Te connais-tu seulement toi-même ? Toi qui cites si souvent le précepte de Socrate – Connais-toi toi-même, tu n’en parles que par ouï-dire. Tu raisonnes comme résonne un tambour et sa peau d’âne, dont on fait aussi les diplômes. Mais que sais-tu du monde, mon petit bonhomme ?
Où sommes-nous, à cet instant, cet instant fugitif, dans ce fleuve qui est un océan ? Oui, en vérité, qu’est-ce qu’un homme dans la nature, le monde, le temps ? Nous sommes un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout.
Le poète quitte son jardin secret
Et maintenant que nul n'aura plus soin de vous
Mes arbres et mes herbes folles
Frères et soeurs de sève et de silence
Vivez vivez tenaces contre le rocher
Je vous confie au ciel à sa pluie à ses flammes
Je vous confie à vous-mêmes je vous confie
Au temps et à la terre
Au
loin j'écouterai dans la rumeur humaine
Votre sagesse instruire les étoiles .
(" Le village transparent")
Bruegel, dans sa maison de Bruxelles, regarde la neige tomber. Il fait sombre sur le pays. Les rues sont pleines de reîtres et les tribunaux de tueurs. C'est l'Avent. L'Evangile est ouvert dans l'atelier, près du chevalet. Le monde autour de lui est ouvert comme un livre. Qui en dirait le sens sinon le Christ qui vient de naître ?
"Noël du corbeau et de la colombe"
L'un ne peut croire qu'à la nuit
La plus noire et desespere.
L'autre est fille de la lumiere.
Pauvre coeur, coeur obscur, dit-elle,
Écoute l'heureuse nouvelle.
Nous vivrons de vie éternelle.
Page 139
D’abord viennent les chasseurs (...) Ils descendent vers la plaine où la neige est douce et vers le village dont les maisons les attendent : dans l’air pâle monte la fumée. Ils songent dans le givre de leur barbe à la cheminée, à la marmite sur la table, à la soupe chaleureuse. Comme c’est loin encore !
Je vois s' agenouiller sur le givre les chameaux
Une plume, un flocon de neige, se pose, à peine,
Sur l'herbe endimmanchee de givre
Pour l'émerveillement de quelques bergers
Encore endormis, la tête sur leur cornemuse,
Sans les déranger,
Tandis que leurs moutons grelottent, et bèlent,
A la belle étoile!
Cette Etoile invraisemblable qui tire comme par un fil
Les Rois vêtus de quatre
horizons
Et leurs couronnes rangés dans leurs sacs,
A l'abri, tant le vent qui se lève s' est mis à souffler
Sur leur cortège d'éléphants et de chameaux
De dromadaires, de chevaux,
Un grand vent de sel et de sable - cette Étoile
Brille, éblouissante!
"Noël de la Lune et de Marie" pages 81-82