Le cerveau de votre fils est un bijou, on le définit à haut potentiel, mais il n'en a pas le mode d'emploi et cela le déroute en permanence.
Je me souvenais parfaitement de ma principale intention : je voulais que mon livre répare la catastrophe du départ d’Alicia. Mais, dans les faits, c’était surtout moi qu’il réparait. J’écrivais Alicia et je réalisais peu à peu qu’il ne s’agissait pas d’une affaire de mots. L’Amour avait guidé mon amie, rien de plus. C’est lui qui avait réussi à lui faire voir la vie en
grand quand, pourtant, elle s’annonçait minuscule. Lui qui fulgurait à travers son imaginaire à chaque fois qu’elle créait. C’est lui encore qu’elle dégageait et dont elle emplissait ceux qui goûtaient ses mets. Pas une onde paranormale ni un charme ensorcelé. L’Amour. Il était contagieux. Et écrire était un vecteur étonnant. Mon roman ne racontait rien d’autre que
l’histoire de cette Chose, majuscule, et qui ne se satisfait d’aucune épithète.
Je savais que la seule vraie souillure était celle qui marquant le coeur. Les autres s'effaçaient. Je pouvais gommer toutes les miennes, aucune n'était chargée de haine.
C'est l'apanage des âmes prodigieuses, on leur trouve toujours une attitude, un sourire, une délicatesse qui nous incitent à nous laisser entraîner dans leur liberté.
Mais Abigaëlle a un secret honteux: ses barres de chocolat truffé. Elle les cache dans le troisième tiroir sous l'évier, derrière les éponges et les brosses à vaisselle. Je le sais, parce qu'un soir, je l'ai surprise. Elle grignotait comme une petite souris, les yeux hagards, de peur qu'on la surprenne. Abigaëlle n'était définitivement pas parfaite. Oh! Rien à voir avec le chocolat,
tout avec le repentir. Une sorte d'autoflagellation stérile à vouloir cacher son plaisir. J'en vins à la conclusion que si tout contrôler était illusoire, tenter de tout contrôler c'était se résigner à perdre sa joie.
Il va falloir vous habituer, mon cerveau fourmille d'idées. C'est une sorte de phénomène inné. Elles viennent toutes en même temps et ma tête ne s'arrête jamais de tourner. Je passe de l'une à l'autre en jonglant. C'est épuisant ! Si un sujet m'intéresse particulièrement, j'arrive à m'y plonger profondément. Cela me détend jusqu'à ce que quelque chose me contrarie, alors la
colère monte en moi comme un ouragan et j'en veux au monde entier !
La différence rend malheureux. Je suis la génitrice de Calimero, l'artisan de ses jours torturés.
Je me suis figée au milieu de la cour. J’ai senti mon cœur s’arrêter. Je sais que la sensation est fausse, qu’il devait, au contraire, être tout occupé à s’emballer. Mais je ne ressentais plus rien à l’intérieur. Trois années avaient passé. Je revois la dernière scène, celle où il supplie les policiers de le laisser nous embrasser – m’embrasser – une dernière fois ;
ce moment, d’une violence terrible pour moi, avait tout juste cessé de me hanter. Je n’arrive pas à réaliser que c’est bien lui, là, devant moi, mais dans mon cœur un témoin lumineux vient de s’enclencher qui me le confirme. Je marche dans sa direction. Le bouclier érigé par ma mère entre lui et moi éclate. Ses mots si souvent répétés résonnent dans ma tête : « Si tu le
vois, tu cours prévenir la directrice. Tu ne l’approches pas, tu m’entends ? Tu ne l’approches pas. » Puis s’envolent. Papa ouvre les bras. Je m’y précipite. Je relève la tête. Ses yeux sombres et pétillants, noyés dans les miens. Sa voix profonde et onctueuse qui me dit : « Regarde dans ma poche droite, il y a un Milky Way […] + Lire la suiteCommenter
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L'esprit de Thomas était-il malade ? Non, Madame, être HP, c'est seulement une manière de penser particulière. Seulement ? Le cerveau de votre fils est un bijou, on le définit à Haut Potentiel, mais il n'en a pas le mode d'emploi et cela le déroute en permanence.
Je comprenais qu'à défaut de pouvoir changer le monde, le voir autrement est parfois la seule issue.