Jacques Ellul
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Sans penser que demain, peut-être, savoir cultiver un bout de terrain, allumer un feu de bois et faire des pansements corrects seront plus utiles que tapoter sur un clavier.

Jacques Ellul
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Dans l'esprit de Jésus, nous combattons la violence en nous attaquant à la peur. Jésus dit aux opprimées : " Si on te frappe sur la joue droite, tend la joue gauche", il cherche ainsi à les libérer de la peur devant la violence de leurs oppresseurs. p.149

Jacques Ellul
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[...] la technique nous est dorénavant présentée comme la seule solution à tous nos problèmes collectifs (le chômage, la misère du tiers monde, la crise, la pollution, la menace de guerre) ou individuels (la santé, la vie familiale, et même le sens de la vie) [...] Et il s'agit bien de bluff, parce que dans ce discours l'on multiplie par cent les possibilités effectives des techniques et

que l'on voile radicalement les aspects négatifs.

Jacques Ellul
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Ce n’est pas la technique qui nous asservit, mais le sacré transféré à la technique.

Jacques Ellul
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Je ne puis condamner les opprimés qui pour se révolter prennent les armes et se lancent dans la violence, mais je pense leur révolte inefficace pour une réelle révolution : ou bien les opprimés seront écrasés par les forces des gens du pouvoir, ou bien, quand le pouvoir en place sera renversé, ils auront acquis le goût du pouvoir par les armes, ils deviendront alors les nouveaux

oppresseurs et tout sera à refaire.
Pour une véritable révolution, il faut trouver le moral de s'engager à faire disparaitre ce qui est à l'origine de toutes les violences : l'esprit de hiérarchie et la peur ; la peur qu'éprouvent les dominants de ne plus pouvoir vivre s'ils renversent leurs maitres, les pousse à accepter la violence qu'ils subissent. Ils trouvent eux-mêmes une

compensation en cherchant à dominer sur d'autres, toujours au prix de la violence dans le cycle infernale de révolte-répression...

Jacques Ellul
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Car ce qui est essentiel, c’est d’obtenir une « impression », un « sentiment ». Pourvu que le peuple ait l’impression de vivre en démocratie, que le gouvernement « paraisse » démocratique aux yeux de l’opinion, c’est évidemment l’essentiel. On connaît parfaitement des gouvernements très démocratiques qui donnent l’impression d’être autoritaires, inversement des

gouvernements dictatoriaux qui savent créer l’opinion dont ils ont besoin pour qu’ils soient ressentis comme démocratiques : ainsi les démocraties populaires.

(p.178)

Jacques Ellul
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Croire que l'on a la solution des problèmes politiques ou économiques est une des catastrophes de notre société : les plans, la planification dans tous les domaines sont, autant que la prévisionnite, une maladie mortelle. En ce sens notre société est pire que celles où l'on vivait dans un univers religieux, car ces sociétés connaissaient le doute et les incertitudes, alors que le croyant

en des solutions scientifiques et techniques est l'inexpiable bourreau collectif de notre monde, insensible aux remords autant qu'aux scrupules.

Jacques Ellul
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Le bourgeois commencera par valoriser le travail en ce qui le concerne lui-même. C'est d'abord chez lui qu'il applique une stricte et rigoureuse morale du travail, il crée un enseignement orienté vers le travail, il donne un sens à la vie par le travail, et le plus grand reproche qu'il puisse adresser à ses enfants est celui de paresse. Inversement, à l'homme qui travaille, tout est permis,

tout devient péché mineur. Il peut tromper sa femme, exploiter les autres, être dur, égoïste, orgueilleux, qu'importe : c'est un grand travailleur ! Tout est ainsi purifié.

Jacques Ellul
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Arbeit macht frei, grande formule inscrite à la porte des camps de concentration par les nazis. Car eux aussi participent à la communion fraternelle en la valeur travail. Et comme ils ont bien compris, comme ils ont bien exprimé le lieu commun fondamental, ils ne sont pas assez stupides pour inscrire sur leurs frontons "voi ch'entrate, lasciate... (note en bas de page : Lasciate ogne speranza,

voi ch'entrate, vers fameux du chant III de l'Enfer de Dante, généralement traduit en français par l'alexandrin : Vous qui entrez ici, laissez toute espérance.) C'est ici l'astuce et le plus grand mensonge mais qui leur est fourni par la société bourgeoise, et par la société communiste. Vous êtes enfermés, vous êtes mal nourris, vous êtes mal traités, vous avez froid, vous êtes sous

le coup de la mort, mais il y a une espérance : le travail. Quoique derrière des barbelés le travail vous libère, vous apporte dignité, vertu, justice, vous êtes encore un homme puisque vous travaillez. Vous êtes un homme libre parce que le travail c'est la garantie et l'assouvissement de votre liberté intérieur. Et cette admirable trouvaille, que seuls de mauvais esprits peuvent

considérer comme dérision, peut s'appliquer partout : ouvriers soumis au patron, le travail rend libre, c'est la même démonstration. Russe soumis à la dictature stalinienne, le travail rend libre, c'est la même démonstration. Et toi homme tout court, n'importe quel homme, qui vis dans une société absurde, qui n'as plus de foi an Jésus-Christ, qui es livré aux puissances déchaînées,

qui ne sais pas si demain existera encore, qui es saisi par l'angoisse de ta condition, et trouves que ta vie n'a pas de sens, tu as de la chance, une bien grande chance : tu travailles, tu travailles beaucoup, tu travailles de plus en plus, et alors par là, tu le vois bien, tout est en place, tu es un homme libre. Même démonstration. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie   

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Jacques Ellul
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Exister, c'est résister.

Cité dans Exister, résister. Ce qui dépend de nous de Pascal Chabot

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Tout le monde est d'accord pour déclarer que la recherche scientifique doit être libre et indépendante. De même la technique. Si bien que nos modernes zélateurs pour l'abolition de la morale sexuelle, de la structure familiale, du contrôle social, de la hiérarchie des valeurs, etc., ne sont rien d'autre que les porte-paroles de l'autonomie technicienne dans son intolérance absolue des

limites quelles qu'elles soient : ce sont de parfaits conformistes de l’orthodoxie technicienne implicite. Ils croient combattre pour leur liberté mais en réalité, c'est la liberté de la technique, dont ils ignorent tout, qu'ils servent en aveugles esclaves du pire des destins.

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De même Baudrillard montre à quel point la culture issue de la Technique est l'inverse absolu de la culture conçue comme : 1. Patrimoine héréditaire d'œuvres, de pensées, de tradition. 2. Dimension continue d'une réflexion théorique et critique. Transcendance critique et fonction symbolique. Les deux sont également niées par la subculture cyclique, faite d'ingrédients et de signes

culturels obsolescents, par l'actualité culturelle... On voit que le problème de la consommation culturelle n'est pas lié aux contenus culturels à proprement parler ni au public culturel... ce qui est décisif c'est que la culture n'est plus faite pour durer... c'est la rapidité de progression de la technique qui condamne la culture à être l'inverse de ce qu'elle a toujours été,

consommation immédiate d'un produit technique sans substance. Baudrillard note à juste titre qu'à la limite il n'y a pas de différence entre la culture de masse (qui combine des contenus) et la création d'avant-garde (qui manipule des formes) les deux sont déterminées par l'impératif fonctionnel de la technique qui implique que tout doit toujours être actuel. + Lire la

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L'homme honnête est obligé de constater qu'il existe non seulement un dérangement mais une sorte de renversement, où ce sont les moins rapides qui gagnent la course (...), les crétins qui s'enrichissent. Certes, cela peut être un consolation à bas prix pour ceux qui perdent les courses et les guerres (...). Seulement, c'est oublier qu'une fois encore, de manière négative, à l'envers,

Qohelet rejoint ici la grâce pauliniènne. Tout est inversé dans le monde. C'est pourquoi Dieu fait intervenir en Christ un deuxième renversement, en choisissant les choses faibles, folles, ou sans existence, pour manifester sa force, pour montrer sa Sagesse, pour donner réalité à ce qui n'en avait pas. D'ailleurs ce double renversement, le Christ lui-même l'a opéré dans les

Béatitudes..."

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Nous vivons un gigantesque procès où chacun est l'accusateur avec fougue, la passion, le délire d'être le Justicier et l'Explicateur. Chaque fois que tu accuses un autre (le fasciste ou le communiste, ou le juif ou l'immigré ou le jeune...), en même temps tu te délivres et tu t'assures de ta propre justice. Tu as trouvé ton bouc émissaire. Et nous passons en effet notre temps à le

chercher. Pour poser notre main sur sa tête et nous décharger ainsi de toutes nos fautes, et l'envoyer ensuite au désert, devenir la proie des guivres, des incubes, des succubes, des larves, des lémures qui représentent nos propres haines enfin expulsées.
Il faut le reconnaître, au travers de nos succès inouïs de science et d'intelligence, par le chemin de nos croyances infuses et

diffuses, Satan a gagné exactement partout. Sans exister par soi. Il nous suffit d'être nous-mêmes. De croire en nous-mêmes. Alors vient le repli. Après cette phase d'expansion accusatrice, nulle autre issue que de s'enfermer en soi, de trouver en soi son contentement et sa suffisance, et de se contempler, Narcisse qui ne se noiera pas, car il est déjà mort, et il s'est assassiné dans son

accusation. Mais il lui faut bien continuer à vivre. Vois la pauvreté de l'érotisme moderne. Surprenant contresens, mais un de plus seulement, de se réaliser par l'érotisme, et de nous montrer Sade comme le héros des libérations et d'un dépassement de l'homme ? De soi ? Qui ne peut s'exprimer et s'achever dans l'acte érotique. Car, relis bien, tu verras, et non par façade morale, que

chacune de ces aventures s'achève par une impossibilité, par un échec. Et l'autre, qu'en as-tu fait dans ton aventure érotique ? Je trouve bien plaisante l'attitude bravache des orgueilleux inventeurs de cette liberté ! Vous avez fait de la femme un objet ; par l'érotisme elle va se libérer, enfin devenir elle-même... mais l'érotisme est toujours plaisir solitaire, et comment ne pas voir

que celui qui est utilisé n'est jamais rien de plus qu'un objet pour achever mon plaisir ? Il n'y a pas d'érotisme partagé (ce serait de l'amour). L'autre n'est jamais qu'un godemiché un peu plus perfectionné. Enfermement dans soi que l'érotisme, et rien d'autre, rien de plus, cependant que cet objet, tu es prêt à le rejeter aussi, porteur encore une fois de ce qui pourrait être ta marque

d'infamie que, heureusement, tu as su projeter sur lui. Repli sur toi, pour te cuirasser contre le regard d'un autre. Utilisation de l'autre en même temps pour te sauver de toute accusation et pour satisfaire ta passion terrible de Narcisse vivant mort. Voilà où nous en sommes. + Lire la suiteCommenter  J’apprécie          70

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La plupart des gens, qui se laissent aller qui vont se bronzer, qui font du terrorisme et s'abêtissent à la TV, se moquent complètement des discours politiques et de la vie politique. Ils ont compris qu'ils n'ont rien à espérer. Et réciproquement, ils sont exaspérés par l'encadrement bureaucratique et les tracasseries administratives. Dénoncez tout cela, et vous aurez l'oreille d'un vaste

public.
Autrement dit : plus le pouvoir de l’État et de la bureaucratie augmente, plus l'affirmation de l'anarchie est nécessaire, seule et dernière défense de l'individu, c'est à dire de l'homme. Encore faut-il que l'anarchie retrouve son mordant et son courage, elle a un bel avenir devant elle. Voilà donc ce qui m'attache à l'anarchie.

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Quand je dis que l'homme n'est pas bon, je ne me place pas d'un point de vue chrétien ni du point de vue de la morale : je veux dire que les deux grandes caractéristiques de l'homme, quelle que soit sa société ou son éducation, sont la convoitise et l'esprit de puissance.
Alors si vous laissez l'homme entièrement libre de choisir son action, inévitablement, il cherchera à dominer

quelqu'un ou quelque chose, inévitablement il convoitera, ce qui est à autrui, ou à personne, et la convoitise a ceci de remarquable qu'elle ne peut jamais être assouvie, qu'elle n'est jamais satisfaite, sitôt qu'un point est acquis, elle se reporte sur autre chose.

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Toute contestation, toute perturbation dans le système n'est rien d'autre qu'une provocation, une sollicitation pour que de nouvelles techniques, de nouvelles organisations, de nouvelles procédures soient mises en place, intégrant chaque fois un plus grand nombre de données (en quantité illimitée grâce à l'ordinateur). Et ceci s'effectuant non pas contre l'homme et pour le posséder ou le

dominer : le système n'a aucune intention ni aucun objectif : il se déroule comme ça simplement. Et ses servants sont bien convaincus qu'ils travaillent pour le bien des hommes. Ils sont animés des meilleures intentions. Ce qui fait que le système technicien est de plus en plus humanisé. Mais par l'absorption de l'humain dans le Technique. Un autre processus est impensable.

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La technique ne se contente pas d'être, et, dans notre monde, d'être le facteur principal ou déterminant, elle est devenu système.

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Lénine demande avant tout
aux prolétaires la docilité devant le parti communiste alors qu'ils ne sont déjà que trop formés à la docilité par l'Etat bourgeois.
Tandis que dans la pensée de Marx le prolétariat doit devenir le maître, l'action de Lénine aboutirait en fait à scléroser le mouvement communiste en lui enlevant l'initiative des décisions.

(page 147)

Jacques Ellul
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On ne peut pas créer une société juste avec des moyens injustes. On ne peut pas créer une société libre avec des moyens d’esclaves. (page 16)