Le refus a toujours constitué un geste essentiel. Les saints, les ermites, mais aussi les intellectuels. Le petit nombre d'hommes qui ont fait l'Histoire sont ceux qui ont dit non, jamais les courtisans et les valets des cardinaux. ( extr. ultime interview de P. P. Pasolini, le 8 novembre 1975)
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L'important n'était pas de tout savoir sur les cartes postales, mais d'en envoyer et d'en recevoir, aujourd'hui, demain et tous les autres jours. Pour écrire de bons livres, il ne s'agissait pas d'être bien documenté, comme on l'imaginait naïvement, mais d'avoir bien vécu, de s'être souvent perdu et toujours retrouvé.
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Tous ces mots, toutes ces cartes postales, c'étaient les rites des vacances, les timbres, les crayons jetés en désordre sur la table. C'étaient l'improvisation, l'ombre fraîche derrière les persiennes, les fous rires. On n'est pas sérieux quand on écrit des cartes postales. Ce n'est pas un devoir, c'est un jeu ; ce n'est pas un emploi, c'est un passe-temps. À force de chercher des mots
plus amples, plus moelleux, on improvise des exercices de style.
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Les voyelles de Rimbaud, A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu, émerveillaient petits et grands, mais plus personne ne daignait lire le chapitre du -Quart Livre- dans lequel Pantagruel, Panurge et frère Jean des Entommeures embarqués sur l'Océan atteignent les confins de la mer de Glace et rencontrent les paroles gelées qui ressemblent à des dragées -perlées de diverses couleurs- Quelle
page, quelle verve, quelle fantaisie, quelles images, pourtant...
" Nous avons vu des mots rouges, des mots verts, des mots bleus, des mots noirs, des mots dorés. Une fois réchauffés entre nos mains, ils fondaient comme neige, et nous les entendions réellement." Il admirait les dons de coloriste de Rimbaud et ses voyelles arc-en-ciel. Mails il lui semblait devoir rappeler les
droits d'aînesse des mots rouges, des mots verts, des mots bleus, des mots noirs et des mots dorés de messire François Rabelais. (p.20)
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Il avait éprouvé de manière nouvelle le bonheur d'écrire une carte postale du bout du monde, puis de la glisser dans une boîte, en sachant qu'un inconnu la ramasserait, la jetterait dans un sac, la porterait dans un centre de tri, puis un autre du centre de tri à l'aéroport, d'où la carte, embarquée à bord d'un avion, s'envolerait dans les airs, traverserait les océans, les plaines, les
montagnes, avant d'arriver à destination, d'être déchargée, convoyée, à nouveau triée, distribuée par le facteur et enfin-et seulement enfin- découverte dans sa boîte par le destinataire après une longue course à travers le monde. (p.56-57)
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Comme saint-Exupéry dans -Vol de nuit-: "Ciel pur, pleine lune, vent nul". Certains jours, songeait-il en faisant tourner son crayon entre ses doigts, écrire une carte postale consistait simplement à poétiser le calendrier et la météo. (...)
La carte postale restait dans sa vie et dans celle de ses contemporains un objet très actuel-un bonheur en actes. (p.32)
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(...) j'aimais la façon qu'elle avait de chercher dans l'existence quelque chose de merveilleux, nous vivions quand même une sale époque, ceux qui avaient le don de se soustraire à sa loi me touchaient, il fallait trouver de la force on ne sait où, Lucie était forte, j'avais bu ses paroles comme une eau- de-vie. (...)
cette femme avait compris dans quel monde infernal nous vivions,
compris que nous devions surfer sur le désastre. (p.111)
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(...)sur l'écran de son smartphone, elle m'avait montré les aquarelles postées sur sa page Facebook. secrètement, j'avais espéré qu'une telle femme n'eût pas de page Facebook. Et pas de smartphone non plus.Ni de Pass Navigo pour emprunter les transports en commun à Paris, ni d'ordinateur, ni de carte de crédit, ni de permis de conduire...Ni rien de contemporain. Oui, j'avais rêvé de
tout cela. (p. 88)
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Ce monde est tellement beau. Il y a dans l'air cette froidure piquante, aiguë comme l'espérance, qui laisse deviner que tout peut toujours être réinventé (...)
tout passe, hélas, et nous passons sans ralentir. J'ai heureusement appris à glisser un carnet dans ma poche, à prendre des notes et à capter les détails. Beauté mon beau souci, a dit un poète. Ce monde n'est pas
seulement beau dans les choses visibles. Il est beau dans celles qui sont invisibles. après bien des rebuffades, de longues années de sotte indifférence et d'ignorance fort peu docte, j'ai appris à l'aimer au-delà de l'image. j'ai découvert sa beauté dans l'enfance, dans la vieillesse, dans la musique, dans l'humilité, dans le secret, dans la présence et dans l'attente. J'ai compris que
ce monde était beau dans la douleur et dans le deuil, beau dans le passage du temps et dans les adieux sans espoir de retour. Tellement beau. (p. 12)
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Les garçons et les filles qui la composaient [la classe ] m'avaient souvent donné l'occasion de vérifier ma théorie sur les élèves: tout ce qui était nouveau les attirait, tout ce qui était rebouilli les écoeurait. Leur esprit critique devait être stimulé. Aimais-je encore mon métier ? Peut-être pas tous les jours, mais j'aimais mes élèves. et je n'affectionnais pas cet enseignement
qui semblait conçu pour les faire bailler. Tout cela ne devait probablement rien au hasard. Le capitalisme total avait tout intérêt à ce que l'école devienne une fabrique de crétins. (p. 103)
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Béatrice n’avait pas daigné répondre à mon dernier message. J’aurais peut-être dû lui écrire tout simplement : “Embrasse-moi.” Mais le temps passe et tout doucement la magie de certains mots s’efface. On n’ose plus prononcer ceux avec lesquels tout pourrait recommencer. L’indifférence installe son mur de glace. Il devient chaque jour plus épais, plus lourd et plus large. On
cherche en vain la dynamite pour le faire exploser.
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Une télévision en couleur était un signe de prospérité à cette époque où l'on avait réussi sa vie quand on avait un peu amélioré sa situation matérielle. (p. 53)
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Simon Leys, qui aime Julien Green autant que Lu Xun, Evelyn Waugh autant que Zhou Lianggong et Cervantès autant que Confucius, est le dernier encyclopédiste. Un homme qui a compris avec Aragon qu'il fallait tout lire, depuis les notices de médicament jusqu'aux classiques. Universitaire distingué, il moque le goût de ses confrères pour les ouvrages assommants : "Certains pays
hyperdéveloppés paient de temps à autre leurs paysans pour qu'ils ne produisent pas de beurre ou de maïs, ne pourrait-on pas subsidier certains universitaires pour qu'ils cessent d'écrire des livres ?"p 163
![Sébastien Lapaque](images/avatarlar/pexels-simon-migaj-747.png)
C'était l'heure des violents. Place Denfert-Rochereau,un faux silence flottait au-dessus des statues désuètes et des squares assoupis. Autour du lion de cuivre, soudain plus lourd et plus inquiétant, la chorégraphie improvisée par les feux tricolores retenait à peine les ombres qui glissaient dans la nuit.