De façon aussi magique que les oies poursuivent la voie de leur migration, selon les indices et des perceptions instinctives qui nous émerveillent, une intuition insaisissable nous guide, hors des repères humains, avec l'incertitude de l'aveugle tâtonnant mais aussi sûrement que si, en nous, un esprit séculaire et très sage nous tenait la main.
Ici, je commençais à mieux comprendre comment la Nature m'interpellait, ce qui en faisait le cadre magique d'un retour sur moi, aux vraies valeurs, à l'authenticité de l'être.Si, par ses distractions et sa routine laborieuse, la ville absorbait telle une éponge les angoisses, les ambitions qu'elle contribuait à générer, elle ne tardait pas à emprisonner, à imposer le cadre rigide d'une
attitude dictée de l'extérieur. (..) Mais pour le cheminement vers soi, les bruits, les excitations extérieurs, l'étiquette posée par le regard des autres devenaient vite des parasites pénibles qui gênaient le recueillement. Dans la Nature, il me semblait que le silence, la quiétude, l'absence de repères permettaient aux pensées de naître, aux désirs et aux contrariétés de venir à
la conscience, en un mot ouvrait la porte vers une certaine harmonie.
Et si le bonheur n'était pas de se protéger des douleurs de la vie, mais d'être plus disponible à sa beauté, de baisser les barrières qu'avec le temps, par réflexes apeurés, nous opposons à la simplicité , aux plaisirs quotidien d'un rayon de soleil, d'un sourire échangé avec un être cher, à la saveur d'un simple morceau de pain?
"Avec mon nouveau robot, je peux TOUT faire." [...] avais-je souvent entendu de mes interlocuteurs visiblement très fiers de leur modernisme.
Avec un certain orgueil, je me réjouissais d'être totalement archaïque, attardée, car j'y découvrais une nouvelle liberté née de l'autonomie et une joie profonde du Geste, dans son accomplissement et sa réalisation.
A mon retour, m'attendait l'image paisible de la maison, blottie au bord du lac gelé, environnée de blanc et de silence, dont la cheminée laissait échapper des volutes de fumée qui se dispersaient, se diluaient dans le ciel déjà teinté des lueurs du couchant. Le crépuscule peignait la neige de nuances pastel tandis qu'en face, majestueuse, se levait la lune. Je me sentais effleurée par
une émotion essentielle, troublée par cette harmonie de beauté et de simplicité que je tentais en vain de définir; de fixer.