"..., l'écriture est un moyen de faire du tapage sans sortir de chez soi."
« Il va falloir écrire des livres mais toujours greffer des fleurs aux arbres. Institutrice, c'est bon pour ce paysan de Monsieur le Juge. Cela le rassure. Rien de plus sinistre que les vrais plants... Fais-lui croire n'importe quoi. Sois même institutrice s'il le faut. Mais à moi, seule devant ce figuier, jure-moi que tu seras écrivain. »
Elle eût remarqué, rien que par l'effleurement du mètre entre ses doigts, les jarretelles dont l'homme que j'aime est si friand, ainsi les hommes à femmes en général. Le harnachement fait aussi partie du sort animalier des femmes. J'enviais la jupière. Elle semblait au-dessus de ces hypocrites déguisements.
La fatigue, chaque soir, avale le maquillage, dissout l'envie.
J'étalai mes jupes et le bleu des iris de la dompteuse devint métallique. Le silence, total. La pause, entre deux tonnerres qui vous enfoncent aux entrailles de la terre, au royaume des morts : coupable parce que femelles, porteuses de jupe et du péché à goût de stupre !
Ils étaient beaux comme des assassins de rêves américains.
La jupière modulait ses phrases d'un ton rêche, avec un reste de velours. Celui d'un patron habitué à se faire obéir. Ou d'un mâle qui honnit sa femelle après en avoir tiré tous les gestes de l'amour. Ou d'une femme devant laquelle avaient plié les femmes.
Le bonheur se coud à chaque cicatrice, telles les oriflammes d'un manteau de reine.
Lull hochait la tête :
– Dans le fond, il suffirait de peu de chose pour qu’une femme soit président des États-Unis.
– C’est ça, dis-je, plutôt ivre, du tabac plein la bouche. Dominer le monde n’a rien à voir avec ce qu’on a dans le pantalon.
– Dans quoi ?!...
– Rien, dis-je.
Et je crachai à terre.
– Pourquoi bois-tu autant, Martha
Jane ?
– J’ai soif. Plus j’ai soif, plus je bois.
– Logique, dit un type en costume, qui battait les cartes devant le pianola.
« Ne te laisse pas accabler par les mots comme j'ai été dévorée par les notes... cela ne sert à rien. C'est une guerre aussi implacable que les autres. Chaque mot sera une pelletée de terre sur ton corps vivant. Tout est relatif... tout. Et tous. »
« Voilà, dit-il. Voilà. » Dans « voilà », il désignait les morceaux de violon, la cabane, les parcs, les remparts de Brouage, plus loin. Voilà. Ils sont comme ça. Pleins de haine. Très forts. Il n'y a rien à faire, rien à espérer ici. Voilà. Sa joue gauche était meurtrie, zébrée et je vis, tombé à ses pieds, l'archet brisé en deux.