Jon Ronson
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« Je crois qu'il y a beaucoup à apprendre des acteurs porno sur le fait de ne pas être embarrassé ou de ne pas se sentir vulnérable », m'avait-il* répondu. Puis il avait ajouté que de nombreuses personnes de l'industrie du sexe finissaient par travailler dans des unités de soins palliatifs. « Le corps ne les fait pas flipper, alors ils peuvent aider les gens à faire la transition de la

maladie à la mort. »
(p. 142-143)

* Conner Habib, acteur porno

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Nous étions donc beaucoup plus effrayants que le juge Ted Poe.Les personnes puissantes, cinglées et cruelles sur lesquelles j’écris d’ordinaire avaient tendance à se trouver dans des endroits éloignés.
Mais désormais les personnes puissantes cinglées et cruelles c’était nous. C’est comme si nous étions des soldats en guerre contre les défauts des autres, et les

hostilités s’étaient soudain intensifiées.

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-Oh, vous savez comment sont les blogueurs. Ils passent leur temps à écrire. Je me demande pourquoi, vu qu'ils ne sont pas payés pour.

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En 1961, un jeune homme nommé Frederick Condon avait eu un accident. A l'époque, les arêtes tranchantes et l'absence de ceinture de sécurité dans les voitures étaient considérées comme élégantes. Mais les arêtes tranchantes avaient rendu Frederick Condon paraplégique. Alors son ami - l'avocat Ralph Nader - avait commencé à faire pression pour que les ceintures de sécurité

deviennent obligatoires. Suite à quoi General Motors avait payé des prostituées afin qu'elles le suivent dans des magasins - un supermarché Safeway et une pharmacie - et le séduisent dans le but de le discréditer.
« C'est arrivé deux fois, m'a dit Nader quand je lui ai par la suite téléphoné. C'étaient des femmes qui avaient entre vingt-cinq et trente ans. Elles se comportaient

toutes les deux avec une grande spontanéité, pas comme des conspiratrices. Elles ont engagé une petite conversation, puis sont passées aux choses sérieuses.
[...]
- Et tout ça parce que vous vouliez qu'il y ait des ceintures de sécurité dans les voitures ?
- Ils ne voulaient pas que le gouvernement leur dicte comment construire leurs véhicules. Ils étaient très

libertaires à cet égard, pour dire les choses gentiment. Ils avaient des détectives privés qui me suivaient partout. Ils ont dépensé 10 000 dollars juste pour savoir si j'avais le permis de conduire. Si je ne l'avais pas, ils auraient pu me qualifier de non-américain, vous voyez ? »
Finalement, General Motors avait été forcé d'avouer le complot et de s'excuser auprès de Nader

lors d'une audience au congrès. Mais l'incident lui avait prouvé, comme Max le découvrirait par la suite, que dans sa bataille contre les chantres de la sécurité, l'industrie automobile ne répugnait pas à humilier ses opposants pour les contraindre au silence, et que les personnes haut placées étaient prêtes à utiliser ingénieusement l'humiliation comme moyen de gagner de l'argent et

comme outil pour contrôler la société. Peut-être ne le remarquons-nous que quand elles le font avec trop d'audace, ou trop mal, comme ça avait été le cas avec Ralph Nader.
(p. 135-136) + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          190

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Anna Funder* avait rendu visite à un agent de la Stasi** dont le boulot avait consisté à recruter des informateurs. Elle voulait savoir comment - étant donné que le salaire de ceux-ci était très bas et que la charge de travail croissait constamment à mesure que de plus en plus de comportements étaient considérés comme des activités ennemies - il parvenait à persuader des personnes à

les rejoindre.
« La plupart des gens disaient simplement oui, avait-il répondu.
- Pourquoi ?
- Certains d'entre eux croyaient à la cause. Mais je pense que c'était principalement parce que les informateurs avaient l'impression d'être quelqu'un, vous savez ? On les écoutait pendant deux heures chaque semaine, prenant des notes. Ils se sentaient supérieurs aux autres. »

J'ai songé que c'était condescendant de la part de l'officier de dire ça de ses informateurs. Et que ça le serait aussi de le dire des utilisateurs de Twitter, car les réseaux sociaux donnent une voix à ceux qui n'en ont pas (leur égalitarisme est leur plus grande qualité). Mais j'ai été frappé par un rapport qu'Anna Funder avait découvert et qui avait été rédigé par un

psychologue de la Stasi chargé d'essayer de comprendre pourquoi ils attiraient tellement d'informateurs de bonne volonté. Sa conclusion :
« C'était le besoin de s'assurer que son voisin se comportait bien. »
(p. 249-250)
_____
* auteur de 'Stasiland', 2003
** service de police politique, de renseignements, d'espionnage et de contre-espionnage de la République

démocratique allemande (RDA) créé le 8 février 1950. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          160

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Je crois que notre tendance en tant qu'humains est d'avancer péniblement, puis d'arrêter quand on est trop vieux. Mais avec les réseaux sociaux, nous avons créé une scène pour de grands spectacles permanents et artificiels. Chaque jour une nouvelle personne émerge en tant que héros magnifique ou en tant qu'ignoble crapule. Ça balaie tout, et ça ne ressemble pas à ce que nous sommes

vraiment en tant que personnes. Quel est ce frisson qui s'empare de nous à de tels moments ? Qu'en tirons-nous ?
(p. 79)

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J'ai [...] demandé sur Twitter : « Twitter est-il devenu un tribunal de pacotille ? »
« Pas un tribunal de pacotille, a répondu quelqu'un assez laconiquement. Twitter ne peut toujours pas prononcer de sentence. Juste des commentaires. Contrairement à vous, Jon, nous ne sommes pas payés pour ça. »
Avait-il raison ? J'avais l'impression que c'était une question qui méritait

réellement une réponse, car aucun de nous ne semblait se demander si la personne que nous venions d'humilier, quelle qu'elle soit, se portait bien ou était détruite. Je suppose que quand les humiliations sont administrées à distance, comme des frappes de drones, personne n'a besoin de songer à la férocité de notre pouvoir collectif. Le flocon de neige n'a pas à se sentir responsable de

l'avalanche.
(p. 60)

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"Si vous voulez être aimé, prenez un chien."

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'Psychologie des foules' avait connu, à sa parution [en 1895], un succès fulgurant. Il avait été traduit dans vingt-six langues et avait permis à Le Bon d'obtenir ce qu'il avait toujours désiré : une place au coeur de la société parisienne, place dont il avait immédiatement abusé d'une manière étrange. Il avait organisé une série de déjeuners [...] pour des politiciens et des

personnes éminentes de la société. Il s'asseyait à la tête de la table avec une clochette à ses cotés. Et si l'un des convives disait une chose avec laquelle il n'était pas d'accord, il soulevait la clochette et la faisait tinter jusqu'à ce que la personne se taise.
(p. 96)

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Après une accalmie de 180 ans (les châtiments publics avaient été progressivement supprimés en 1837 au Royaume Uni et en 1839 aux Etats Unis) elle revenait à grands pas. Quand nous jetions l'opprobre sur quelqu'un, nous utilisions un outil excessivement puissant [avec les réseaux sociaux]. Il était coercitif, sans frontières, et gagnait en vitesse et en influence.
(p. 18)

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[...] L'économiste-chercheur Jonathan Hersch [...] disait : « Quelque chose dans cette histoire a résonné en eux [les internautes], à tel point qu'ils se sont sentis obligés de chercher son nom dans Google. Ça signifie qu'ils sont engagés. Si l'intérêt pour Justine* était suffisant pour que les utilisateurs restent en ligne plus longtemps qu'ils ne l'auraient fait autrement, ça a dû

avoir pour résultat direct plus de revenus publicitaires pour Google. Google a pour devise informelle 'Ne soyez pas malveillants', mais ils gagnent de l'argent dès qu'il se passe quelque chose en ligne, même des trucs moches. »
Faure de meilleures données de la part de Google, il pouvait seulement offrir un calcul 'approximatif'. Mais il pensait qu'il serait assez prudent d'estimer que

Justine, en tant que 'requête à valeur basse', avait rapporté un quart de la moyenne. Ce qui signifiait que Google avait gagné 120 000 dollars grâce à sa 'destruction'.
Peut-être que ce chiffre était exact. Peut-être que Google a gagné plus, ou moins. Mais une chose est certaine : ceux d'entre nous qui se sont chargés de l'annihilation n'ont rien perçu. Nous avons été les

stagiaires humiliateurs non rémunérés de Google.
(p. 254-255)

* Justine Sacco - cf. cet article :
http://www.lepoint.fr/societe/justine-sacco-histoire-d-un-lynchage-en-ligne-13-02-2018-2194655_23.php + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          110

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De nombreuses recherches ont montré que les participants aux expériences psychologiques cherchent toujours à répondre à ce qu'ils pensent être les attentes des chercheurs.
- Peter Gray, 'Psychology Today', 19/10/2013

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[...] dans la file pour les dédicaces, une femme m'a dit qu'elle était psychiatre pour enfants, et que presque tous les gamins qu'elle voyait de nos jours avaient été abîmés par quelque chose qui s'était produit sur les réseaux sociaux.
(p. 276)

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Il est terriblement plus difficile, m'a expliqué Tony, de convaincre les gens qu'on est sain d'esprit que de les convaincre qu'on est fou.

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En résumé, pour reprendre les termes du lieutenant-colonel Dave Grossman, du groupe de recherches sur la "killology": "Il y a dans les combats incessants et inévitables quelque chose qui rendra fous 98% des hommes, les 2% restants étant déjà fous en arrivant."

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Sur Internet, on a le pouvoir dans des situations où on serait autrement impuissants.

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Nous sommes une masse de vulnérabilités, et qui sait ce qui va les déclencher?