux
de fureur et d'éclat
où, sous le maître,
tu es l'idée de l'être,
nous, l'être las ?
VII
Dis-moi, tes entrelacs,
ton frêle faste,
pourquoi en cette vaste
contrée de lacs
dont l'amalgame plaît
aux dieux, s'épuisent-
ils aussi vite ? Puisse
ton bref délai
te frelocher sans deuil :
palpiter dans la paume,
et, tendre aumône,
taper dans l'œil !
VIII
Tu ne répondras pas
non par excès de
timidité, accès de
de colère ou par
suite de ton décès.
Défunte ou vive,
toute âme, productive
ou non, possè-
de voix empruntée
pour chanter ou dire,
pour que la voix étire
l'instant, le jour.
p.22-23
1972
(Traduit par André Markowicz.)
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Jamais partis, jamais arrivés. Leurs coeurs sont des amandes dans les rues. Les places étaient plus vastes qu’un ciel qui ne les recouvrait point. Et la mer les oubliait. Ils distinguaient leur nord de leur sud, lâchaient les colombes de la mémoire vers leurs premières tourelles et capturaient chez leurs martyrs un astre qui les guidait à l’ogre de l’enfance. Chaque fois qu’ils
disaient : Nous y sommes ? le premier d’entre eux dégringolaient l’arc des commencements. Toi le héros, laisse-nous que nous puissions te porter vers une autre fin. Périsse le commencement ! Toi le héros ensanglanté des longs commencements, dis-nous, longtemps encore notre voyage ne sera que commencement ? Toi le héros qui gis sur les pains d’avoine et le duvet des amandes, nous
embaumerons de rosée la plaie qui tarit ton âme, nous l’embaumerons du lait d’une nuit éveillée, de la fleur de l’oranger, de la pierre qui saigne, du chant, notre chant, et d’une plume prise au phénix.
Adèle pense que la musique est une autre forme d'écriture moins dangereuse. Une écriture de lumière, pas une écriture de l'ombre. La musique est un astre qui éclaire, la littérature un astre qui oppresse.